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Oreillettes connectées : l’entreprise qui veut nous implanter un mini-cerveau dans chaque oreille
©DR

La minute tech

Alors que les oreillettes sans fil commencent déjà se généraliser, la relève semble déjà assurée avec celles faisant appel à l'intelligence artificielle, qui promettent de formidables fonctionnalités.

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia est professeur à l'université Pierre et Marie Curie (Paris VI) où il enseigne principalement l'informatique, l'intelligence artificielle et les sciences cognitives. Il poursuit des recherches au sein du LIP6, dans le thème APA du pôle IA où il anime l'équipe ACASA .
 

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Atlantico : L’entreprise américaine Doppler Lab veut, avec ses oreillettes, révolutionner le monde de l’audio. En effet, celles-ci pourront traduire en temps réel une langue étrangère parlée en face de nous, donner des informations en temps réel, rendre des conversations plus audibles, etc. Concrètement, quelle pourrait être l’utilité de ces oreillettes dévelopées par Doppler Labs ?  

Jean-Gabriel GanasciaLa société Doppler Labs prétend étendre les facultés d’écoute de notre cerveau sur les oreillettes qu’elle conçoit afin de traiter en temps réel des informations relatives aux sons que nous percevons pour les moduler en fonction de notre sensibilité, ou pour éliminer des bruits gênants, par exemple un enfant qui crie, en vue d’accroître notre confort, ou encore pour traduire automatiquement une langue dans une autre, en suivant le flux de paroles, comme le ferait un interprète. En résumé, il y a trois dimensions importantes ici : les oreillettes sans fil, le traitement du signal avec retour interactif sur un téléphone et la manipulation "intelligente" des sons, comme la traduction.

Les oreillettes sans fil commencent à se généraliser, même si cela fait plusieurs années qu’elles existent. L’absence de prise "Jack" sur les modèles récents d’iPhone atteste de cette tendance. Cependant, l’agrément paraît moins grand qu’avec les casques pour des raisons acoustiques, car elles sont moins enveloppantes, et pour des raisons électroniques, car le débit d’informations est plus faible avec une liaison Bluetooth qu’avec un fil. Il faut donc essayer de compenser ces défauts, en corrigeant le son. C’est ce que propose la société Doppler Labs, en proposant à l’utilisateur d’interagir directement avec le dispositif, pour corriger le signal en fonction de ses propres désirs. Enfin, on peut imaginer d’autres fonctionnalités de plus haut niveau, qui atténueraient, voire retrancheraient, des sons externes, afin de nous aider à nous concentrer sur ce que l’on souhaite écouter, ou encore qui traduiraient en temps réel des langues étrangères. 

Sous-estimons nous les possibilités de créer de l’intelligence artificielle pour nos oreilles ? Quelles peuvent être les différentes technologies auditives de ce type ? Que pouvons-nous attendre au cours des prochaines années ? 

Soulignons d’abord que la traduction automatique pose de nombreux problèmes et que, même si l’emploi des techniques statistiques sur de grandes masses de données a permis de faire des progrès considérables, il paraît encore difficile d’avoir une traduction fiable en temps réel. À cela, ajoutons que la reconnaissance de la parole, elle aussi, constitue un défi considérable. Sans doute, des logiciels comme Siri d’Apple obtiennent-ils des performances  impressionnantes, mais il reste encore de grosses erreurs de reconnaissance, surtout si l’environnement est bruité. Le couplage de la reconnaissance de la parole et de la traduction demeure donc très hasardeux, sauf sur des expressions idiomatiques bien répertoriées et dans d’excellentes conditions d’écoute. Bref, une démonstration publique dans un salon ne prouve pas que l’on sera en mesure de surmonter les obstacles linguistiques entre les peuples…

Indépendamment de la traduction automatique en temps réel, l’intelligence artificielle peut être d’un grand secours dans l’amélioration du confort d’écoute. Ainsi, selon qu’il s’agit de parole et que l’on souhaite aider à comprendre ce qui se dit, ou de musique et que l’on veuille donner plus de chaleur ou de force à l’écoute, l’intelligence artificielle peut aider à préciser les paramètres optimaux pour l’audition. De même, la suppression d’un son est meilleure si l’on anticipe son évolution, ce que peut aider à faire l’intelligence artificielle. Enfin, s’il faut supprimer en parti les sons issus de l’environnement, pour faciliter l’écoute, il ne faut pas non plus isoler totalement l’auditeur, pour éviter les risques, surtout dans certaines situations comme la conduite automobile. Là encore, l’intelligence artificielle est et sera d’un grand secours à mesure que les technologies se perfectionneront.

Existe-t-il réellement une demande pour ce type de produit ? Les données nécessaires et récoltées par l’intelligence artificielle auditive rendent-elles cette technologie effrayante pour le consommateur ?

Indubitablement, il existe un besoin d’amélioration du confort d’écoute dans les situations quotidiennes, que ce soit chez soi, dans sa voiture, au cinéma, dans les gares, dans les transports en commun ou au travail. Toutes les solutions ne passent pas par l’utilisation de casques ou d’oreillettes. On peut aussi imaginer des enceintes d’ambiance qui génèrent des sons dynamiquement, en fonction de la présence des personnes, de leur profil acoustique et de leurs goûts. Ce qu’il importe de retenir, c’est qu’un traitement du signal adapté à l’individu et à la nature du signal, parole ou musique, et, dans le cas de la musique, au type de musique, est utile pour l’agrément des auditeurs. Cela n’a rien d’effrayant, bien au contraire.

Néanmoins, on se doit de signaler ici que l’on n’a pas attendu la société Doppler Labs et ses oreillettes pour aborder ces problèmes et que l’on n’a pas non plus besoin de traverser l’Atlantique pour écouter de la musique en ajoutant des techniques d’intelligence artificielle au traitement du signal. À titre d’illustration, il existe une société d’origine française, Arkamys, qui travaille sur ce sujet depuis bientôt vingt ans en collaboration avec les plus grands laboratoires de recherche de notre pays, en particulier avec des laboratoires du CNRS dont sont issus ses fondateurs.

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