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« La droite insoumise », le cocktail qui pourrait vraiment menacer Emmanuel Macron ?
©RICHARD BOUHET / AFP

Danger à droite

On compare souvent Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon mais l’analogie est en réalité inappropriée.

Jean-Sébastien Ferjou

Jean-Sébastien Ferjou

Jean-Sébastien Ferjou est l'un des fondateurs d'Atlantico dont il est aussi le directeur de la publication. Il a notamment travaillé à LCI, pour TF1 et fait de la production télévisuelle.

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Marine Le Pen et le Rassemblement national seraient plutôt à la droite ce que le Parti communiste -pas La France insoumise- est à la gauche. L’un comme l’autre ont su occuper une fonction tribunicienne de héraut des classes populaires mais ont finalement intégré depuis longtemps qu’ils ne parviendraient pas au pouvoir dans ce pays. 

Ce dernier point est peut-être moins perceptible vu de l’extérieur en ce qui concerne le RN mais en interne, les langues se délient vite sur le sujet. Le moment d’espoir de la période 2015-2017 est clos et Marine Le Pen est redevenue une figure similaire à celle de son père : la gestionnaire d’une boutique sachant très bien monnayer sa position d’assurance vie du (blocage du) système politique pour vivre sur les dividendes que celle-ci lui procure sans pour autant s’imposer la discipline et les contraintes qu’impliquent le fait de se transformer en parti réellement capable de gouverner. 

Emmanuel Macron, on l’a encore vu ce week-end avec les propos de Christophe Castaner sur les casseurs d’extrême droite, revient à la bonne vieille stratégie mitterrandienne du danger « fasciste ». Le quinquennat a connu une phase où la mise en œuvre de réformes économico-sociales rendait utile le fait d’apporter de l’eau au moulin de la fiction mélenchonienne d’une France insoumise aux portes du pouvoir (à 600 000 voix près) quitte à fermer les yeux sur un certain nombre « d’agressions politiques ». On se souvient de ce point de vue d’un Emmanuel Macron magnanime à Marseille face à un Jean-Luc Mélenchon l’ayant le même jour un peu plus tôt traité de xénophobe et à qui le président avait réussi à faire montrer patte blanche une fois le leader de la LFI face à lui. 

Depuis les gilets jaunes, le RN est redevenu le partenaire préféré du gouvernement pour le numéro de duettistes qui maintient les uns aux pouvoirs, les autres dans le confort d’une opposition n’assumant jamais le poids du réel et la France dans le marasme politique. 

Qu’Emmanuel Macron exploite la thématique de l’opposition populistes/ progressistes, qu’il surjoue sa confrontation avec des Salvini ou des Orban (tout en étant prêt à bien des « compromissions » si nécessaire comme l’a révélé son ébauche d’alliance avec le premier ministre droitier des Pays-Bas Mark Rutte) ou qu’il martèle ses convictions sur l’Europe et la souveraineté européenne, Emmanuel Macron aide objectivement une Marine Le Pen émergeant des cendres de son débat d’entre-deux-tours à se repositionner en opposante numéro 1. Une bonne dose de cynisme qui se révèle de facto efficace : une partie du pays, à commencer par des élites qui commençaient à douter des vertus ou des compétences du président transformateur, voit le danger fasciste à sa porte, sur les Champs-Elysées ou sur le parking de ses centres commerciaux. 

Grâce au mode de scrutin présidentiel français et quoiqu’en pensent ceux qui redoutent l’arrivée au pouvoir prochaine des extrêmes, la réédition d’un affrontement similaire à celui de 2017 permettrait à Emmanuel Macron d’être raisonnablement –ou déraisonnablement, c’est selon…- sûr de gagner. L’élection le week-end dernier de Francis Chouat qui se présentait à la succession de Manuel Valls dans l’Essonne en revendiquant son appartenance à la majorité présidentielle face à une candidate LFI l’a montré : les records d’impopularité ne valent plus gage de défaite électorale sur une scène politique française tellement déliquescente qu’aucune alternative crédible au président ou à la majorité actuelle ne se dégage vraiment. 

