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Un vent d'optimisme souffle sur les Etats-Unis, mais le pays est encore loin de la croissance exubérante des années 1980 et 1990.
Un vent d'optimisme souffle sur les Etats-Unis, mais le pays est encore loin de la croissance exubérante des années 1980 et 1990.
©Reuters

Trans-Amérique Express

Chômage en retrait, Bourse euphorique et immobilier en hausse. Un vent d'optimisme printanier souffle sur les Etats-Unis. Mais le pays est encore bien loin de la croissance exubérante des années 1980 et 1990.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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L’Amérique est-elle en train de sortir enfin de sa « grande récession » ? 

Officiellement celle-ci a duré 18 mois. De décembre 2007 à juin 2009. Voilà donc presque quatre ans qu’elle est achevée et que l’économie américaine est supposée être en phase de croissance. Mais dans la perception des Américains, cette récession dure toujours. La croissance a été trop faible pour relancer l’emploi et résorber le chômage. Celui-ci est resté aux alentours de 8%, soit douze millions de personnes. Si l’on inclut les individus sortis des statistiques, et les personnes en sous-emploi chronique, ce chiffre passe à près de vingt-cinq millions. L’emploi conditionne à la fois la consommation des ménages, et leur confiance dans l’avenir.  Le quotidien des Américains est donc resté gris depuis quatre ans, plombé par une déprimante stagnation économique et un marché de l’emploi amorphe.

S’ajoutent à cela les prévisions erronées des économistes et de l’administration qui n’ont cessé d’annoncer une croissance qui n’est pas venue. Ils avaient prévu 3% en 2010, elle fut de 2,4%.  Ils avaient prédit en 3% en 2011, elle fut de 1,6%. Ils avaient annoncé 3,3% en 2012, elle fut de 2,2%. Pour 2013, ils parlaient de 3% voir même 4%. Mais cet hiver, avec la perspective du « sequester », les coupes automatiques dans certains budgets fédéraux, ils ont revu leurs prévisions à la baisse et 2,5% sont désormais attendus.

Tandis qu’ils avaient vu trop grand, avant, ils pourraient voir trop petit aujourd’hui. Depuis le début de l’année  les créations d’emplois avoisinent  les deux cents mille par mois. Sachant qu’au-delà de cent cinquante mille le chômage recule, on voit celui-ci baisser un dixième de point à la fois. C’est peu mais encourageant sur la longue durée. Il est désormais à 7,5%. La Réserve Fédérale prévoit qu’il repassera sous la barre des 6% en 2015.

Du coup les ménages américains semblent relever un peu la tête. Depuis le début de l’année ils dépensent plus qu’ils ne l’ont fait au cours des trois dernières années. D’autant que d’autres indicateurs sont repartis à la hausse.

Le marché immobilier est depuis plusieurs mois entré dans une phase de rétablissement et de redémarrage. A la fois en termes de constructions nouvelles et en terme de valeurs. Le nombre de nouvelles constructions est le plus élevé en cinq ans. Un million en mars. Les ventes ont progressé de 18% par rapport à 2012. Les taux d’intérêt immobiliers sont au plus bas. Le prix de l’ancien se rétablit progressivement. Ce dernier point est capital. La crise des « subprimes » avait rendu ce secteur sinistré. Parce que les prix s’étaient effondrés, nombre de propriétaires - 21% soit plus de un sur cinq au plus fort de la crise- devaient rembourser des prêts supérieurs à la valeur de leur habitation. Ce qui revenait à véritablement jeter de l’argent par la fenêtre tous les mois. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 14% dans cette situation. Et leur nombre baisse tous les jours au fur et à mesure que le marché se redresse. Car la baisse des prix a rendu le marché attractif. Convaincus que le pire est passé, les acheteurs reviennent. D’autant que depuis quatre ans les ménages américains se sont aussi désendettés.

Dernier indicateur de l’optimisme ambiant, la bourse est carrément euphorique. Peut-être trop ?

Pour la première fois de son histoire l’indice Dow Jones a passé la barre des 15 000 points lundi 6 mai. Il a terminé sur un gain de 87 points soit 0,6% pour finir à 15 056 points, son record historique. Depuis janvier cet indice a gagné mille huit cents points, soit  13%. Tout comme le S&P 500, l’indice des 500 plus grandes capitalisations boursières américaines. Sur la même période le prix de l’or a perdu 13%. Et même 25% par rapport à son sommet de l’automne à 1 800 dollars l’once ! L’or est la valeur refuge par excellence. Son prix monte quand les investisseurs sont craintifs, et retombe quand ils retrouvent confiance. Une bourse en hausse et l’once d’or en baisse reflètent la confiance revenue aux Etats-Unis.

Confiance, mais pas exubérance. Le vent d’optimisme qui souffle a ses limites. La bourse est fébrile par nature. Les Américains ont été trop échaudés récemment pour ne pas rester prudents. Certains parlent d’ailleurs déjà d’une bulle en formation. Mais surtout, les spécialistes savent que les Etats-Unis ne renoueront  pas de si-tôt avec la formidable croissance forte et à long terme des années 1980-2000. Celle-ci était due à la conjonction de trois phénomènes aujourd’hui absents.

Le premier était démographique. La génération du Baby-Boom était alors  dans la force de l’âge. La proportion de la population en âge de produire était plus forte. Aujourd’hui les « babyboomers »  sont parvenus à l’âge de la retraite ou en approchent. En termes strictement économiques, ils sont moins productifs en même temps qu’ils coûtent  plus à la collectivité.

Le second phénomène était industriel, les Etats-Unis n’avaient pas encore été touchés par le problème de la désindustrialisation. Leur secteur manufacturier était sain. Les emplois y étaient bien rémunérés. Parallèlement un nouveau secteur était en train d’émerger, celui des hautes technologies. Il allait être un formidable générateur d’emplois et de richesses dans les années 1990.

Le troisième phénomène tenait à la politique économique. Les réductions d’impôts instituées par Ronald Reagan en 1981 au nom de la théorie de l’économie de l’offre allaient relancer durablement les investissements productifs, tandis que les dépenses de l’Etat et l’endettement soutiendraient la consommation des ménages, quels que soient leurs niveaux de revenus.

L’Amérique de 2013 ne ressemble plus à l’Amérique de 1983. La croissance démographique n’est plus alimentée par l’accroissement naturel, c’est-à-dire les naissances, mais par une immigration, légale et illégale, qui pose des problèmes sociaux, économiques et culturels. L’industrie américaine et le secteur manufacturier ont été victimes de la mondialisation. Il tente aujourd’hui de se reconstituer mais ne retrouveront  sans doute jamais la santé et l’importance qu’ils ont connu dans la seconde moitié du XXe siècle.  Le gouvernement est aujourd’hui paralysé par les rivalités partisanes et le poids de la dette. Loin d’alléger les charges sur les entreprises, l’administration Obama les a alourdies. La mise en place de sa réforme de santé à partir de janvier 2014 risque de les pénaliser encore plus.

Sur le front de l’emploi, l’Amérique n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant la crise, c’est à dire de 2007. A l’époque le pays totalisaient 138 millions d’emplois. Contre 135,5 millions aujourd’hui.  Compte tenu de l’accroissement de la population depuis, ce sont non pas 2,5 millions de jobs qui manquent encore mais près de 8 millions.

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