Quand l’Art déco plante des clous d’or et quand la mécanique fait des flammes : c’est l’actualité des montres en fin de Germinal<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Une compilation horlogère modernisée des codes Art déco (Vianney Halter).
Une compilation horlogère modernisée des codes Art déco (Vianney Halter).
©

Atlantic Tac

Mais aussi une « plongeuse » d’émeraude très accessible, un chronographe contemporain restylé à l’ancienne, une élégante rhabillée de platine, des petits Martiens qui débarquent, des salons qui déçoivent et des statistiques qui désolent…

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

Voir la bio »

ROLEX : Bleue platinée…

Toute nouveauté Rolex relève de l’événement, même quand cette nouveauté se joue en mode mineur, dans une subtile symphonie de métal et de couleur. Lancée en 2023, la collection Perpetual 1908 a remplacé l’ancienne série des Cellini : la déclinaison 2024 adopte un boîtier en platine, d’allure très cossue (le prix l’est aussi : comptez dans les 30 000 euros), un boîtier bleu glacier traditionnel pour les Rolex en platine et un cadran dont le guillochage rayonne à partir de la petite seconde posée à six heures. On appréciera le cannelage discret de la lunette de cette 1908 en platine, dont la partie intérieure est délicatement bombée : un détail de design très soigné qui en dit long sur le savoir-faire des stylistes de la marque, qui ont également travaillé avec beaucoup de maîtrise le galbe et la taille des « cornes » de la montre. On notera le « Superlative Chronometer » au-dessus de cette petite seconde : ce n’est pas l’habituel « Superlative Chronometer Officialy Certified » des Oyster de la marque. On remarquera aussi la couronne Rolex encadrée par le Swiss Made en bas du cadran. Une micro-déception : l’étanchéité à cinquante mètres, tout juste suffisante pour prendre une bonne douche ou pour un plongeon en piscine – certes, ce n’est pas une Oyster, mais cent mètres sont aujourd’hui une exigence élémentaire pour des montres à vivre au quotidien. Pour épater vos copains, demandez-leur pourquoi ce nom de baptême « 1908 » ? C’est la date, non pas du lancement des montres Rolex, mais de l’enregistrement du nom de « Rolex » comme marque commerciale…

DOXA : Émeraude subaquatique…

Dans la série des grandes icônes horlogères de la plongée horlogère, Doxa tient une place à part, en nous renvoyant à des légendes comme celle du commandant Cousteau – grand amateur de la marque – ou, plus récemment, de l’écrivain et chasseur d’épaves américain Clive Cussler. La marque a pris acte des évolutions du marché, tant en matière de taille que de couleurs. La nouvelle collection Sub 200T [200 pour les 200 mètres d’étanchéité] nous revient ainsi en 39 mm, avec huit couleurs mises en valeur par le soleillage du cadran (orange Professionnal, argenté Searambler, noir Sharkhunter, bleu foncé Caribbean, jaune Divingstar, turquoise Aquamarine, blanc Whitepearl et désormais le nouveau vert baptisé Sea Emerald – ci-dessous) et avec un superbe bracelet en acier à maillons « grain de riz », dont le confort au porter rend cette « plongeuse » aussi agréable en ville que sur les pontons, et aussi lisible de jour que de nuit grâce à ses différentes touches de Super-LumiNova renforcé. Cette Sub 2007 a conservé sa célèbre lunette tournante brevetée, gravée des limites de non-décompression édictées par les plongeurs de la Navy américaine. Bonheur supplémentaire : cette « plongeuse » Swiss Made, forte d’un mouvement automatique suisse d’une fiabilité incontestée (38 heures de réserve de marche) est immédiatement disponible à un prix plus qu’attractif, entre 1 500 et 1 600 euros selon le bracelet choisi. Une nouvelle icône vient de naître…

