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La France divisée entre ceux qui acceptent l'économie de marché, ceux qui sont protégés par l'Etat... Et les exclus
©Thomas SAMSON / AFP

Revue d'analyses financières

Toutes les conditions sont réunies pour déboucher sur une croissance molle. La quasi nationalisation des quatre secteurs essentiels pour créer des emplois sont dans les mains du secteur public

Jean-Jacques Netter

Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est vice-président de l’Institut des Libertés, un think tank fondé avec Charles Gave en janvier 2012.

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La France, contrairement à ce que l’on nous raconte à longueur de journée, n’est pas divisée entre gauche et droite, mais elle est coupée en trois : 1/ une France qui vit dans la mondialisation, qui accepte l’économie de marché et qui a confiance dans l’avenir. Toutes les enquêtes d’opinion se recoupent pour estimer que cela représente environ un tiers des français. 2/ une France qui vit protégée par l’Etat à l’ombre de statuts particuliers, de subventions et d’allocations diverses. Ce qui représente à peu près 20M de Français. 3/ la France des exclus de tout qui compte désormais 25M de personnes est la honte du « modèle social que le monde nous envie » comme François Mitterrand et Jacques Chirac l’ont seriné pendant des années dans un même aveuglement coupable…

Toutes les conditions sont réunies pour déboucher sur une croissance molle. La quasi nationalisation des quatre secteurs essentiels pour créer des emplois  sont dans les mains du secteur public. L’éducation qui est sous contrôle total des syndicats corporatistes. Dans le domaine de la santé, notre sécurité sociale a été nationalisée et chaque nouvelle réforme de notre système de soins l’enfonce de plus en plus dans l’étatisme. En matière de retraites, pour des raisons idéologiques, la droite et la gauche qui se sont succédé au pouvoir ont refusé d’accorder aux Français la retraite par capitalisation dont bénéficient pourtant des pays comme la Suède. Sous la pression des circonstances, un succédané s’est mis en place sous la forme de l’assurance vie. Il est en train d’être attaqué. Dans les domaines de la recherche une administration nationalisée et centralisée de la recherche sous la forme du CNRS est aux commandes. Tout cela diminue régulièrement la compétitivité de la France.

Les élites sont dépassées par la mondialisation 

La perte de confiance des élites est le trait dominant du malaise français actuel. Elles ont du mal à faire face à la crise et surtout à en maitriser les enjeux. L’alliance entre l’Etat, les "technocrates organiques" et les "intellectuels critiques" ne fonctionne plus car, pour eux, l’économie de marché tient une place passablement subalterne que la mondialisation est en train de sérieusement lézarder

Pour reprendre une formule célèbre de Ronald Reagan les entrepreneurs ont bien compris la stratégie de l’Etat : « Tout ce qui bouge on le taxe ; ce qui bouge encore on le réglemente  et ce qui ne bouge plus on le subventionne »…

La mondialisation a conduit nos pays à laisser échapper, via les délocalisations leur substance productive pour s’installer dans le confort de la consommation, tandis que d’autres états devenaient producteurs de ce que nous consommons à crédit. Les technologies actuelles privent un grand nombre de salariés de leur emploi. Le travail naguère accompli par l’homme est désormais confié à des machines et des robots. L’informatique ne pourra jamais absorber tous les chômeurs victimes de la course à la productivité. La mondialisation aggrave le phénomène, car c’est vers les pays où le travail est moins payé et moins qualifié que les entreprises se délocalisent.

Le monde entier se désindustrialise et pas seulement les pays occidentaux. Cela implique une nouvelle métamorphose. L’industrie ne recouvre plus la seule production manufacturière devenue résiduelle dans la chaîne de valeur. Les entreprises vendent aujourd'hui des solutions qui tournent autour d’un produit enrichi d’intelligence et de technologie. Les nouvelles technologies de la 3D à l’intelligence artificielle n’ont pas  entraîné une explosion des gains de productivité. Les services à la personne servent de déversoir, car c’est de la main d’œuvre peu qualifiée sans contenu technologique ni gain de productivité.

L'Euro est en train de détruire l'Europe au profit des pays émergents

La zone Euro n’est pas une zone monétaire optimale puisqu'elle est divisée en deux. La partie nord constituée de l’Allemagne, du Benelux et de l’Autriche a choisi en 1997-1998 de mettre en œuvre un modèle industriel exportateur qui produit des excédents. La zone sud  constituée de la France, de l’Italie, de l’Espagne et du Portugal a choisi au même moment un modèle de croissance reposant sur le crédit qui a produit de gros déficits.

