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Quel (énième) virage pour la gauche après la gifle FN ? Crispr-Cas 9, l'invention française qui révolutionne la génétique ; Matteo Renzi, un exemple de réformateur efficace pour la France ?
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Revue de presse des hebdos

Si les quotidiens ont réagi au "choc" FN en tête du premier tour des régionales, les hebdomadaires tentent d’aller plus loin. Passé l’état de sidération (annoncée), ici, on tente de projeter l’électeur face à ce que pourrait être sa réalité dans quelques jours.

Sandra Freeman

Sandra Freeman

Journaliste et productrice, Sandra Freeman a animé des émissions sur France Inter, LCI, TF1, Europe 1, LCP et Public Sénat. Coautrice de L'École vide son sac (Éditions du Moment, 2009), elle est la fondatrice du média internet MatriochK.

 

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FN : "un programme qui conduirait à la ruine"

"Challenges" fait un pas de côté et sort du discours sécuritaire : "Économiquement nuls". Le titre est clair et sans ambiguïté. Le magazine passe en revue le programme de Marine Le Pen qui "prend ses rêves pour des réalités". "Sortir de l'euro", "surtaxer les grandes entreprises et les hauts revenus", "revenir à la retraite à 60 ans", prévoir une "hausse des salaires et une baisse de la TIPP", l’hebdomadaire économique tranche : "Le FN dope les dépenses en les finançant par une taxe à l’import et la planche à billets. Irréaliste et inefficace". Et à l’économiste interrogé par le magazine, Pierre Cahuc, professeur à l'école polytechnique,  d’aller plus loin "un programme qui conduirait à la ruine".

Le magazine – qui sait compter – relativise d’ailleurs  le succès grandissant du Front National et parle d’effet trompe-l'œil ». Lors de ce scrutin, le FN recueille 6 004 482 voix, et "affiche un score flatteur de 28,4 %", ce qui est "en réalité moins que la présidentielle de 2012 où il avait obtenu 6 421 426 voix"... Donc plus de votants. Ce qui change entre les deux, c’est le taux d'abstention.

FN aux portes du pouvoir : #tout changer… Avant qu’il ne soit trop tard

"L’Obs" propose donc, avec une couverture toute rose et noire, de faire feuille blanche. #tout changer. "#Cette gueule de bois ne passera pas cette fois-ci avec une bonne douche, fût-elle glacée". 

C’est au-delà du débat d’idée. C’est au delà de ce que proposait les journaux il y a encore un mois, s’interrogeant alors sur qui étaient les intellectuels et ce qu’ils pensaient. Là, le magazine plaide pour un changement de logiciel : « L'heure n'est plus aux ajustements mais à la reconstruction. Éviter le pire, il nous faut désormais tout changer. Réinventer la gauche, réinventer la politique, réinventer la République. Des initiatives existent déjà sur le terrain comme dans la sphère numérique, pour replacer les citoyens au centre, retisser les liens démocratiques, rééquilibrer le rapport gouvernant/gouverné, imposer la transparence des décisions, renouveler les modes de délibération, bref se réapproprier le champ politique hors des canaux traditionnels qui nous ont lentement mais sûrement précipités dans l'ornière ».

Ce que dit la percée du FN au seuil du pouvoir : La gauche est à bout de souffle, dans "l’impasse"

En couverture de "l’Express", surgit ce titre : "l'impasse" pour accompagner les visages de Valls et Hollande "déboussolés".

Et si la gauche est "sens dessus-dessous", et si cette "percée historique" du FN a des "allures de désaveu pour l'exécutif"… comment doit-elle réagir ? "L’Express" analyse : "Les réponses sécuritaires, ils le savent désormais, ne suffiront pas à reconquérir l'opinion publique".

Comment réagir, alors ? Par un remaniement ministériel ? Petit rappel : "Jean-Marc Ayrault a été débarqué au lendemain du fiasco aux municipales, en avril 2014" mais aujourd’hui, Valls, "son successeur ne sera pas sacrifié malgré la perte des régions symboliques comme PACA ou le Nord-Pas-de-Calais–Picardie. François Hollande ne veut rien chambouler", en plein état d’urgence. De fait, on y avait pensé avant : "L'Élysée a beaucoup phosphoré sur le remaniement poste régional. Il devait intervenir en janvier 2016 (…) il s'agissait de faire entrer d'autres sensibilités politiques, de réintégrer les écologistes après la COP 21, voire des centristes". Mais dans le contexte actuel, on ne bouge plus. "Pour l'instant, il est remisé dans les cartons".

Réagir en s’adaptant, quitte à se renier, alors ? "L’Express" redessine la trajectoire politique de la gauche au pouvoir aujourd’hui : "Après le virage social–libéral, voici donc le virage sécuritaire : constitutionnalisation de l'état d'urgence, renfort de l'armée, prêt d’armes aux polices municipales, assouplissement envisagé des règles d'ouverture du feu pour les gendarmes… Les digues tombent ".

Matteo Renzi, le réformateur du marché du travail de l'économie italienne. Un exemple pour la France ?

