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Pourquoi les 25 entreprises françaises ayant le plus d'impact sur l'environnement sont à la fois le problème et la solution
©Reuters

Atlantico Green

En à peine 10 ans, les entreprises françaises se sont mises au pas du développement durable alors que dans le même temps, business et écologie étaient mis en opposition. Or, depuis notamment la COP21, nombreux sont les acteurs économiques à pouvoir imaginer une croissance durable qui offre aux entreprises de nouveaux marchés à conquérir.

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni est présidente d'Economie d'Energie et de la Fondation E5T. Elle a remporté le Women's Award de La Tribune dans la catégorie "Green Business". Elle a accompli toute sa carrière dans le secteur de l'énergie. Après huit années à la tête de Primagaz France, elle a crée Ede, la société Economie d'énergie. 

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages majeurs: Intelligence émotionnelle (2008, Maxima), Mutations énergétiques (Gallimard, 2008) ou Comprendre le nouveau monde de l'énergie (Maxima, 2013), Understanding the new energy World 2.0 (Dow éditions). 

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Atlantico: Dans la dernière tribune à WWF, Pascal Canfin, directeur de l'institution, pointe du doigt les 25 entreprises françaises qui impactent le plus les écosystèmes mondiaux. Quel est le point commun entre ces entreprises?

Myriam Maestroni: Les sociétés auxquelles Pascal Canfin fait référence se trouvent dans tous les secteurs. On y voit des entreprises de l'agroalimentaire, de la construction, de la cosmétique et on pourrait continuer la liste encore longtemps. Mais leur particularité est qu’elles ont toutes une histoire. Il en va ainsi de L'Oréal qui vient de fêter ses 100 ans ou bien de Sodexo qui vient de fêter ses 50 ans. Ces grandes maisons françaises se sont développées sans avoir connaissance de la matière, des enjeux qui pouvaient avoir un impact sur leurs activités, dont nous disposons aujourd'hui après la COP 21.  Rappelons-nous qu'en France, le développement durable est une notion récente. Les lois NRE qui ont obligé pour la première fois les entreprises cotées à publier un rapport sur le développement durable date de 2001. Seulement maintenant, on commence à imposer cette démarche à des sociétés de moyenne et de plus petite taille. Finalement, il a fallu 10 ans, et c’est très peu, pour passer de l'apprentissage de ce que pouvait vouloir dire le développement durable à cette notion de RSA  (Responsabilité sociétale de l'entreprise). Les entreprises s'engagent donc dans une démarche qui va bien au-delà de la notion économique de l'entreprise. Elles deviennent partie prenante de la solution écologique et sociétale.

Pascal Canfin souligne le fait que ce sont ces mêmes entreprises qui font partie de la solution écologique. Comment peut-on concilier industrie et écologie ?

On a beaucoup opposé ces dix dernières années, d'un côté, le développement durable et l'écologie et, d'un autre côté, le business et l'économie. Je pense que la COP 21 a marqué un point final à cette opposition absurde. On s'accorde tous aujourd'hui à dire qu'il y a une troisième voie possible : pouvoir imaginer de la croissance durable. Tout cela est devenu possible sous l'effet de quatre forces combinées.

La première de ces forces, ce sont les consommateurs qui sont devenus partie prenante de la question écologique. Après Al-Gore en 2005, il y a eu une véritable prise de conscience générale, quelque soit notre niveau, notre métier, notre âge, sur le problème du réchauffement climatique. Cela nous confère un rôle de "consom'acteur". La deuxième force, ce sont les réglementations issues du traité de Kyoto. Depuis, l'ensemble des acteurs économiques sont obligés de faire des bilans carbone, de réduire leur empreinte environnementale, de réduire la consommation énergétique, d'utiliser plus d'énergies renouvelables. Vient ensuite la réglementation qui a obligé les entreprises à s'intéresser au développement durable et à être, surtout, active en terme de responsabilité sociétale.Enfin, la quatrième force qu'il ne faut pas oublier, c'est le fait que, depuis la crise économico-financière de 2008, une division s'est opérée entre les économies d'équipement et les économies de renouvellement. Par exemple, on achète moins "trois pizzas pour le prix d'une" pour préférer acheter une "pizza bio" ou "préparée avec des produits locaux".Nous voyons se développer l'économie de la rénovation, de l'optimisation, en bref, l'économie de l'économie.

Je crois que ces économies vont de plus en plus se fonder sur la mobilisation de l'investissement privé : on investit dans sa maison, dans sa santé, dans sa façon de vivre, et donc on va voir émerger une troisième vague de croissance. Après la croissance soutenue par les investissements publics et la croissance liée à une consommation débridée, on arrive à la croissance de l'investissement privé. Voilà pourquoi les entreprises font partie du problème et de la solution : en s'adaptant à cette nouvelle situation, elles vont trouver des marchés, ce qui est financièrement intéressant pour elles. Citons l’exemple de l'amélioration du logement, que je connais bien : nous avons 200 millions de logements en Europe qui consomment 6 à 9 fois plus d'énergie qu'un logement construit en respectant  les réglementations thermiques de logements applicables pour construire un logement neuf. Certes, cela veut dire que l’on émet autant de CO2. D'un autre côté, cela signifie aussi qu’il reste un énorme marché dans l’amélioration du logement qui va créer des compétences, des emplois locaux non-délocalisables, ainsi que de l'innovation puisqu'on va avoir besoin de nouveaux matériaux etc...

Le label vert des grandes entreprises industrielles résulte-t-il d'une réelle démarche écologique ou d'un bon coup de com' pour s'acheter la paix sociale?

Je crois qu'il y a eu effectivement une vague, au début du développement durable, où l’on s'est donné bonne conscience et où les sociétés voulaient surtout s'acheter une paix sociale. Il y a certainement des entreprises aujourd'hui où cela se produit encore.  Mais ce qui me paraît plus important, c'est cette compréhension qu'il y a, dans ce défi environnemental, un nouveau marché. Et qui dit nouveau marché dit emploi et profits à faire. Les entreprises y trouvent une motivation. Si on leur parle seulement de risque environnemental et d'empreinte carbone, je ne suis pas sûre que cela fonctionne. Tandis qu'en ventant les mérites d'un nouveau marché profitable, qui respecte la planète, cela change la donne. C'est gagnant-gagnant. Dans cette perspective, il faut souligner qu'il y eu, l'année dernière, le premier Business Climate Submit à Paris où l’on a vu que beaucoup d'entreprises prennent en compte ce nouveau paradigme éco-climatique. J'ai, par exemple, rencontré un designer de Levi's qui connaissait parfaitement l'empreinte carbone de son jean 501. Retenons, pour finir, cette nouvelle pleine d'espoir, que protéger l'environnement peut donner lieu à de la croissance durable et profitable.

Propos recueillis par Clémence Houdiakova

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