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Pourquoi l'idée de François Hollande sur les régions va dans le mauvais sens
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Le Nettoyeur

François Hollande a annoncé mardi sa volonté de réduire le nombre de régions et de rapprocher les collectivités territoriales.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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La décentralisation est un serpent de mer dans nos débats politiques. Jamais faite, toujours à refaire. Depuis les lois Defferre, elle a été refaite de nombreuses fois. Maintenant, François Hollande a son idée : fusionner les régions. Ces régions auraient aussi des prérogatives renforcées, et les départements seraient maintenus, sauf dans les métropoles.

C'est une idée qu'on entend aussi parfois à droite.

Sur les métropoles, le président a raison : la ville est l'échelon d'organisation local du 21ème siècle, et il faut lui donner les bonnes structures.

Mais sur la fusion des régions, il fait fausse route.

Dans cette idée qu'on voit souvent revenir, il y a des erreurs fondamentales.

Premièrement, une erreur liée à l'histoire et la culture françaises. Les décentralisateurs de tout bord veulent faire des grandes régions puissantes en France parce que c'est ce qu'il y a chez tous nos voisins. Le seul problème est que ces voisins ont une histoire complètement différente de la nôtre. Ces Etats ont été centralisés, voire même constitués, très tard. La région est, historiquement, le mode d'organisation prééminent. En France, depuis les Capétiens, l'Etat s'est construit par la centralisation et par l’affaiblissement des régions. Ca ne veut pas dire qu'il ne faut pas décentraliser, mais qu'il faut le faire différemment.

Deuxièmement, une erreur liée au fonctionnement de l'administration. L'erreur est la suivante : on prétend qu'en fusionnant des administrations on fera “des économies d'échelle” et qu'on simplifiera l'administration en évitant les doublons. C'est pour ça qu'on a fusionné l'Anvar et la BDPME pour faire Oséo, l'ANPE et les Assedic pour faire Pôle emploi, et d'autres encore. Le problème c'est que ça ne marche pas. Pour deux raisons. La première est que dans un système de services—qui est, essentiellement, ce qui constitue le service public—il y a très peu d'économies d'échelles, et donc on fait au final peu d'économies. L'Etat n'est pas un grand minier qui a besoin de répandre des investissements en capitaux sur plus de produits, ou un grand distributeur qui a besoin de négocier avec des fournisseurs. Si on a besoin d'un nombre X d'assistantes sociales, le fait qu'on fusionnera diverses administrations ne changera pas ce besoin, et les éventuels doublons supprimés ne changeront que peu l'équation. L'autre problème est que les fusions—dans toutes les organisations—créent beaucoup de problèmes d'organisation, et dans le service public c'est parfaitement vrai. Pourquoi ? Parce que dans toute organisation, la plus grande partie des connaissances utilisées est implicite au lieu d'être explicite, et l'organisation qui a évoluée en pratique pour remplir les missions n'est pas résumée par l'organigramme. Lorsqu'on bouleverse ces organigrammes, on fait partir beaucoup de cette connaissance implicite, sans s'en rendre compte. Ca ne veut pas dire qu'il ne faut rien réformer, mais que souvent les fusions créent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent.

Troisièmement, et enfin, parce qu'une telle proposition revient en pratique a faire du colbertisme à petite échelle. Vouloir renforcer les régions pour faire des économies d'échelle et de la simplification administrative, c'est un langage qui semble inspiré du monde de l'économie. Mais en réalité c'est une mécompréhension de l'économie. Les entreprises ne fonctionnent pas parce qu'elles seraient “simples” ou feraient des économies d'échelle. Le système de marché fonctionne parce que c'est un système décentralisé de communication et de coordination. Le monde est complexe, et pour arriver à construire des choses qui marchent, il faut faire des expériences et tenter des choses, parce que personne ne peut savoir a priori comment les choses marchent. Pour avancer le plus vite, il faut donc faire le plus d'expérimentation possible. Les systèmes de marché créent plus de valeur que les systèmes centralisés parce que dans un marché l'expérimentation est décentralisée et donc il y en a beaucoup plus, plus vite.

C'est pareil avec les régions. En fusionnant les régions, on réduit la quantité d'expérimentation possible. On fait du colbertisme à échelle locale. Ce qu'il faut faire, au contraire, c'est donner du pouvoir aux échelons les plus proches des citoyens, pour créer autant de points d'expérimentation possibles. En clair : les communes, les métropoles, et subsidiairement les départements. Pas les régions, et certainement pas des régions fusionnées.

Mais la mentalité française, de gauche comme de droite, est toujours centralisatrice.

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