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"Euthanasie palliative" : l’inquiétante idée prônée par la présidente du nouveau Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie
©Reuters

Confusion dangereuse

Le Docteur Véronique Fournier a été officiellement nommée à la présidence du nouveau Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, par arrêté du ministère de la santé daté du 7 avril 2016 et publié au Journal Officiel du 15 avril. Une nomination qui est loin de satisfaire tout le monde.

Dr François Bertin-Hugault

Dr François Bertin-Hugault

Dr François Bertin-Hugault est porte-parole du mouvement convergence soignants-soignés pour le collectif "soulager mais pas tuer".

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Atlantico : Le gouvernement a créé en janvier un Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, en fusionnant deux précédentes instances : le Centre national de ressources en soins palliatifs et l'Observatoire national de la fin de vie. Quel était l'objectif affiché de cette décision ministérielle ? Est-ce une bonne chose selon vous ?

Dr François Bertin-HugaultDans le contexte de discrédit des pouvoirs publics, de surenchère législative et d’ambiguïté du débat fin de vie, il est difficile de cerner la motivation qui conduit à cette fusion. Même si on ne peut que saluer la qualité du travail effectué jusqu'à maintenant par les deux instances permettant la création de ce Centre, la simplification des institutions est une bonne chose, permettant plus de visibilité. Le gouvernement veut-il montrer sa volonté de mieux informer les patients sur leurs droits effectifs en invitant ce Centre à lancer des campagnes de sensibilisation grand public ? Au-delà de l'information des Français, il semble que les objectifs de recherche sur les soins palliatifs et l'accompagnement en fin de vie, aient motivé ce choix.

Cette création serait, sur ce point, une bonne chose. Reste à savoir ce qui sera fait  pour prolonger un débat parlementaire compliqué, loin du consensus recherché par notre gouvernement. L'unicité de cette instance accentue d'autant plus la responsabilité qui pèse sur les épaules de sa présidente. Et là, nous sommes dubitatifs.

Marisol Touraine a nommé à la tête de ce nouveau centre le Dr Véronique Fournier, directrice du centre d'éthique de l'hôpital Cochin, qui se dit partisane d'une "euthanasie palliative". Que signifie précisément cette formule ? En quoi se distingue-t-elle d'une euthanasie au sens strict d'une part, et des soins palliatifs d'autre part ?

Je le dis clairement, l’idée d’une euthanasie palliative prônée par Véronique Fournier est à nos yeux la plus dangereuse qui soit. C’est justement tout le risque du débat sur la nouvelle loi fin de vie que d’infiltrer l’euthanasie dans les soins palliatifs, alors que les deux pratiques sont, et doivent demeurer incompatibles, comme l’a régulièrement indiqué la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). Accoler le qualificatif palliatif au mot euthanasie, c’est utiliser les soins palliatifs comme un Cheval de Troie de l’euthanasie, en laissant croire qu’il y aurait des euthanasies qui relèveraient des soins palliatifs. Ne pas provoquer la mort, c’est justement la ligne rouge qui doit protéger l’éthique des soins palliatifs : il s’agit de soulager sans tuer. J’espère que Véronique Fournier, dans sa nouvelle fonction, sortira de cette ambigüité. Ayant eu l’occasion de travailler avec elle, je sais son énergie, et son indéniable engagement pour le débat, mais j'ai malheureusement perçu son militantisme lorsqu'elle pouvait exposer des situations médicales qu'elle présentait comme inextricables. Nous souhaitons donc la rencontrer dès que possible pour l’entendre préciser sa position et expliciter la nôtre. Comme présidente de ce Centre, je pense qu’elle devra sortir du militantisme.

Au-delà de sa personne, cette nomination confirme toutes les ambiguïtés que nous avons relevées à propos de cette nouvelle loi fin de vie. Le 10 mars 2015 une tribune cosignée avec 17 professeurs de médecine de spécialités et villes différentes manifestait le risque d’une transformation en « euthanasie masquée » de la « sédation profonde et continue jusqu’au décès » contenue par cette loi. Elle est largement inadaptée à plusieurs de nos spécialités médicales.

Cette nomination n'est-elle pas le signe d'un engagement de plus en plus clair du gouvernement en faveur de l'euthanasie ?  Quelles autres options pourrait-il prendre selon vous pour accompagner les personnes en fin de vie le plus dignement possible ?

Je ne connais pas les tenants et aboutissant de cette nomination pré-annoncée en janvier par un quotidien, suscitant aussitôt des protestations dans le monde médical, et tardivement confirmée. Sans doute pourra-t-on mettre en avant l’ouverture de Véronique Fournier à une réflexion sociale, philosophique, anthropologique, au-delà des aspects purement médicaux. Mais sur ce dernier aspect, nous pensons qu’il est nécessaire que la vision et la réflexion soit plus large sur la fin de vie, que simplement centré sur les soins palliatifs ou quelques spécialités médicales.

Nous ne pouvons que constater que ce choix du gouvernement se porte sur une personnalité ayant exprimé une position personnelle propre à tirer la loi fin de vie vers l’euthanasie, contrairement aux dénégations de Jean Leonetti. Nous notons toutefois les propos du Docteur Fournier repris dans Hospimedia du 15 avril : « il n’est pas question que la présidente d’une instance officielle […] en « profite » pour faire passer ses convictions personnelles. »  qui nous invitent à observer avec la plus grande vigilance désormais les actions mises en œuvre par ce nouveau Centre, sous l’impulsion de sa présidente, d'autant plus que distinguer fonction et conviction relève tout de même d'une alchimie compliquée sur des sujets aussi sensibles. 

Proposer une euthanasie à un malade est un aveu d'impuissance souvent lié à un manque de compétence ou un manque de moyen. Tout médecin est confronté un jour ou l'autre à la tentation d'euthanasier un de ces patients

Le respect de la dignité de ce malade qui demande à mourir passe avant tout par le temps que vous lui accorderez, et la qualité de l'écoute que vous lui apporterez pour le comprendre et l'apaiser, sans jugement.

Alors que faire pour mieux accompagner ? Comprendre la complexité des situations en maintenant l'interdit de mourir. Pour cela, repenser notre système de santé et la tarification à l'activité dans un contexte de 35 heures où de nombreux soignants souffrent aujourd'hui de ne plus pouvoir répondre à l'idéal qu'ils s'étaient donnés en choisissant ce métier.

Redonner de la valeur à cette relation soignants-soignés profondément respectueuse. Redonner des médecins aux Français privés dans certaines zones d'un accès à un médecin traitant. Adapter la loi pour que la morphine puisse être utilisée correctement dans les maisons de retraite. Promouvoir le développement des HAD.

Ce programme nécessite de s'intéresser à la réalité de ce qui se passe auprès des malades en fin de vie, écoute apaisée des malades, de leurs proches, des soignants, sans opposer les uns aux autres, loin des débats idéologiques qui ont secoué nos législateurs sur ces sujets dernièrement.

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