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Les panneaux solaires auront-ils la peau des oiseaux ?
©ALFREDO ESTRELLA / AFP

Atlantico Green

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Atlantico : Selon une étude américaine menée en 2016, les fermes de panneaux solaires américaines causeraient la mort de plus de 140 000 oiseaux par an Comment sont-ils arrivés à de tels chiffres ? Quelle est la cause de leur mort ? 

Loïk Le Floch-Prigent : Après une période d’euphorie où l’on considérait que tout ce qui était utilisation du soleil était pur et ne faisait aucun mal à la nature vient maintenant l’examen des conséquences des installations des énergies renouvelables sur les écosystèmes. Il y a quelques années, retrouvant un grand nombre de cadavres d’oiseaux autour des concentrations de « fermes solaires », les autorités de l’énergie ont demandé à des universitaires d’estimer le nombre de volatiles tués et d’essayer d’en comprendre les causes. Effectivement les scientifiques de l’Illinois estiment à 140 000 les oiseaux éliminés par les installations solaires par an sur tout le territoire des USA. Dans la mesure où il y a inquiétude sur la biodiversité, ce chiffre émanant de dispositifs jugés vertueux ne manque pas d’interroger et on n’a pas encore le début d’une piste d’explication. L’utilisation raisonnable de l’énergie solaire, sur les toits et au service de cycles courts bénéficiant aux riverains n’est pas en cause, il s’agit là de véritables usines couvrant un grand nombre de km² comme elles existent sur le vaste territoire américain dans des zones peu peuplées. Cette interrogation émerge de défenseurs acharnés de l’environnement qui estiment que les opérations industrielles voulant se faire une virginité avec l’investissement dans l’énergie solaire recouvrent en fait des recherches d’un profit garanti sans respect de la nature, d’abord en modifiant l’écosystème végétal dans lesquelles ces grandes surfaces s’étalent, mais aussi en ignorant la faune préexistante, en particulier les oiseaux. Cette évolution des mentalités est très intéressante, elle conduit à échapper aux dogmes actuels sur la non nocivité structurelle des énergies renouvelables.L’activité humaine fait disparaître beaucoup d’oiseaux, et les chiffres des universitaires extrapolés à partir d’observations de terrain ne sont pas affolants, mais ils semblent en constante augmentation et cela mérite, comme les Américains le souhaitent, un examen des causes et donc une méthode de recueil de données qui est en expérimentation aujourd’hui.  

Pourquoi découvre-t-on seulement aujourd'hui cet impact sur les oiseaux ? 

Lorsque l’on observe des panneaux solaires sur les toits, on a du mal à imaginer un dol plus important que celui de l’existence d’ardoises ou de tuiles, mais l’étude provient des observations sur des champs entiers de panneaux solaires sur le sol comme des images nous les diffusent aux USA, en Chine, au Chili…des kilomètres de panneaux à perte de vue, choses peu envisageables en France à cause de notre densité de population, mais on a vu récemment des installations sur des plans d’eau ou des zones désertiques à grand renfort de publicités élogieuses, comme si la beauté de nos paysages étaient un handicap pour un développement d’installations vertueuses. Il est clair que les études d’impact effectuées sont essentiellement intellectuelles, des simulations en laboratoires, mais qu’il a manqué d'expérimentations véritables pour apprécier les conséquences de ces monstres sur les écosystèmes. Bien heureusement, cela va commencer. On a voulu étudier les conséquences sur la vie végétale et animale autour de ces grandes installations, mais les promoteurs ont vite décidé que c’était une perte de temps compte tenu de l’urgence « climatique ». Beaucoup de projets ont vu des riverains demander des recherches expérimentales, mais ils ont été rapidement éconduits au titre qu’ils voulaient retarder les avancées. On peut d’ailleurs observer que les commentateurs disent toujours que notre pays a « du retard » sans que l’on puisse définir ce qu’est l’avancée décisive. Ceux qui veulent interroger sont ainsi toujours présentés comme des nostalgiques alors qu’ils ne demandent que l’élaboration d’un processus scientifique, ce qui est le sens de la marche vers le progrès ! Les fermes solaires modifient donc en profondeur les écosystèmes et on n’a encore aucune analyse expérimentale effectuée, on peut espérer que les USA vont ouvrir la voie.

