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 Les ravages de la politique de ghettoïsation sur les zones grises d’insécurité
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Bonnes feuilles

Rachida Dati publie "La confiscation du pouvoir" aux éditions Plon. Rachida Dati évoque l'adversité mais aussi la bienveillance de ceux qui l'ont épaulée. Elle s'appuie sur son expérience pour nourrir une réflexion et ouvrir des horizons qui l'amènent à présenter sa candidature à la mairie de Paris. Extrait 1/2.

Rachida Dati

Rachida Dati

Rachida Dati est une femme politique française.

Porte-parole de Nicolas Sarkozy lors de la campagne de 2007, elle occupe la fonction de ministre de la Justice au sein des gouvernements François Fillon I et Fillon II jusqu'au 23 juin 2009.

Elle est également maire du 7e arrondissement de Paris depuis le 29 mars 2008 et députée européenne depuis le 14 juillet 2009.

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On m’a vue comme une fille de banlieue, je suis avant tout une fille des cités ouvrières. Dans cette France qui n’était pas encore désindustrialisée, du patron à l’ouvrier, on partageait les mêmes valeurs. D’ailleurs, le comité d’entreprise envoyait les enfants de tous les salariés en journées neige ou découverte, ou en colonie de vacances. Cette sacralisation du mérite, cette appréciation du travail comme une aubaine, cette éthique de l’effort, je les ai connues par la gauche ouvrière et je les ai défendues par mon engagement à droite, quand la gauche s’est détournée de ses fondements. À l’époque des cités ouvrières, chaque étape de la vie était rythmée par des engagements et des activités collectives. Le centre de protection maternelle et infantile, le centre social, le centre de loisirs, l’école ouverte, les « colos », les cours de sports, le théâtre, le bibliobus, tout cela structurait la vie sociale de nos quartiers. Tout cela assurait l’intégration de ceux qui rejoignaient la France et la mixité à la fois entre les filles et les garçons, et entre les milieux sociaux. Tout cela s’est peu à peu dégradé. Ceux qui encadraient, et qui avaient un véritable savoir‑faire, ont été remplacés par des éducateurs dits « de rue », qui sont plus de rue qu’éducateurs, et par des « grands frères », eux‑mêmes en difficulté d’insertion.

Paris n’a pas échappé à la règle. Il n’y a pas eu de volonté d’accompagner la jeunesse à travers une grande politique d’offre sportive et culturelle. La capitale est dotée des plus grands équipements sportifs et des plus grands clubs, et pourtant ce n’est pas une ville qui fait une offre sportive pour tous. Et il est illusoire de croire que seuls les enfants défavorisés sont perdants. Les familles les plus favorisées se saignent et courent d’un arrondissement à l’autre pour trouver un cours de natation ou de piano. Par ailleurs, elles sentent bien que cet entre‑soi est préjudiciable à tous. Paris se fracture, Paris se replie, et tout le monde en souffre. J’ai vu la gauche abandonner Paris, comme je l’ai vue abandonner les travailleurs des cités ouvrières. Il ne suffit pas de prôner le vivre‑ensemble, il faut en créer les conditions. 

Car c’est bien d’abandon qu’il est question, de capitulation, d’éloignement et d’exclusion. Une des causes de cette exclusion a été la politique de logement menée depuis des années. En reléguant les plus pauvres aux mêmes endroits, en les circonscrivant, en les ghettoïsant par une politique inappropriée de logements sociaux, on a dessiné des zones grises d’insécurité endémique ; on a attisé la peur et l’incompréhension. Outre qu’il est inacceptable et dangereux d’humilier des êtres humains en les traitant comme des animaux, en les confinant dans des placards, des espaces minuscules, des cages révoltantes, il est ignoble de prétendre que « c’est mieux que rien ». Je ne me résous pas à voir des immeubles entiers concentrer toutes les difficultés d’intégration. Dans les HLM de mon enfance, il y avait une mixité sociale qui n’était pas subie mais au contraire vécue comme une source de richesse, d’échanges et de compréhension mutuelle. Nous étions entourés d’équipements publics, comme la poste, le centre social ou le centre de protection maternelle et infantile. Je suis une enfant de la PMI, mais en réalité elle était surtout utile aux femmes, qui y trouvaient la confiance et la confidence qu’elles ne pouvaient avoir nulle part ailleurs. Souvent, emmener les enfants à la PMI était un prétexte pour ces femmes, qui n’avaient pas d’autre endroit pour se retrouver entre elles et échanger des conseils. Avec les autres enfants du quartier, je pense que mes frères, mes sœurs et moi avons été parmi les bébés les plus pesés de France ! C’est avec ce souvenir en tête et pour cette raison que je me suis battue pour maintenir un centre de PMI dans le VIIe arrondissement dont la vocation va bien au‑delà de la pesée des enfants.

Je suis une enfant du logement social, on ne peut pas me reprocher d’être contre. Mais je me suis opposée à la politique menée par la Ville de Paris quand elle tombait dans deux écueils : penser punir les habitants des beaux quartiers en créant des confrontations de population, ou concentrer toutes les difficultés dans un même quartier. Il faut rappeler que certains logements sociaux sont refusés chaque année, en raison de leur état ou de la délinquance générée par cette accumulation de difficultés. Avant de se lancer dans une politique du chiffre, il faut déjà assurer des conditions de vie décentes dans les logements existants. Construire et attribuer à tout prix des logements sans s’assurer de la sécurité et des conditions de vie à l’intérieur de l’immeuble, ce n’est pas une politique sociale.

Lors des premières manifestations des Gilets jaunes, Paris comme la province ont découvert une France qui travaille dur et peine à survivre. Bien sûr, certains, par la violence, ont trahi le combat de cette majorité de Français qui a supporté pendant des années sans jamais rien dire. Mais la réalité est là : la France se fracture, Paris se fracture. Jouer sur ces frac‑ tures dans un objectif électoral serait suicidaire pour l’avenir du pays. J’ai la conviction qu’un élu local qui s’engage réduit les fractures et les inégalités. Si les fractures se creusent, c’est qu’il y a un désengagement du politique. Combien de fois ai‑je entendu des élus locaux dire à propos de quartiers difficiles et qui se dégradaient : « Moi, je n’investis pas ici, de toute façon, ils ne votent pas » ? Tout cela a conduit à des violences urbaines sans précédent et, en fin de compte, à déverser à l’aveugle sur ces quartiers des milliards sans efficacité. 

Une certaine gauche a pensé que faire du social, c’était dénigrer le travail. Une certaine droite a pensé que valoriser le travail, c’était caricaturer le social en assistanat. Je crois à la droite qui remet le travail au centre du système social, comme véhicule principal d’intégration, qui promeut la méritocratie, qui se concentre sur l’égalité des chances.

Extrait du livre de Rachida Dati, "La confiscation du pouvoir", publié aux éditions Plon

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