Quand le balancier redouble de précision et quand les montagnards prennent l’accent italien : c’est l’actualité quasi-printanière des montres<!-- --> | Atlantico.fr
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Trois bagues chiffrées en lévitation aux confins de l’espace-temps (Trilobe)…
Trois bagues chiffrées en lévitation aux confins de l’espace-temps (Trilobe)…
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Atlantic-Tac

Mais aussi un retour vers le futur tridimensionnel, un magistral seigneur des anneaux, une plongeuse très bronzée, une cacophonie newyorkaise et des salons en préparation…

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

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TRILOBE : Le seigneur des anneaux…

Voici une des montres les plus enthousiasmantes de ce printemps horloger 2022 : elle est signée Trilobe, une des jeunes maisons indépendantes françaises les plus prometteuses de ces dernières années. On est ici dans la stricte définition de ce que les Suisses appellent « haute horlogerie » pour désigner l’expression originale et créative d’une conception radicale des mécaniques du temps. Depuis sa création en 2013 (les premières montres n’ont été révélées qu’à la fin des années 2010), Trilobe témoigne d’une volonté de raconter le temps autrement – notamment sans aiguilles, par un système unique d’anneaux rotatifs excentriques. La dernière création de cette équipe a été baptisée « La folle journée », ce qui est un clin d’œil culturel au vrai titre du Mariage de Figaro (1784) de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799), dramaturge désinvolte et témoin des dernières années de l’Ancien Régime, mais aussi horloger de grand talent – quoique peu reconnu comme tel par des historiens de l’horlogerie sans doute trop suisses pour donner du crédit à un tel touche-à-tout français. Cette Folle journée reprend sur un mode superlatif le principe des anneaux rotatifs, cette fois concentriques quoique excentriques par rapport à l’axe de symétrie de la montre, en y ajoutant une troisième dimension puisque ces anneaux se superposent et semblent s’élever comme un feu d’artifice numérique au-dessus du mouvement pour s’épanouir sous un impressionnant dôme de verre saphir. L’illusion d’optique créée par cette « volute » de bagues horlogères est fascinante ! Par rapport à un repère rouge placé à six heures, on peut lire les heures sur l’anneau extérieur, les minutes sur l’anneau intermédiaire et les secondes sur l’anneau intérieur, le tout étant animé par un mouvement automatique Swiss Made qui se remonte grâce à un microrotor. Les dimensions de la montre restent modestes (40,5 mm de diamètre, c’est ultra-portable), de même que l’épaisseur, calée sous les 18 mm, ce qui n’oblige pas à changer ses poignets de chemise. Nous avons gardé la bonne surprise pour la fin : là où la nouvelle horlogerie conceptuelle suisse aurait exigé une bonne centaine de milliers d’euros pour une telle montre, l’équipe de Trilobe se contente modestement de 21 500 euros – ce qui fait de la Folle journée la meilleure affaire de ce printemps et sans doute le meilleur investissement que puisse faire un collectionneur dans les jours qui viennent : compte tenu de la faible production et de la désirabilité de cette montre, les rares exemplaires qui seront sur le marché s’arracheront – pour commencer ! – à deux ou trois fois ce prix de départ. Vous avez compris ce qu’il vous reste à faire sans tarder : prenez vite place à bord de cette soucoupe volante, qui sera sans le moindre doute une des pièces dont on parlera le plus dans les salons de ce printemps. Pour épater vos copains, expliquez-leur que cette pièce est étanche à cinquante mètres, ce qui est bien le moins, mais que cette qualité n’est pas indiquée par le traditionnel pictogramme en forme de poisson, mais par un canard !