La mondialisation est présentée en permanence comme une menace qui est la cause de tous nos malheurs. Un mauvais air protectionniste plane sur la politique. La mondialisation a fait basculer le centre de gravité du capitalisme vers les pays émergents, ces derniers assurent désormais 52% de la production industrielle, réalisent 48% des exportations et détiennent 80% des réserves mondiales. L’occident se voit contester le monopole qu’il détenait sur l’histoire du monde depuis le XVIème siècle.

La mondialisation a deux ennemis principaux. D'un côté, les pays qui se réclament de l’Islam extrémiste,  dénonçant l'occident et la corruption du monde, de l'autre, les ennemis du capitalisme qui ne voient que l'oppression exercée sur les peuples et jamais la progression du niveau de vie intervenue pour des milliards d’hommes et de femmes. Ces différents courants sont contredits notamment par les avancées technologiques. La mondialisation, c'est plus de risques certes mais aussi plus d'opportunités.

Or en France, la société est figée, seule une toute petite minorité fermée profite des nouvelles opportunités.

Les classes moyennes se paupérisent

La classe moyenne ne retient qu’une conséquence de la mondialisation : celle du déclassement de son statut désormais trop proche de celui des classes populaires. La mondialisation triomphante a montré les limites de l’articulation traditionnelle entre le capital et le travail.La France est devenue le pays ou la vie est dure du fait de l'endogamie de nos élites, de l'immobilisme de l'état, de nos structures sociales et d'une culture obsessionnelle de la rente et de la protection qui nous empêchent d'avancer. Elle  a touché durement les travailleurs non qualifiés, mais elle a été une opportunité fantastique pour tous ceux qui pouvaient s’adapter à ce nouvel environnement.

Les outils de l’Etat providence sont démolis par la mondialisation : la solidarité est tuée par un marché dual  du  travail avec ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas, très souvent les jeunes. L’élitisme républicain est tué par une école en échec. L’innovation est tuée par l’égalitarisme des chercheurs. La classe moyenne est tuée par l’atrophie de l’industrie.

Les deux systèmes de redistribution social d’une part, fiscal d’autre part sont baroques, complexes et touffus. On est passé des droits sociaux issus du travail, à la perception de cotisations sans travail ni cotisation préalable comme le CMU, le RSA etc. Un système de redistribution ne peut pas être durablement déficitaire. Il faut donc une vraie réforme des charges sociales et une réforme de l’impôt. A des redistributions fiscales et sociales opaques, substituons des règles simples et transparentes pour savoir qui paie et qui reçoit.

Un monde nouveau est une chance pour l’avenir

L’économie numérique est partout, multisectorielle avec le e-commerce, les médias, les réseaux sociaux et les services online. Elle est aussi une composante de la chaine de valeur de toute entreprise. La contribution d’internet au PIB selon McKinsey est pour le Royaume Uni 7,2% en 2009-13% en 2015 ; Suède 6,6%-9,3% ; Israël 6,4%-8,5% ; Pays Bas 4,3%-6,8% ; France 3,2%-5,5% ; Espagne 2,2%-5,1% ; Italie 2%-4,3%.

Cette économie  tourne le dos à plusieurs règles fondamentales de l’économie classique. La première voulait que la valeur d’une entreprise tienne en grande partie à celle de ses actifs, c’est terminé. La deuxième est que UBer et Airbnb n’ont aucune immobilisation incorporelle. Uber ne possède aucune voiture et Airbnb n’a jamais investi dans une chambre d’hôtel. La conclusion est simple :pour tous les pays qui veulent geler l’ancienne économie en empêchant les destructions d’emplois dans les secteurs non compétitifs le déclin est assuré.

La droite reste malheureusement majoritairement non libérale

Malheureusement la désindustrialisation ne fait pas partie des thèmes majeurs de la campagne présidentielle. Pratiquement tous les candidats  en connaissent très mal l'ampleur, les conséquences et les origines. Les erreurs de politique économique et les choix hasardeux qui ont été fait ne sont pas analysés. C’est dommage car il en va de nos emplois et de l'avenir de nos enfants.

Le numérique qui devrait être un tremplin pour la droite. Le capitalisme, le moins mauvais des systèmes après tous les autres est toujours capable d’évoluer. Les lois économiques ne sont pas éternelles. Dans un monde en pleine ubérisation, le salariat se voit désormais menacé, l’outil de production totalement bouleversé, la possession dénigrée et la puissance de l’Etat contrariée. Il faut donc revoir tous les fondements du fonctionnement du système : 1/Le travail ; 2/ la propriété ; 3/ la concurrence ; 4/ L’Etat ; 5/ la production.

La France a peut être tout pour réussir mais le temps nous est compté pour repenser l’actuelle mondialisation. 

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