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Les microplastiques qu’on trouve dans la poussière de nos maisons pourraient favoriser la résistance aux antibiotiques
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Atlantico Green

Après colonisé les océans la pollution plastique s'installe aussi dans nos intérieurs.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Des chercheurs de l'université Nankai de Tianjin, en Chine, ont passé au crible un immeuble d’habitation pour y chercher la présence de micro plastiques. Ils en ont trouvé à l’intérieur du bâtiment sous forme de poussière suite à la dégradation des fibres synthétiques. En quoi ces microplastiques pourraient servir les pathogènes présents dans nos maisons ?

Dr Stéphane Gayet : L’explosion de la demande en matières plastiques et donc de leur fabrication a entraîné une augmentation de cette production mondiale de 1,7 à 311 millions de tonnes en un demi-siècle. L’Europe était à l’origine de 20,4 % de la production mondiale de matières plastiques en 2013. Il faut être conscient du fait qu’une partie non négligeable des matières plastiques échappe complètement aux filières de tri, de recyclage et de traitement des déchets et se retrouve par conséquent relarguée dans l’environnement.

Les débris de matières plastiques peuvent être classés selon leur taille en cinq catégories : les méga-plastiques (taille supérieure à un mètre), les macro-plastiques (taille comprise entre 2,5 cm et un mètre), les méso-plastiques (entre 5 mm et 2,5 cm), les micro-plastiques (entre 0,1 micromètre et 5 mm) et les nano-plastiques (taille inférieure à 0,1 micromètre).

Ces propos liminaires sont là pour insister sur le caractère fort préoccupant des débris plastiques d’une façon générale, qui constituent l’une des sources de pollution les plus difficiles à étudier et à maîtriser actuellement.

Pour en venir au sujet qui nous intéresse, il est évident que les matières plastiques sont aujourd’hui omniprésentes dans nos habitations qu’elles ont insidieusement envahies depuis des décennies. Il s’agit essentiellement de débris micro-plastiques et nano-plastiques. Il n’est pas difficile de comprendre leur origine : les innombrables fibres textiles synthétiques, les colles, les peintures, les vernis, les produits de finition, les câbles, les ustensiles de cuisine, les appareils de tous types et toute une kyrielle d’objets du quotidien contiennent peu ou plutôt prou des matières plastiques. Les nano-plastiques et les petits micro-plastiques (taille comprise entre 0,1 micromètre et 150 micromètres) font partie des poussières organiques de nos intérieurs, qui sont en suspension dans l’air et se déposent, puis se remettent en suspension, et ainsi de suite.

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Les bactéries sont des êtres vivants unicellulaires et rudimentaires dont la taille varie schématiquement de 0,5 micromètre à 15 micromètres. L’essentiel du monde bactérien est non pathogène pour l’Homme : parmi les milliards d’espèces de bactéries présentes sur terre, seulement 150 à 200 espèces sont potentiellement pathogènes pour l’être humain. Les micro-plastiques d’une taille supérieure à 5 micromètres sont souvent colonisés par des bactéries ; en effet, certaines espèces bactériennes s’y développent bien et parfois s’en nourrissent de surcroît. C’est une constatation que l’on n’a pas encore parfaitement comprise.

Les bactéries représentent-elles un plus grand danger après cette exposition aux microparticules plastiques ? Ces microparticules sont-elles nocives pour les humains ?

On sait que certaines espèces bactériennes colonisent les microparticules plastiques dont la taille varie de 5 à 150 micromètres. D’une part, ces microparticules plastiques se recouvrent de nutriments divers qui y adhèrent du fait de forces électrostatiques. D’autre part, certaines espèces bactériennes sont capables de dégrader ces microparticules plastiques et de s’en nourrir. En revanche, on ignore si ces bactéries « plastiquo-philes » sont potentiellement pathogènes ou pas pour l’espèce humaine. C’est quelque chose de difficile à étudier et qui n’a pas encore passionné beaucoup de chercheurs. Cependant, on a découvert que ces bactéries « plastiquo-philes » étaient souvent porteuses de gènes de résistance aux antibiotiques, notamment ceux utilisés en thérapeutique médicale. C’est là encore une constatation que l’on a faite, sans être encore en mesure de l’expliquer. Mais il semble y avoir là un phénomène qu’il sera utile d’étudier.

Quant à la nocivité des microparticules plastiques et des nanoparticules plastiques pour l’Homme, elle est hautement probable. Cette nocivité a déjà été observée pour la faune aquatique des océans. On peut supputer que certains micro-polluants et macro-polluants plastiques peuvent avoir des effets perturbateurs endocriniens ou même oncogènes (cancérogènes). On ne risque pas de se tromper en affirmant que la lutte contre la pollution par les matières plastiques doit devenir un actif champ d’étude dans les prochaines années. Mais encore une fois, c’est un travail de recherche complexe, ne serait-ce qu’en raison de la grande diversité des matières plastiques.

Existe-t-il des solutions pour éviter ou réduire la présence de microparticules plastiques dans nos intérieurs ?

La présence de microparticules et de nanoparticules plastiques dans nos intérieurs est inévitable aujourd’hui. On peut cependant la réduire en limitant le plus possible l’introduction dans nos habitations de matières plastiques, surtout celles qui se dégradent facilement. Ce sont les moquettes en fibres synthétiques, les fauteuils et canapés recouverts de fibres synthétiques, les draps, les taies et autres housses en fibres synthétiques, les couettes en fibres synthétiques, les revêtements de mûrs en fibres synthétiques, les vêtements en fibres synthétiques, les sacs en fibres synthétiques, c’est évidemment gigantesque et presque irréalisable…

En revanche, on peut diminuer la concentration de l’air en microparticules et nanoparticules plastiques, par un entretien régulier de l’habitation : en l’occurrence essentiellement par un nettoyage fréquent et complet des pièces et du mobilier au moyen d’un aspirateur équipé d’un filtre THE (à très haute efficacité) ou HEPA (high efficiency particulate air : à haute efficacité vis-à-vis des particules aériennes). Ces filtres à microparticules font l’objet d’améliorations continuelles. Ils constituent un surcoût à l’achat et à l’utilisation (consommation électrique augmentée du fait d’un besoin énergétique plus élevé : ces filtres provoquent une « perte de charge » du flux d’air qu’il faut compenser. Ils peuvent également être plus bruyants que les autres.

Il y a bien sûr la possibilité d’aérer les pièces manuellement, une à deux fois par jour pendant vingt minutes, mais cette aération n’est efficace que si l’on crée un véritable courant d’air (une seule fenêtre ouverte ne crée pas de courant d’air).

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