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+ 5,9% sur les prix de l’électricité : quel impact peut avoir cette hausse sur notre société ?
©DAMIEN MEYER / AFP

Développement à la durable

Le ministre François de Rugy a annoncé une hausse de 5,9% des prix de l’électricité qui devrait être appliqué cette été. Cependant, cette hausse ne devrait pas peser de façon égale pour les entreprises et particuliers français.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico: Des différents secteurs économiques aux ménages aisés, tout en considérant les ménages modestes, quels seront les publics les plus à même de rendre leur consommation moins « énergivore » suite à cette augmentation ?

Michel Ruimy : Tout d’abord, quelques éléments. L’électricité est indispensable au développement économique, social et industriel dans tous les pays du monde. Sa consommation va de pair avec l’amélioration de la qualité de vie des habitants, la création de richesse, le développement des loisirs… C’est pourquoi, elle fait partie des indicateurs permettant de mesurer les écarts de développement entre différentes régions et représente l’un des enjeux majeurs actuels du développement durable.

En France, la consommation d’électricité a triplé de 1973 à 2010. Depuis cette date, elle s’est stabilisée en raison de la modification du tissu industriel français ou des effets de la maîtrise de la consommation. Cette source d’énergie représente, de nos jours, environ 25% de la consommation énergétique de l’Hexagone.

C'est le gouvernement, sur proposition de la Commission de Régulation de l'Énergie, bras de l’administration sur le marché, qui fixe les tarifs réglementés de l'électricité. Ceux-ci fluctuent davantage au gré des échéances électorales / politiques que des impératifs économiques d’EDF. À cet égard, la hausse qui devait avoir lieu en fin d’année dernière a été reportée, à ce premier trimestre, du fait du mouvement des « gilets jaunes ». Lorsque le tarif réglementé est fixé trop bas, EDF est en déficit et accumule une dette « boule de neige », évaluée à environ à 45 milliards d’euros. Après la SNCF, le gouvernement pourra-t-il faire l’économie d’une réforme d’EDF ? L’avenir nous le dira.

Concernant la consommation électrique française, elle varie, de manière importante, selon les secteurs d’activité en fonction de leurs besoins, de leurs habitudes de consommation, de la saisonnalité… Elle est essentiellement le fait de trois secteurs, en parts à peu près égales en volume : le secteur résidentiel (33-35%) où la consommation d’électricité est principalement due à des usages qui ne peuvent pas se faire à partir d’une autre source d'énergie, le secteur tertiaire et agricole (30%), l’industrie et l’énergie (25-27%) et, dans une moindre mesure, le transport (3%).

De manière plus précise, les consommateurs les plus « voraces » sont les secteurs des entreprises (25%), de la grande industrie (20%), des PME - PMI (10) et enfin, celui des professionnels qui représente également à peu près 10% du volume total. Le bâtiment est le principal secteur de consommation d’énergie en France (l’efficacité énergétique des bâtiments est fondamentale).

On voit donc bien que l’ensemble des consommateurs seront, plus ou moins, affectés, qu’ils soient particuliers, professionnels ou industriels, qu’ils soient au tarif réglementé chez EDF ou fournis par un concurrent. Ils devront donc revoir leurs dépenses et / ou leurs comportements pour ne pas alourdir leurs charges.

Toutefois, cette hausse tarifaire soulève une polémique : le manque de visibilité de ces tarifs et de leur augmentation. En outre, elle comporte des risques sur le pouvoir d’achat de certains ménages et des risques sur le coût de production des entreprises d’autant que cette hausse apparaît importante alors que la croissance est fragile. Quant à EDF, on peut constater qu’une chose : la rentabilité d’une entreprise passe par des efforts au niveau de la productivité qui ne semblent pas avoir été accomplis.

Faut-il considérer l’électricité comme un marché dont la demande est peu modifiée par les variations de prix ?

La fixation des prix de l’électricité est atypique. Si la loi de l’offre et de la demande s’appliquait, les tarifs de l’électricité seraient très fluctuants à cause des variations erratiques de la demande (en fonction du climat ou de la saison, en fonction de l’heure du jour ou de la nuit…) mais aussi à cause des fluctuations de l’offre et de l’impossibilité de stocker cette énergie. Celle-ci est donc fabriquée au rythme des besoins. Les tarifs de l’électricité ne sont donc pas des prix de marché, qui s’ajustent aux fluctuations de l’offre et de la demande. Ils sont fixés pour une certaine durée et sont peu liés au coût de fabrication de l’électricité.

L’électricité est un bien dont la demande est inélastique au prix c’est-à-dire que la variation de la demande est nulle ou presque suite à la variation du prix pour plusieurs raisons.

En premier lieu, les énergies sont des biens de dépendance, pour lesquels il n’existe que peu de substituts. Même si, pour le chauffage par exemple, il existe des substituts, il y a une grande inertie dans la consommation de ces biens par la nécessité de renouveler l’intégralité d’une installation en cas de changement d’énergie.

D’autre part, comme d’autres biens de première nécessité, ce poste de dépense rapporté à la dépense totale (coefficient budgétaire) est élevé dans les foyers modestes. Ils seront donc relativement plus touchés par l’augmentation de prix. A titre d’illustration, le coefficient budgétaire des dépenses de logement (incluant les dépenses d’eau, gaz, électricité et autres combustibles) se monte à un peu moins de 20% pour les ouvriers et un peu plus de 10% pour les cadres.

Ensuite, l’électricité est une dépense pré-engagée c’est-à-dire qu’elle résulte d’un engagement contractuel difficilement renégociable à court terme comme le gaz, la téléphonie… Le sentiment d’« asphyxie » que ressentent les classes moyennes et populaires s’explique par le fait que face à des revenus qui ne progressent pas ou peu, leurs dépenses pré-engagées, elles, se sont envolées si bien qu’au fil du temps, le « reste à vivre » s’est réduit à « trois fois rien ».

En dépit des multiples tarifs de l’électricité (discrimination tarifaire en fonction du type de clientèle et du type de contrat signé, qui dépend de la puissance électrique souhaitée par le consommateur), tout concourt pour dire qu’il y a une certaine inertie de la consommation. Néanmoins, les gros consommateurs pourraient voir une baisse de leur facture tandis que d’autres connaîtront une hausse plus forte que la moyenne. En effet, les grandes entreprises industrielles s’approvisionnent, depuis l’ouverture des marchés, directement sur le marché ou à travers des contrats à long terme. En d’autres termes, leur consommation ne dépend donc pas du tarif.

Quels sont les biens et services qui pourraient souffrir d’une telle hausse des prix ?

Au niveau des ménages, il paraît très difficile de vivre aujourd’hui sans électricité. Elle est aujourd’hui présente dans toutes les activités de la vie quotidienne (éclairage, chauffage, cuisson, téléphone, transports, informatique, santé…). La consommation d’énergie est ainsi un enjeu important pour les Français. De nombreux ménages sont en situation de précarité énergétique et n'ont pas la possibilité de subvenir à leurs besoins en matière de chauffage par exemple.

Mais, pour certains ménages, s’ils en ont la possibilité, plus que d’être passifs, il convient d’être actifs c’est-à-dire d’adopter des comportements économes, faciles à mettre en œuvre. Réduire la consommation d’énergie est un enjeu financier (dans un contexte de crise économique et sociale et d’augmentation des prix de l’énergie, 2 Français sur 3 estiment que leurs factures d’énergie représentent une part importante des dépenses totales du foyer) et environnemental (la raréfaction des ressources, la hausse de la température moyenne de la planète et la pollution sont sources de préoccupation).

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