Sortir de l’ornière, sortir de l’impasse, c’est ce que Matteo Renzi a fait en Italie, selon "Le Point". Ce "réformateur qui gagne" a réformé le droit du travail et l'économie italienne repart. "Cours de la croissance après cette année de récession, confiance des ménages en hausse, regain d’optimisme des entrepreneurs, baisse légère du chômage, bienveillance des chancelleries européennes, satisfecit de Bruxelles : Mateo Renzi a le vent en poupe » affirme le journal. Pour exemple, "Le Point" zoome sur "le Jobs Act" que cet ancien maire de Florence a instauré. Ainsi, "Il a mis fin au "consociativisme" et  "a abattu le totem de l'article 18 - obligeant les employeurs à réembaucher, parfois des années après le licenciement, les salariés licenciés sont juste cause". Il a aussi "instauré un système de tutelle croissante permettant aux employeurs de se séparer d’un salarié durant les trois premières années de son contrat". Comme l’écrit d’ailleurs un journaliste italien de "la Repubblica" ici cité, "il a mis fin au mythe du poste fixe à vie (…) et a dépoussiéré la gauche de beaucoup de ses archaïsmes".

"Le Point" expose le cas de Matteo Renzi et s’interroge. Serait-ce "un exemple pour la France ?"

Comment stopper le FN ? "Vite ! Une Sextape !"

Comment s’en sortir ? Pour "Charlie hebdo", pour "stopper le FN", on ne peut pas passer par l’argumentation, puisque ça ne marche plus. Alors ? La réponse vient de Coco : "vite ! Une sextape" ! Sous-entendu il n'y a qu'un fait divers amoral qui pourrait encore sauver la démocratie. Le dessin qui accompagne ce titre en couverture du journal montre Dark Vador, l’épée à la place du sexe, un préservatif usé en bout d'épée, et derrière, une Marine Le Pen souriante, seins dénudés, visiblement heureuse.

Et puisque les personnalités Le Pen s’imposent particulièrement ces jours ci, les caricatures sont nombreuses et "les couvertures auxquelles vous avez échappé" se sont particulièrement inspirées de leurs figures. Quelques exemples :

Coco, encore : "post attentat" : après "je suis en terrasse", "je suis en tête de six régions"

Un autre : "Génération bataclan" est barré et transformé en "génération tête de gland", et un slogan "Marine" scandé par le public.

Riss : "osons le féminisme" (avec une marine en mégère, le rouleau à pâtisserie menaçant).

Riss, encore : "Victoire des antisystème" : "On a commencé le boulot", dit le terroriste ; "à nous de le finir", poursuit Marine Le Pen.

De son côté, en dessin aussi, "Les Inrockuptibles" proposent une couverture schématisant ce qu'ils appellent "la machine à voter FN". Les ingrédients qui paraissent  alimenter cette machine : sur un plateau des terroristes islamistes, sur un autre des cellules de pôle emploi, un autre encore, des migrants submergés… on y rajoute la politique d'austérité, et tout cela se retrouve dans une machine à broyer pour produire une bouillie orangée aux visages de Marine et Marion.

Jacques Rancière : "La lutte contre le FN est la lutte contre le système qui l'a produit"

Interviewé dans "l'Obs" sur l’état préoccupant dans lequel se trouve la politique française, le philosophe Jacques Rancière explique avec brio que, selon lui "c'est la professionnalisation de la politique qui nourrit le sentiment d'exclusion" et que, afin d'en sortir, «"il faudrait instaurer de nouvelles règles de représentation, notamment le mandat limité et le tirage au sort".

Et pour répondre à cette question incontournable  de journaliste : "N’y a-t-il pas urgence à agir ? Le FN n’est-il pas une menace pour la démocratie ? Sa réponse interpelle aussi : "N'inversons pas les causes et les effets. Le succès du Front National est un effet de la destruction effective de la vie démocratique par la logique consensuelle. On voudrait identifier le FN aux bandes paramilitaires d'hier, recruter dans les bas-fonds pour mettre à bas le système parlementaire, au nom d'un idéal de révolution nationale. Mais c'est un parti parlementaire qui doit son succès au contre-effet du système électoral en vigueur et à la gestion médiatique de l'opinion par la méthode du sondage et du commentaire permanents. Je ne vois pas ce qu'ils gagneraient dans des aventures antiparlementaires et paramilitaires imitées des mouvements fascistes des années 1930. Ses concurrents électoraux espèrent tirer profit de cette assimilation. Mais ceux qui veulent constitutionnaliser l'état d'urgence sont-ils et protecteur de la démocratie menacée ? La lutte contre le FN est la lutte contre le système qui l'a produit".

L’état d'urgence : l'envers de la loi

L’état d’urgence ? "Télérama" s’y attarde particulièrement dans ses pages « autrement ». Pour rappel, les attentats du 13 novembre ont endurci le dispositif anti terroriste. Mais la question est aujourd’hui de savoir si cette « justice d'exception » est "en passe de devenir la règle ?"