EBERHARD & CO. : Élégance raisonnable…

Ne vous fiez pas à l’allure faussement tranquille de ce chronographe saturé de citations horlogères et références historiques – à lui seul, le nom « 1887 » de ce chronographe le situe dans un grand voyage à travers le temps qui a commencé, pour la maison suisse Eberhard & Co. en 1887. La touche vintage, dans ce boîtier en acier de 41,5 mm, c’est d’abord la « spirale » tachymétrique inhabituelle de son cadran, qu’on ne voit plus depuis un siècle sur les chronographes (l’échelle télémétrique circulaire entoure le cadran), mais aussi le poussoir logé dans la couronne de remontage, idéal pour déclencher le mécanisme de « retour en vol » (fly-back), ce qui donne un style original au poussoir extérieur à deux heures. On appréciera aussi les touches bleues du cadran (notamment la grande aiguille du chronographe) et du chiffre « 12 », la « roue à colonnes » bleuie à l’ancienne qui est logée dans le mouvement mécanique à remontage manuel ou encore le style double compteur qui apporte une touche plus contemporaine. C’est ainsi qu’Eberhard & Co. nous propose un des plus élégants chronographes de ce printemps 2024, à un prix très raisonnable (autour des 2 500 euros) et avec une forte identité : c’est aussi une des meilleures surprises de la récente Wonder Week…

FRANCK MULLER : Retour de flamme…

Un des objets les plus épatants de la semaine horlogère qui vient de se clore à Genève restera cet extraordinaire briquet-montre (montre-briquet si vous préférez) imaginé conjointement par la manufacture indépendante suisse Franck Muller (Genève) et la maison française de luxe S.T. Dupont – celle des fameux et intemporels « briquets Dupont », fétiches urbains qui ont résisté à la dictature sanitaire tellement ils sont statutaires. L’idée était de greffer une montre mécanique dans le style des collections Franck Muller (grands chiffres en couleur stylisées, mouvement mécanique « squeletté » en mode contemporain) et un briquet à gaz guilloché dans la plus pure tradition S.T. Dupont : facile à dire, mais pas à mettre au point puisqu’il aura fallu imaginer de nouvelles solutions techniques pour que l’axe des aiguilles puisse traverser le réservoir de gaz ! Peu importe, après tout, pourvu que ce Master Lighter de haute mécanique, guère plus épais qu’un briquet classique, nous propose le plaisir utile d’une riche flamme bifide [moins brutale qu’une « torche » et donc idéale pour allumer un cigare] et pourvu, surtout, qu’il ne nous prive pas du « clic » très spécial qu’on remarque à l’ouverture de tout briquet S.T. Dupont qui se respecte. Les ventes de cet objet magique, qui n’est édité qu’à 88 exemplaires (comptez 56 000 euros pour le poser sur votre table), se sont évidemment… enflammées, disons emballées : ce Master Lighter est le must de l’année, dans les palais pétromonarchiques comme à bord des grands yachts de la grande légende des milliardaires…

VIANNEY HALTER : Métro boulot déco…

Le méchanicien horloger Vianney Halter est si organiquement et si fondamentalement – presque génétiquement – indépendant qu’il a fini par personnifier l’indépendance créative de l’horlogerie « hors les murs » : il n’est jamais là où on l’attend [sauf si on a compris qu’il est toujours ailleurs] et il ne fait jamais ce qu’on attendrait de lui [sauf si on a compris qu’il pense et qu’il agit toujours en dehors des clous]. On le pensait lancé dans les hautes complications, mais sa nouvelle Metropolis témoigne d’une passion insoupçonnée pour la décoration horlogère. On l’imaginait imbibé de codes steampunk [quelque part entre Jules Verne et le Philip K. Dick de Blade Runner], mais le voici expressivement amoureux du style Art Déco – dont cette Metropolis est un magistral manifeste esthétique. À chacun son après-guerre : celle de Vianney Halter relève de la révolution qui annonce toutes les révolutions du XXe et même du XXIe siècles [rappelons que ce « style Art Déco » doit son nom à l’Exposition internationale des arts décoratifs, inaugurée à Paris en 1925]. Renonçant à ses tentations rétrofuturistes, qui nous ont donné ses montres Deep Space Tourbillon conjuguées au futur antérieur, Vianney Halter a repris pour sa montre le nom du film Metropolis de Fritz Lang (1927), qui était alors et qui reste toujours d’un avant-gardisme étonnant, qui explique par la rigueur de son approche esthétique les détails décoratifs de cette montre : un boîtier rond (39,8 mm) en titane, avec des attaches centrales très géométriques, une couronne et des rivets en or, une plaque rayonnante en or massif sur un centre en titane ciselé à la main, une police de chiffres fortement ancrée dans le goût des Années folles, une décoration soignée, des volumes originaux et des lignes strictes en dépit de leur harmonieuse fluidité – du grand Vianney Halter, exactement là où on ne l’attendait pas ! Pour ce qui est de la mécanique, on peut faire confiance à son mouvement « manufacture » pour animer de façon très classique ces trois aiguilles pendant les 56 heures de la réserve de marche. Quand vous saurez que c’est Vianney Halter qui a inspiré, avec ses montres Antiqua de la fin des années 1990, toute la nouvelle génération horlogère des années 2000, vous comprendrez que les collectionneurs n’ont pas attendu longtemps pour commander cette Art Déco Métropolis (à peu près 80 000 euros, ce qui est relativement accessible à ce niveau de qualité), dont le néo-classicisme est un panache blanc pour rallier la nouvelle génération horlogère des années 2020…

