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« Revenu citoyen » : 
Villepin, libéral de gauche ?
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Zone franche

Dominique de Villepin fait une proposition socialement décoiffante, mais c'est par inadvertance. Un PS vraiment moderne pourrait-il s'en saisir ?

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Dominique de Villepin s'exprime si souvent, ces derniers temps, que plus personne ne fait attention à lui. Pour mal de gens, c’est juste un vilain rancunier en quête d’un moyen de se venger de Nicolas Sarkozy et dont les envolées lyriques sont, soit enthousiasmantes (le discours de l’ONU), soit surprenantes de brutalité sexiste (« La France, elle a les jambes écartées. Elle attend désespérément qu’on la baise : ça fait trop longtemps que personne ne l’a honorée »).

Du coup, lorsqu’il passe à la télé, on l’écoute d’une oreille distraite, convaincu qu’il est encore en train de radoter sur l’affaire Clearstream. On a tort : il peut dire des choses intéressantes, garanties sans crocs de boucher. Jeudi dernier sur France 2, il s’est même fait l’avocat d’une mesure dont on rêverait, en bon libéral de gauche, qu’elle fasse son chemin jusqu'au programme d'un PS intellectuellement épuisé : l’allocation universelle, qu’il rebaptise « revenu citoyen ».

Mais quelle est donc cette curiosité ? Et qu'a-t-elle de « libéral », s’il s’agit de créer une énième allocation dans un pays qui redistribue déjà 55% de son PIB chaque année ? Mieux : en quoi est-elle « de gauche », puisque c’est l’inventeur du CPE qui la propose ?

Bon, dans sa version villepinienne, elle n’est ni l'un ni l'autre mais rappelle clairement un concept balisé par une abondante et respectable littérature économique. Le joggeur à la crinière argentée propose en effet que 850 euros par mois soient versés à chaque adulte afin d’éliminer, une fois pour toutes, l’extrême pauvreté dans un pays aussi riche que la France. Une somme d’ailleurs réduite progressivement si la personne travaille, voire totalement supprimée lorsqu’elle franchit le seuil des 1 500 euros par mois (soit le revenu médian en 2010).

Convertir toutes les prestations existantes en une allocation unique et universelle

Mais les libéraux pure laine, et pas seulement ceux de gauche, vont bien plus loin. « Éradiquons la misère en versant un montant de ce niveau à tout un chacun sans contrepartie ni réduction d’aucune sorte, y compris lorsqu’'existent d’autres sources de revenus », proposent-ils.

Jacques Marseille, un historien et économiste disparu l’an dernier sous les applaudissements cyniques de l’extrême-gauche, suggérait ainsi, dans son livre L’argent des Français,de convertir  et de redéployer l’ensemble des prestations sociales en un versement unique et mensuel de 750 euros par adulte et de 350 euros par enfant, de la naissance à la mort.

Quoi, qu’entends-je ? Quelle horreur ! Ne s’agit-il pas là d’une dépense insurmontable, d’un terrible encouragement à l’oisiveté, d’une utopie communiste grotesque ? Que nenni. Pour Marseille, c’est non seulement une opération blanche pour les finances publiques, mais c’est aussi le moyen de régler le problème de l’inefficacité de la gestion par l'État des fonds dont il dispose (« En 2006, 76,5 milliards d’euros ont été consacrés au traitement du chômage, soit 38 000 euros par demandeur d’emploi », rappelle-t-il notamment à l’appui de sa thèse).

Travailler (tout court) pour gagner plus ?

En gros, avec l'allocation universelle, les besoins de base du citoyen sont assurés, libre à lui de travailler ou d’entreprendre s’il considère que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue sans une grosse voiture ou un appartement dans les beaux quartiers. La question des retraites, dont personne ne sait vraiment comment elles seront réellement financées dans le cadre actuel, est également prise en compte, les allocataires choisissant ou pas de cotiser à des fonds de pension complémentaires tout au long de leur vie active…

On imagine que la mise en place de ce dispositif représente un sérieux challenge théorique et pratique. Mais on imagine aussi, maintenant que  le programme du Conseil National de la Résistance est revenu à la mode, que l’élaboration des régimes sociaux en 1944 n'était pas moins complexe. En tout état de cause, le SPD allemand réfléchit sérieusement à la question depuis 2007 et, en France, c’est Christine Boutin qui s'y est intéressée la première, allant même jusqu’à proposer une loi sur le « dividende universel » en 2006.

Le PS, lui, est à la ramasse, incapable de penser « outside the box » à l’heure d’élaborer son programme présidentiel. Des socialistes français à la remorque du SPD sur l’innovation sociale, on connaissait ça depuis Bad Godesberg, mais en retard sur Villepin et de Boutin, là, franchement, on aura tout vu…

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