D'autres énergies renouvelables "propres" sont-elles responsables de tels impacts sur la faune et la flore ? 

Aucune énergie n’est « propre », c’est un concept creux. L’énergie au secours de la force humaine transforme et a donc immédiatement une influence sur les écosystèmes. L’homme se sert de la nature pour vivre, c’est un prédateur, il n’est donc pas « vertueux «  comme pourraient le souhaiter beaucoup de nos contemporains qui se perdent aussi dans des concepts de « verdeur ». Nous nous servons de la nature pour l’ensemble de nos activités, nous sommes de plus en plus nombreux et les interrogations d’aujourd’hui ont comme base l’impression de gaspillages de nos ressources et donc de l’avenir des nouvelles générations. Ceci est parfaitement légitime et la volonté de préserver notre environnement, de respecter à la fois notre passé et notre avenir est partagée par un très grand nombre de personnes dans tous les pays. Ce qui est en question ce sont les moyens pour parvenir à ne pas atteindre des points de non retour dans la modification de nos écosystèmes. Un certain nombre de nos contemporains ont voulu décider pour tous les autres que le vent et le soleil devaient être utilisés dès maintenant pour « sauver la planète ». L’examen des réalités leur donne tort. On le voit sur le solaire où, à coté de ce qui a déjà été dit, la concentration de métaux rares dans les matériels actuels ne permet pas d’utiliser le qualificatif « propre ». On peut avoir des mines plus ou moins sales, mais celles qui sont à l’amont des installations actuelles sont très sales. En ce qui concerne les éoliennes on ne peut pas non plus les qualifier de « propres » pas plus qu’»écologiques ». Ces deux sources d’énergie sont d’ailleurs intermittentes ne peuvent se suffire, surtout pas pour une population mondiale de 7 milliards d’individus utilisant pour plus de 85% d’énergies fossiles -charbon, gaz, pétrole-. L’éolienne en centrale, c’est-à-dire avec des dizaines d’engins, est sans doute la façon la plus « sale » d’envisager l’avenir de la planète, surtout si on s’intéresse à l’extraction des matériaux clés et à leur futur après utilisation, le « recyclage » consacré par le concept de développement durable ! Le pire dans les éoliennes, du point de vue de l’écologie, faune et flore, c’est de vouloir les installer par ancrage en mer dans les zones de pêche côtière, c’est-à-dire dans les vingt à trente premiers kilomètres …c’est pourquoi les gens sérieux étudient les éoliennes flottantes en pleine mer ! Qu’à l’heure actuelle, dans notre pays, on puisse continuer à vouloir installer contre les populations locales, sans études d’impact, des centrales de plusieurs dizaines d’éoliennes en mer, à des hauteurs de 200  mètres et coutant des fortunes dénoncées par tous les rapports financiers sur l’état de la nation est proprement ahurissant, comme si nous avions tourné délibérément le dos au siècle des lumières et que nous ayons envie de nous installer dans l’anti-scientifique, l’anti-industriel pour ravager un pays qui ne demande qu’à expérimenter et à se développer.  Les américains ont le droit de s’interroger sur les centrales solaires et les oiseaux, nous nous avons le droit de nous taire et de considérer que ce qui est solaire et éolien c’est le bien et que toute interrogation est la naissance du mal. Les agissements du service public d’électricité en plein mois d’août pour faire des tests sur les plages sans respect non seulement pour la faune et la flore mais pour les professionnels de la pêche, de l’aquaculture et du tourisme montrent bien la dérive bureaucratique dans laquelle est tombée la défense de l’environnement qui finit ainsi par faire l’inverse des objectifs qui lui est assignée.  

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