BON À SAVOIR : En bref, en vrac et en toute liberté

•••• STATISTIQUES HORLOGÈRES : comme Atlantic-Tac l’avait anticipé voici quelques semaines, la décrue horlogère a commencé avec, en mars, une chute officielle de 16 % des exportations de montres suisses vers le reste du monde. Tous les marchés sont en recul, avec, par exemple, un effondrement de 44,2 % des montres expédiées vers Hong Kong. Cette forte baisse en valeur s’accompagne d’une décroissance encore plus sensible en volume, avec 25,4 % de montres-bracelets suisses « perdues » par rapport à mars 2023. Cette baisse impacte tous les segments de prix, même les montres en « plastique » (- 34,5 %), ce qui tendrait à démontrer que Swatch a échoué dans sa tentative de rééditer l’opération MoonSwatch (réussie avec Omega) en la doublant du lancement d’une Scuba Fifty Fathoms (en partenariat avec Blancpain)… •••• SALONS HORLOGERS : à Genève, on vient débrancher les lampions de la Wonder Week, cet événement horloger qui permet aux marques de présenter leurs nouveautés de l’année dès l’arrivée du printemps. Record battu cette année, avec près de 335 marques d’horlogerie et de joaillerie disséminées en mode multipolaire dans une douzaine de sites : le changement du profil des visiteurs était sensible [un peu moins de professionnels, un peu plus d’amateurs, de collectionneurs et d’animateurs de réseaux], même si l’offre était assez moyennement créative, les marques ayant gardé sous le coude leurs meilleures idées en attendant un retour à meilleure fortune, après la crise qui s’amorce aujourd’hui et que chacun espère fugace. Parmi les tendances horlogères de l’année, on note le penchant vers des tailles plus petites, vers des cadrans plus colorés et vers des prix plus accessibles, même si l’horlogerie suisse a une fâcheuse propension à déraper instinctivement vers les six chiffres… •••• MIKI ELETA : vous n’aviez jamais vu de petits hommes s’agiter sous leur soucoupe volante ? Nous non plus, mais l’horloger créateur indépendant Miki Eleta nous donne une petite idée de ce qu’un tel débarquement de Martiens donnerait dans notre paysage. Son ovni horloger de 20 cm de haut pour 25 cm de diamètre est un chef-d’œuvre de mécanique capable d’indiquer non seulement l’heure (sur plusieurs fuseaux horaires), les minutes, les jours de la semaine et les phases de lune. Pendant que s’égrène le temps qui passe, les petits hommes verts en verre soufflé à la bouche s’agitent dans le vaisseau spatial et sur le sol où ils viennent de prendre pied [ils en ont deux !] pour tenter de comprendre les secrets de la planète où ils ont atterri. Vous trouverez beaucoup de détails et des images supplémentaires, ainsi qu’une vidéo sur cette soucoupe volante horlogère dans un chronique récente de Business Montres (15 avril). Il s’agit évidemment, pour l’instant, d’une pièce unique !

• LE QUOTIDIEN DES MONTRES

Toute l’actualité des marques, des montres et de ceux qui les font, c’est tous les jours dans Business Montres & Joaillerie, médiafacture d’informations horlogères depuis 2004...

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !