L’Occident a-t-il bien entendu le signal d’alarme que représente la détente entre l'Arabie saoudite et l'Iran ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le haut diplomate chinois Wang Yi et le conseiller saoudien à la Sécurité nationale et le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, lors de la cérémonie de signature d'accord à Pékin, le 10 mars 2023.
Le haut diplomate chinois Wang Yi et le conseiller saoudien à la Sécurité nationale et le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, lors de la cérémonie de signature d'accord à Pékin, le 10 mars 2023.
©AFP

Géopolitico-Scanner

Après l'annonce de la reprise des relations diplomatiques entre l'Iran et l'Arabie saoudite à la suite d'un accord parrainé par la Chine, les deux pays souhaitent œuvrer rapidement à un rapprochement sur le plan diplomatique et économique.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Atlantico : L’Iran et l’Arabie saoudite, qui avaient rompu leurs liens il y a plus de sept ans, ont annoncé vendredi la réouverture de représentations diplomatiques dans les deux mois à l’issue de pourparlers organisés par Pékin. Comment interpréter ce rapprochement ? À quels changements faut-il s’attendre au Moyen-Orient ?

Cyrille Bret : C’est une mauvaise nouvelle pour le leadership américain dans la zone. Mais c’est une bonne nouvelle pour la sécurité collective dans la région. En effet, depuis une dizaine d’année les deux grandes puissances sont engagées dans une rivalité tous azimuts, notamment au Yémen. L’ambition de cet accord est de reprendre la discussion. On peut espérer que cela conduira à une baisse de la conflictualité au Yémen et à un ralentissement de la compétition nucléaire dans la zone.

Je m’attends à une initiative américaine pour faire un comeback dont la diplomatie états-uniennes est coutumière au fil des alternances politiques.  

Est-ce le signe que Le Moyen-Orient cherche, et réussit, à se détourner des États-Unis ? Comment l’expliquer ?

Cyrille Bret : Il s’agit d’un camouflet évident pour l’ambition américaine de constituer le garant et l’arbitre des rapports de force géopolitique dans la région. Depuis le Pacte du Quincy, en 1945, les Etats-Unis étaient le pilier de la sécurité nationale saoudienne. Et depuis la Révolution islamique de 1979, les Etats-Unis sont à l’avant-garde de la stratégie de containement de la République Islamique d’Iran. Que ces deux Etats-clés de la région réouvrent les canaux de discussion en dehors de l’égide américaine montre que les Etats-Unis risquent une rétrogradation voire une marginalisation dans la gestion des équilibres géopolitiques dans la région.

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Ce revers s’explique en grande partie par les revers subis à l’issue de la Guerre d’Irak, au retrait américain du JCPOA sous Donald Trump, le sous-investissement dans le règlement du conflit en Syrie et leur retraite d’Afghanistan. L’autorité internationale américaine a pâti de tous ces facteurs dans la région. Et ailleurs.

La rhétorique de Vladimir Poutine, qui affirme que le monde s’organise contre l’occident, est-elle, en partie, en train de se vérifier ?

Cyrille Bret : Un Moyen-Orient sans Etats-Unis n’est pas un monde contre l’Occident. Les volontés d’autonomie à l’égard de l’Occident en générale et des Etats-Unis en particulier s’expriment vivement depuis deux décennies. Au sein du G20, au sein de l’Organisation de la Coopération de Shanghaï, etc. De plus, la puissance chinoise conteste aux Etats-Unis le statut de clé de voûte du système mondial. La Russie conteste, elle, armes à la main la situation issue de la fin de l’URSS en Europe. Concurrencer la position des Etats-Unis au Moyen-Orient est un défi à l’histoire diplomatique américaine lancé par le pouvoir chinois. Se dresser contre l’Occident est une ambition loin d’être universelle. 

Cette réorganisation géopolitique va-t-elle, in fine, faire le jeu de la Chine ?

Cyrille Bret : La RPC tire de sa médiation un prestige à court terme. Elle affirme sa centralité loin de sa zone d’influence ordinaire et dans une région de leadership historique américain. De plus, la RPC dispose d’atouts dans la région : son poids dans les exportations énergétiques du Golfe, ses bases militaires en Mer Rouge, son poids dans les infrastructures d’Afrique orientale. Mais elle aborde le Moyen-Orient en challenger pas en favori. D’autres puissances limitent son action : les Etats-Unis bien entendu ; la France également mais aussi son partenaire russe et la République de Turquie. 

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Comment l'Occident peut-il réagir et ne pas se laisser simplement faire par cette réorganisation des alliances en sa défaveur ? 

Cyrille Bret : L’Occident doit prendre acte du fait qu’il est devenu difficilement audible à l’extérieur. Sa cohésion s’est accrue avec la stratégique des sanctions contre la Fédération de Russie. Mais son rayonnement est actuellement en reflux.

Pour remédier à cette situation, je vois plusieurs pistes. D’une part, une plus grande attention à s’appliquer à eux-mêmes les règles qu’ils exigent des autres pays. La critique de l’Occident se nourrit à l’argument des « doubles standards ». D’autre part, une modestie dans l’approche n’est pas incompatible avec une promotion d’idéaux universels comme le respect des droits humains.

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