Pour cela le magazine interroge Vanessa Codaccioni, maîtresse de conférences en sciences politiques à l'université Paris VIII. Elle revient sur les enjeux de la justice antiterroriste, forme de justice d'exception, différente de celle à laquelle sont soumis les justiciables "ordinaires".

"Ce qui compte, ce n'est plus ce que j'appelle « la justice jugeant », qui juge et prononce des verdicts, mais la justice policière, qui instruit et enquête. En donnant plus de pouvoir à la police judiciaire, aux agents de renseignements ou au juge d'instruction antiterroriste, on laisse moins de place à la justice des tribunaux. Voire, on essaye de la contourner pour gagner en rapidité", explique-t-elle.

La magazine interroge : "Si l'exception devient la règle, qu'est-ce que cela implique pour les libertés publiques ?"

François Hollande a modifié la loi sur l'état d'urgence. Les termes choisis sont très vagues : on peut dissoudre une organisation si elle trouble "gravement" l'ordre public, assigner quelqu'un à résidence "s'il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public". Cette légalisation de l'exception est inquiétante car on ne sait pas comment elle sera plus tard réutilisée. Et qui sera visé. Il faut cesser cette course en avant et réfléchir à la quinzaine de lois antiterroristes votées depuis 1986. Qu'est-ce qui est utile ou inutile, et dangereux pour les libertés ?"

Envers du décor du traitement de l’actualité : Le grand mercato des experts

"L'express" se concentre sur le fonctionnement des chaînes d'info qui ont dû traiter sans relâche cette actualité troublée depuis le 13 novembre. Pour se faire, on a besoin d’experts : "elles se les arrachent depuis le 13 novembre", qu’ils soient "ancien de la police, du renseignement, de l'armée, magistrat, islamologue, politologue, psys… Ils décryptent les drames de l'actualité, ils font parfois sourire et se livrent une drôle de guerre en coulisses".

Le journal démontre que cynisme, forcément, il y a : "Comme le dit un ancien policier de la sous-direction antiterroriste qui regarde beaucoup le petit écran, "le terrorisme fait vivre davantage deux ans qu'ils n'en tue. Humour de Flics ? Tendance de fond (…) On dira pour simplifier que ce vaste club, très masculin, compte beaucoup d'anciens et se partage entre familles". Le magazine en repère différents groupes :

1.     Les recrues sévèrement viriles de la police et du renseignement.

2.     L'équipe des islamologues, des universitaires, politologues, anthropologues etc.

3.     Les magistrats.

Et il faut être sacrément rapide : "Avant même, parfois, que formation ne parvient jusqu'à nous, les chaînes d'info nous tombent dessus comme la vérole sur le bas clergé breton", gronde le chercheur Eric Denécé.

4.     Et puis, il y a le groupe de ceux qu’on invitera pas… ou plus. « C'est le cas de Samuel Laurent, tricard depuis un an en raison de ces affirmations fantaisistes sur le groupe état islamique, ou de figure comme Pascal Boniface « depuis son dernier livre » qui ne lui a pas apporté que des amis.

5.     On retiendra enfin, qu’il y a ceux qu’on veut plus que tout : "Les chaînes détestent voir filer les gros poissons à la concurrence… C'est l'autre grande leçon les attentats de janvier : un expert de grande qualité se mérite, ce bichonne. Il se paye aussi parfois".

La folle avancée scientifique de Crispr-Cas 9 : copier–coller l'ADN à volonté

"Animaux médicaments, organes de rechange, bébé améliorés … Grâce a l'outil Crispr-Cas 9, découvert par la chercheuse française Emmanuelle Charpentier et l'américaine Jennifer Doudna,  on peut désormais copier–coller l'ADN à volonté". "L’Obs" nous offre le récit de cette « folle avancée scientifique ».

Sans doute n'avez-vous jamais entendu parler d'elle, mais Emmanuel Charpentier est une star, une vraie, "aussi célèbre et courtisée dans son domaine que Scarlett Johansson", pressentie pour le Nobel de chimie à 46 ans seulement.

Pour faire court : Crispr-Cas 9, "rend possible ce rêve vertigineux : modifier génétiquement notre propre espèce" et ce n’est "plus un pur fantasme".

Ainsi nous saisissons qu’aujourd'hui cette technique révolutionnaire ouvre la voie à des progrès en thérapie génique et "la possibilité de soigner des maladies en introduisant l'intérieur de nos cellules pour les réparer. Car l'ADN contient toutes les informations qui régissent le comportement de ces dernières. C'est, schématiquement, leur poste de commandement".

Ainsi on peut modifier, activer ou désactiver un gêne et, par exemple, "guérir une maladie du foie in vivo chez des souris, comme vient de le faire une équipe du Massachusetts Institute of technology".

Le souhait d’ Emmanuelle Charpentier : que Crispr "puisse donner naissance à de nouvelles approches thérapeutiques pour lutter contre des maladies graves. C'est dans ce domaine que cette technologie pourrait, je l'espère, changer la vie de nombreux patients qui souffrent aujourd'hui de pathologies lourdes".

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