L’Afrique peut jouer un rôle essentiel contre le dérèglement climatique. Mais pas en y plaquant des schémas occidentaux <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président français Emmanuel Macron salue le président sénégalais Macky Sall à son arrivée pour une réunion au palais de l'Élysée, au milieu du sommet du nouveau pacte financier mondial à Paris, le 23 juin 2023.
Le président français Emmanuel Macron salue le président sénégalais Macky Sall à son arrivée pour une réunion au palais de l'Élysée, au milieu du sommet du nouveau pacte financier mondial à Paris, le 23 juin 2023.
©Ludovic MARIN / AFP

Atlantico Green

Alors que vient de s’achever le sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial, quels progrès concrets y ont-ils été enregistrés sur le front de la lutte contre le dérèglement climatique ?

Olivier Blond

Olivier Blond

Olivier Blond est conseiller régional, délégué spécial à la santé environnementale et à la lutte contre la pollution de l'air et Président de Bruitparif.

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Atlantico : Le sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial s'est achevé. Quel bilan pouvons-nous concrètement en faire ? En particulier sur la transition énergétique africaine ?

Olivier Blond : Le bilan est nul, comme on pouvait s’y attendre. Il s’agit encore d’un moment de communication du président de la République, qui cherche à s’afficher sur la scène internationale. II y a très peu d’annonce concrète : pas de restructuration de la dette globale même s’il y un geste pour la Zambie, pas d’accord sur les financements (la proposition de nouvelle taxe sur les transports maritimes n’a pas abouti) même s’il y a un accord énergétique pour le Sénégal. Les pays du Sud repartent les mains presque vides, même s’ils en ont profité pour faire entendre leur voix et pour afficher leur volonté de changer les règles du jeu.

Quel est le potentiel de renouvelables de l’Afrique si elle réussissait sa transition ? 

Le potentiel renouvelable de l’Afrique est gigantesque, mais pour l’instant ce n’est qu’un potentiel. Le gisement solaire est parfois évalué à l’équivalent de dizaines de milliers de centrales nucléaires. Il y a 10 ans, Jean-Louis Borloo avait créé une fondation pour « électrifier l’Afrique en 10 ans ». Mais le bilan est maigre. Le potentiel hydraulique est lui aussi considérable avec par exemple le projet de barrage du grand Inga, sur le fleuve Congo en RDC : ce pourrait être le plus important barrage du monde, devant celui des trois gorges en Chine – mais cela n’avance pas beaucoup non plus. La géothermie est très importante également, en particulier dans la corne de l’Afrique, dans la vallée du Rift. Il commence à être exploité au Kenya, qui est devenu le leader continental en la matière. Pour les agrocarburants, les ressources agricoles sont déjà sous tension et des projets internationaux qui sont perçus – parfois avec raison - comme un accaparement des terres.… Il y a un grand potentiel, mais peu de réalisations.

Pour autant, dans quelle mesure est-ce illusoire de croire que l’Afrique pourrait faire sa transition énergétique de la même manière que l’Occident l’a fait ?

Il faut rester humble : l’Europe n’a toujours pas achevé sa transition énergétique et n’a donc pas de leçons à donner. Quand l’Allemagne ou la Pologne  font tourner à plein régime leurs centrales à charbon, comment discuter avec l’Afrique ? C’est ainsi que les discussions qui ont eu lieu pendant le sommet autour de l’utilisation du gaz pour le Sénégal ont parfois été mal comprises – le gaz n’est pas une énergie renouvelable mais un levier de transition pour sortir du charbon…

Inversement, il est peu probable que l’Afrique suive le même chemin que l’Europe. Comme pour d’autres domaines, l’Afrique ne va pas reproduire notre itinéraire, même en accéléré mais elle va trouver sa propre voie. En particulier, la faiblesse des réseaux énergétiques africains et leur cout gigantesque en construction et en entretien invitent à imaginer une production plus localisée. 

À quel point l’Afrique pourrait-elle, en fait, aider le monde à se décarboner ?

Pour l’instant, il ne faut pas survendre la capacité de l’Afrique à décarboner le monde. Qu’elle commence à se décarboner elle-même. Et on en est loin. L’Afrique du sud est un grand utilisateur de charbon qu’elle possède en quantité et le Nigeria (membre de l’OPEP) comme tout le Golfe de Guinée utilisent les hydrocarbures dont leur sous-sol regorge. C’est bien logique.

Il y a une observation générale, qui a pris le nom de « malédiction des ressources » : les richesses du sous-sol peuvent avoir un impact négatif sur le développement d’un pays quand la gouvernance de celui-ci n’est pas suffisamment solide. La concentration d’une source de revenus énormes encourage la corruption et décourage les autres formes d’activité économique.

Est-ce que, finalement, pour réduire notre empreinte carbone, il vaut mieux investir en Afrique que chez nous ?

Tout cela n’empêche pas que l’Afrique présente des opportunités importantes. En effet, les économies d’énergies les plus faciles -  les projets les moins couteux - ont déjà été menées en Occident. Ce n’est pas encore le cas en Afrique. Pour un euro dépensé, on peut diminuer davantage les émissions de Gaz à effet de serre en Afrique qu’en Europe. Or, une tonne de CO2 exerce le même effet sur le climat qu’elle ait été émise Paris ou à Bamako a le même effet. La finance carbone – et c’est son grand succès – permet donc de soutenir des projets carbone là où leur efficacité est la plus forte.

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