La bascule qui se confirme : une écrasante majorité de Français en faveur de l’alignement des conditions du public sur celles du privé<!-- --> | Atlantico.fr
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85% des Français sont favorables à l'alignement des avantages des salariés du secteur public sur le privé.
85% des Français sont favorables à l'alignement des avantages des salariés du secteur public sur le privé.
©Reuters

Tous égaux

Selon un sondage OpinionWay de juin 2014, près de 85% des Français sont favorables à l'alignement des avantages des salariés du secteur public sur le privé. Ils semblent également beaucoup moins frileux qu'on ne le croirait concernant la volonté de voir arriver les réformes structurelles que le gouvernement n'ose pas engager.

William Genieys

William Genieys

William Genieys est politologue et sociologue. Il est directeur de recherche CNRS à Science-Po.

Il est l'auteur de Sociologie politique des élites (Armand Colin, 2011), de L'élite politique de l'Etat (Les Presses de Science Po, 2008) et de The new custodians of the State : programmatic elites in french society (Transaction publishers, 2010). William Genieys est l’auteur de Gouverner à l’abri des regards. Les ressorts caché de la réussite de l’Obamacare (Presses de Sciences Po [septembre 2020])

Il a reçu le prix d’Excellence Scientifique de la Fondation Mattéi Dogan et  Association Française de Science Politique 2013.

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Atlantico : Le sondage OpinionWay réalisé pour le Think Tank Ethic (voir l'intégralité ici) montre une très forte adhésion des français pour l'alignement des avantages des salariés. Ils seraient en effet plus de 80% à penser que le secteur public devrait jouir des mêmes conditions que le secteur privé en ce qui concerne le nombre de jour de délai de carence en cas d'arrêt maladie, les régimes de retraite, ainsi que les cotisations chomage. Comment faut-il comprendre cette tendance ?

Il semblerait que d'une manière générale, les français soient très favorables à des réformes structurelles, et encore plus en ce qui concerne la réforme du statut de fonctionnaire. Sur les résultats proposés, une majorité de sondés se prononce pour des restrictions de la voilure de l'état et de certaines prérogatives liées au statut de fonctionnaire. Egalement, on constate un attachement particulier à l'égalité entre les salariés du public et du privé. Mais l'égalité et la justice se traduit également, pour les mêmes gens et au niveau de l'état par le sens de l'intérêt général. Ce qui montre un paradoxe de la part des français sur ces valeurs. Il est donc difficile de mener une analyse globale.

On peut aussi interpréter le sondage dans le sens que s'agissant de réformer les avantages d'un groupe professionnel restreint comme les fonctionnaires, la majorité sera toujours prête à consentir les efforts que subiront les premiers. Quand ce sont des mesures trans-catégorielles,  les opinions se mettent alors à changer.

Y aurait-il un paradoxe des français face à la réforme ? Comment analyser ce décalage ?

Dans le mot-valise "Réforme structurelle", les élites politiques essayent de faire passer un message qui n'est pas le même que celui compris par les citoyens. On voit bien que les français ont un rapport assez complexe avec l'idée de la réforme, et cela se traduit par un double discours de la part des français sur ces questions-là, et on les comprend : en période de crise, face à des réformes qui devraient impacter toute la société, on fait apparaître le fonctionnaire comme un profil plus hermétique aux réformes, et qui n'en paye pas le même prix. Mais chaque fois qu'il a fallu aligner les systèmes de retraite par exemple, cette même partie des français s'est mobilisée pour freiner le processus. Il y a aussi souvent un manque de pédagogie de la part du gouvernement sur l'ampleur des réformes engagées. Le slogan de François Hollande, "Le changement, c'est maintenant", avait convaincu nombre d'électeurs, mais ils se sont aperçu qu'en réalité, ce n'était pas à ce changement-là qu'il s'attendait. Il y a également un vrai manque de visibilité sur la ligne politique du gouvernement, tantôt socialiste, tanto social-démocrate, et ce n'est pas pour qui améliorer la compréhension de la part des français.

La question des réformes a été brouillée par l'incapacité de la classe politique à se montrer volontaire dans la diminution du train de vie de l'Etat. Elle a longtemps donné l'impression de vouloir faire subir les efforts par les autres, et pas pour elle-même. De même, les scandales de financement des partis politiques et de corruption portent préjudice à la légitimité des politiques à demander aux autres de se serrer la ceinture.

Comment pourrons-nous constater réellement le rapport des français aux réformes structurelles ? Comment expliquer que le gouvernement ne traduise pas son dynamisme pour le changement en action politique concrète ? A quel type de blocage se voit-il opposé ?

Outre ce que je viens d'expliquer, il est clair que les français font face à la problématique économique et budgétaire, et que donc un changement est nécessaire. Cette idée est apparue, difficilement au début, depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Mais on voit bien que confrontés à la réalité des réformes, les gouvernants se trouvent un peu frileux à l'idée d'engager de vraies réformes structurelles.

Là où on va voir s'ils sont effectivement en faveur du changement, c'est pour la réforme territoriale, car elle impactera profondément la société locale. Dans certaines régions comme le Languedoc Roussillon, la décentralisation a favorisé le rôle des collectivités territoriales, notamment dans la politique pour l'emploi. La réduction des postes va sensiblement impacter la vie courante, et c'est à ce moment-là qu'on verra si vraiment, les français sont en faveur de ces réformes structurelles.

Si l'on regarde les résultats des dernières élections européennes, on voit que ce n'est pas un parti spécialement en faveur des réformes structurelles pour la diminution des déficits budgétaires qui a remporté la victoire. Au contraire, le Front national tient un discours en opposition avec l'Europe qui souhaite nous faire subir des réformes structurelles. En tout cas, ce ne sont pas les mêmes réformes structurelles que Marine Le Pen propose.

Mais il est  vrai que les français ont besoin plus que d'autres pays de réformes incrémentales. Ils veulent effectivement des grandes réformes en terme de cause, en profondeur, du changement, mais ils veulent aussi du temps pour les encaisser. Et petite réforme par petite réforme, on arrive à en faire de grande.  C'est de cette manière que les gouvernements successifs ont depuis 20 ans effectués des changements, de manière subreptice.

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