Mais que se passerait-il si une structure similaire à la France insoumise, c’est-à-dire rassemblant aussi bien le PC que des petits partis de gauche et captant tout à la fois électeurs communistes, socialistes, écologistes et cie… émergeait à droite ? Avec à sa tête une figure à la Mélenchon parvenant à s’imposer à un univers courant des LR au RN en passant par ce que l’ex UDF -trop souvent décrite comme centriste par commodité-comptait comme portion droitière (qu’on se souvienne du parti républicain ou de Philippe de Villiers notamment). C’est un peu ce que le général de Gaulle avait finalement réussi en 1958. On peut rappeler de ce point de vue là les procès en coup d’Etat et autres carrières de dictateur que lui dressaient bien des partis -et pas seulement de gauche- d’une IVe République en plein naufrage. De Gaulle bousculait les structures établies et ne comptait pas se laisser enfermer dans l’une ou l’autre d’entres elle pour développer sa vision de la France. 

Le candidat à cette posture de leadership d’une droite insoumise (dans le sens d’insoumise aux structures partisanes actuelles) n’est pas encore connu, si tant est qu’il finisse par en émerger un. La dynamique sondagière enregistrée par certaines figures politiques montre en revanche que la demande existe dans l’opinion. Le mot insoumis n’appartient évidemment pas à la sémantique de droite mais quelle que soit l’appellation choisie, le constat demeure, et ce, de manière d’autant plus aigüe que les thématiques qui intéressent les Français au-delà du pouvoir d’achat correspondent bien mieux à l’ADN de la droite qu’à celui de La France insoumise, du contrôle des flux migratoires au défi de l’intégration de populations nouvellement ou même parfois anciennement immigrées en passant par une insécurité du quotidien que le défi terroriste a un peu étranglé dans le débat public mais qui n’a rien perdu de son acuité. 

Nicolas Dupont-Aignan pourrait faire un beau score aux Européennes en profitant à la fois des faiblesses intrinsèques du RN et de la difficulté des LR à se trouver une ligne acceptée par tous au sein du parti mais il parait en l’état trop marqué par son image de souverainiste pour jouer ce rôle de parrain d’une droite renouvelée dans une nouvelle synthèse. L’électorat fillonniste garde en outre une dent contre lui puisque certains y ont vu le traître ayant concouru à la non-qualification de leur champion au 2e tour, un peu à la manière de socialistes ayant tenu grief à Jean-Pierre Chevènement ou Christiane Taubira de l’élimination de Lionel Jospin. 

Le fort regain de popularité de Nicolas Sarkozy auprès de l’électorat LR et alors qu’il n’est plus associé au quotidien du parti ni à son pilotage témoigne probablement aussi de cette demande au sein du peuple de droite d’un champion surplombant les structures partisanes existantes. De même,  le « fantasme-Marion-Marechal » qui échauffe les esprits de ceux qui rêvent de s’affranchir du Rubicon RN/ LR ainsi que des restes du paradigme économiquement gauchisant du FN version Marine Le Pen- Florian Philippot fonctionne à un carburant similaire. On a d’ailleurs vu Marion Maréchal participer à une manifestation des gilets jaunes à Paris sur le Champ de Mars la semaine passée.

Autre figure, moins classique, pouvant recueillir cette demande de choix alternatif : celle du général Pierre de Villiers dont les succès d’édition s’accompagnent d’un véritable succès populaire lors des rencontres organisées autour de la signature de ses livres. Le général jure à qui veut l’entendre que la politique ne l’intéresse pas. Peut-être la politique, elle, s’intéresse-t-elle à lui ?

Comme le rapportait le JDD, on s’inquiète au sein même de la majorité de l’émergence possible d’une nouvelle figure, inconnue, reproduisant en 2022 l’exploit d’Emmanuel Macron en 2017. Si ce scénario devait se produire, il y a fort à parier que son champ politique d’application serait celui d’une droite qui se serait libérée de ses frontières partisanes et qui -et ça n’est pas le moindre des défis- serait parvenue à contourner la question explosive de l’union des droites en la transcendant, non pas par une alliance LR/ RN mais par la proposition d’une plateforme captant des électorats considérés comme irréconciliables aujourd’hui. 

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