GREUBEL FORSEY : À double tour…

Encore une montre extraordinairement conceptuelle, aux frontières les plus ultimes de l’avant-garde mécanique contemporaine : elle est signée Greubel Forsey, une marque d’horlogerie indépendante qui n’a pas encore tout-à-fait vingt ans, mais déjà une impressionnante série d’inventions et d’avancées alto-mécaniques à son actif [précision utile : l’un des fondateurs, Robert Greubel, est Français ; le second, Stephen Forsey, est britannique – tout ceci ne sonnant pas très suisse, même si la manufacture a été mise en place au cœur de la Watch Valley helvétique]. Il s’agit ici d’une mise en scène alternative du temps qui passe, avec une montre mécanique dont les performances en termes de précision s’avèrent dopées par deux balanciers symétriquement disposés[pour faire simple, deux dispositifs qui font tic-tac de concert] dont les battements sont régulés par un différentiel, l’un corrigeant l’autre dans la durée. Sans entrer dans les détails techniques un peu ardus de cette spectaculaire recomposition architecturale de cette ultra-mécanique du temps, il faut noter les codes puissants de son esthétique, tant dans la disposition des éléments qui apparaissent côté cadran (heures et minutes au centre, petite seconde à quatre heures, réserve de marche à deux heures, barillet « épigraphique » apparent à onze heures, différentiel à sept heures, balanciers à cinq heures et à neuf heures) que dans le profil convexe particulièrement original et novateur du boîtier en titane (43,5 mm). Le bracelet en titane est lui aussi très réussi pour apporter à ce « Double tourbillon convexe » (nom de baptême officiel) la touche sport chic qui fait chavirer le cœur des collectionneurs – lesquels savent aussi que les finitions de la montre et du mouvement s’approchent de la perfection absolue [savez-vous que les 120 employés de la manufacture ne produisent qu’à peu près autant de montres chaque année ?]. Suisse horlogère oblige, la facture n’est pas douce (elle ne sera pas loin des 350 000 euros avec la TVA), mais les spéculateurs sont aux aguets : ils ont à présent compris que la production Greubel Forsey était une valeur sûre, hautement collectionnable et capable de prendre de la valeur dans le temps en se revendant beaucoup plus cher après l’investissement initial. Même conseil que pour la Trilobe précédente : si vous le pouvez, passez commande tout de suite, vous ne le regretterez pas, et vos héritiers encore moins…

SEVENFRIDAY : Retour vers le futur…

Tant qu’à flâner dans les sommets conceptuels, voici la nouvelle Free-D de SevenFriday, une jeune maison indépendante suisse qui n’a jamais versé dans le conformisme néo-vintage et qui n’entend pas fêter son dixième anniversaire avec une banale dizaine de bougies. On voyage ici dans le temps à la vitesse de la lumière, dans une ambiance rétrofuturiste qui se situerait quelque part entre la téléportation de style Star Trek, les campagnes impériales de Star Wars et les facéties hollywoodiennes de Retour vers le futur. La vidéo ci-dessous vous fera mieux comprendre de quelle lointaine, très lointaine galaxie provient cette Free-D : vous pourrez vérifier que le rapprochement avec les deux montres précédentes de cette chronique n’est pas fortuit – plus bizarrement avant-gardiste que moi, tu meurs ! La Free-D est une montre – si, si, même si elle n’en a pas l’air ! – réalisée en impression 3D, sur une idée d’affichage circulaire par disques rotatifs : les heures sont désignées dans le bas de la montre par un index, avec les minutes dans le même axe et les secondes un peu plus haut [il est dix heures dix sur cette image]. Le mouvement Le tout avec des lignes, des volumes, des galbes et des audaces qui n’ont rien d’ordinaire, mais qui seront autant de sujets de conversation : même à trois tabourets de bar de distance, votre poignet suscitera quelques rafales de questions. Pour son dixième anniversaire, SevenFriday vous fait casser votre tirelire : comptez un peu plus de 3 500 euros pour cette leçon de non-conformisme en polyamide architecturé. Sectateurs du néo-classicisme recodé en mode vintage, s’abstenir !

BELL & ROSS : Les bronzé(e)s…

Difficile de repasser à des montres plus « normales » après de telles envolées lyriques dans les beaux-arts de la montre mécanique, mais Bell & Ross va nous y aider avec sa nouvelle série de BR 03-92 en bronze à patine brune. On ne présente plus la série des BR 03-92, quintessence du « rond dans le carré » autour de laquelle Bell & Ross a su axer son identité. La lunette tournante nous rappelle la vocation nautique de cette version « plongeuse » tout ce qu’il y a de plus authentique (étanchéité à 300 m, norme ISO 6425) et rappel utile du blocage de la couronne de remontage. La bonne idée, c’est d’habiller de bronze « nautique » cette montre de loisirs nautiques : avec le temps et en fonction des habitudes de vie de son porteur ce bronze se patinera de teintes plus chaudes, qu’anticipe la teinte brune pré-bronzée du cadran. Pour rendre la montre hypoallergénique (certaines peaux ne supportent pas le cuivre qui compose 92 % de ce bronze), le fond est taillé dans un acier inoxydable où Bell & Ross a sculpté un casque de scaphandrier. On compte très peu de montres de plongée qui osent le carré, et Bell & Ross est la maison à avoir réussi la conversion d’un compteur de bord aéronautique en instrument subaquatique – d’où la singularité et la forte personnalité de cette BR 03-92 en bronze, qui s’impose en « plongeuse » urbaine de grande classe, aussi à l’aise face à un PowerPoint que le long d’un récif corallien. À vos palmes !

UNIMATIC : L’armée des ombres…

Regardez bien cette montre Unimatic x Esercito U4-TA : vous ne la reverrez pas de sitôt. Il s’agit d’une série limitée de 200 pièces (un peu plus de 600 euros) qui est inspirée par l’Esercito – les forces armées de la République italienne. Cette montre particulière dans son style volontairement un peu rugueux et très guerrier rend hommage aux commandos alpins (Alpini) dont l’Italie est si fière – il est vrai que c’est une des meilleures troupes de montagne du monde avec les chasseurs alpins français. Pas besoin d’intégrer cette infanterie de montagne pour porter cette montre en acier automatique de 40 mm, très adaptée aux jungles urbaines et aux champs de bataille citadins, quoiqu’elle soit restée très séduisante dans son costume militaire. Les collectionneurs ont commencé à préempter cette série limitée, dont il ne doit plus rester que quelques exemplaires numérotés. Portées par de bien belles Italiennes, ces montres sont irrésistibles ! Si vous vous sentez une vocation de montagnard, tendance troupe d’élite, et des affinités italiennes, c’est le moment de craquer…

BON À SAVOIR : En vrac, en bref et en toute liberté…

•••• WONDER WEEK 2022 : plus qu’une dizaine de jours avant l’ouverture de la Wonder Week genevoise du printemps 2022. On compte une grosse poignée de salons organisés, dont le plus important, Watches & Wonders (héritier de l’ex-SIHH), regroupera la moitié des marques du Top 20 de l’horlogerie (dont Rolex, Patek Philippe ou Cartier). On comptera en tout autour de 120 marques venues rencontrer à Genève leurs réseaux commerciaux, ainsi que les médias et leurs partenaires. Compte tenu des événements militaires en Ukraine et de la reprise de la pandémie en Chine, il est probable que le nombre de visiteurs ne sera pas au niveau espéré, mais l’enthousiasme sera de rigueur après deux années (2020, 2021) au cours desquelles ces grands salons communautaires avaient été annulés… •••• IKEPOD : la marque – désormais française ! – annonce un nouveau partenariat artistique avec le créateur new-yorkais Tom Christopher dont les peintures – chaque cadran de ces séries de 37 montres est une œuvre d’art – deviennent subitement accessibles en passant au poignet (comptez un peu moins de 1 000 euros pour passer commande). Des montres qui s’inscrivent dans la série des collaborations artistiques d’Ikepod, qui a mobilisé dans le passé des artistes comme Jeff Koons ou Kaws (des pièces introuvables et très recherchées par les collectionneurs d’art contemporain). Numérotées de 1 à 37, ces Duopod de 42 mm proposent un mouvement à quartz : on peut aussi les commander par trois pour avoir toute la série (il y aura ainsi sept coffrets, facturés 2 750 euros). Une clé pour comprendre ces œuvres : elles expriment la cacophonie esthétique des rues de New York. Vos poignets en sont-ils dignes ?

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• LE QUOTIDIEN DES MONTRES

Toute l’actualité des marques, des montres et de ceux qui les font, c’est tous les jours dans Business Montres & Joaillerie, médiafacture d’informations horlogères depuis 2004...

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