IA : Mistral, la start-up française dont tout le monde a parlé à Davos<!-- --> | Atlantico.fr
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Arthur Mensch, co-fondateur et PDG de Mistral AI, assiste au sommet sur la sécurité de l’intelligence artificielle au Royaume-Uni à Bletchley Park, en Angleterre, le 2 novembre 2023.
Arthur Mensch, co-fondateur et PDG de Mistral AI, assiste au sommet sur la sécurité de l’intelligence artificielle au Royaume-Uni à Bletchley Park, en Angleterre, le 2 novembre 2023.
©TOBY MELVILLE / POOL / AFP

La Minute tech

L’intérêt international pour Mistral vient du fait que c'est l'un des rares concurrents de ChatGPT-4.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico : Le succès de la start-up française Mistral AI a été évoqué à Davos. Comment expliquer cet intérêt ?

Laurent Alexandre : L’intérêt international pour Mistral vient du fait que c'est l'un des rares concurrents de ChatGPT-4. C'est ce qui explique la valorisation qui est de 2 milliards d’euros au bout de quelques mois de fonctionnement la levée de fonds de 500 millions d’euros provenant d'actionnaires extrêmement prestigieux comme Marc Andreessen, le fondateur de Netscape, ou Éric Schmidt, l'ancien patron de Google.

Aujourd'hui, le ticket d'entrée intellectuel pour monter des LLM, comme ChatGPT, est très important parce qu'il y a extrêmement peu de bons spécialistes à l'échelle mondiale. Donc la bataille des talents fait rage et il est très compliqué de constituer une équipe. C'est lié au fait qu'il y a une envolée incroyable des rémunérations. Et récemment, on a découvert que Sam Altman embauchait des développeurs pour construire GPT-5 avec des revenus annuels supérieurs à 10 millions de dollars par informaticien. Google a emboîté le pas avec une enveloppe spéciale destinée à donner des packages de 10 millions de dollars pour les meilleurs développeurs de manière à ce qu'ils ne rejoignent pas la concurrence.

Donc il est extrêmement difficile de créer un concurrent de ChatGPT-4 aujourd'hui. Et Mistral fait partie des très rares entreprises qui ont constitué une équipe de niveau mondial lui permettant de concurrencer GPT-4 et Google Gemini. Le cofondateur Arthur Mensch travaillait chez Google DeepMind depuis Paris, les deux autres cofondateurs travaillaient pour Meta à Paris également. Ce sont des gens qui travaillaient en France pour les GAFAM et qui ont constitué l'équipe gagnante de Mistral. Arthur Mensch est le seul à égaler Sam Altman aujourd’hui.

Le directeur commercial de Mistral IA Florian Bressand a déclaré que la start-up « maintient les pouvoirs publics à distance », luttant contre la perception que l’IA devienne une question d’intérêt national. Il a ajouté que l’État français a « bien sûr son mot à dire dans notre gouvernance ». Que pensez-vous de cette déclaration ? 

C'est une réussite française d'ampleur mondiale qui n'a pas pu se financer en France et qui a dû se financer aux États-Unis. Les pouvoirs publics et Bruxelles ne doivent pas faire n’importe quoi, au risque de voir les cofondateurs de Mistral AI partir aux États-Unis, ce qui serait absolument dramatique pour l'écosystème technologique français.

Les pouvoirs publics doivent aider les équipes de Mistral AI, mais sans les étouffer. Donc il faut éviter de leur mettre des contraintes trop importantes. Il va falloir alléger les actes bruxellois car la législation proposée par Bruxelles, en réalité, va gêner les start-ups et ne pas gêner les géants de l'intelligence artificielle que sont Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Les dirigeants de Mistral ont raison. Il faut que la puissance publique aide les start-ups pour créer un écosystème de l'intelligence artificielle en Europe et en France en particulier. Mais il ne faut pas les étouffer et leur imposer des contraintes plus élevées que les géants de l'intelligence artificielle de la Californie.

Comment peut-on expliquer le fait que la Silicon Valley soit très impliquée dans l’aide financière pour Mistral AI ?

Il n'y a pas assez d’argent qui s'investit dans la tech en Europe. Les milliardaires en Europe ne viennent pas de la tech, ne s'intéressent pas à la tech, ne sont pas attirés par la tech. Bernard Arnault est un homme absolument extraordinaire. Il a créé un géant mondial et il est la deuxième fortune mondiale. Bernard Arnault peut mettre 16 milliards de dollars pour racheter Tiffany. Il ne met pas 16 milliards de dollars pour racheter une entreprise dans le monde de la tech. Quand on est un milliardaire issu de la Silicon Valley, on investit dans les nouvelles technologies. Quand on est une fortune européenne traditionnelle, comme Bernard Arnault peut l'être, on investit dans son métier, on n'investit pas dans les nouveaux métiers que représente la tech.

Est-ce alors vraiment prometteur de voir Mistral réussir dans ce domaine ? Cette pépite peut-elle sérieusement rivaliser avec les GAFAM ? 

L'Europe vient de loin. Le budget R&D d'Amazon, qui est le leader mondial du cloud computing, dépasse 70 milliards de dollars par an. Nous en sommes loin en Europe. Mistral AI a levé un peu d'argent, mais il en faudra davantage et il y a encore beaucoup de travail. Donc nous ne sommes qu'au tout début de la constitution d'un écosystème européen dans le domaine de l'intelligence artificielle. C'est prometteur, mais il faut aller plus loin. C'est pour ça qu'il faut laisser la start-up se développer, sans lui imposer trop de contraintes bureaucratiques et réglementaires. Ce n'est qu'un premier pas. Le retard de l'Europe en matière d'intelligence artificielle est très important et l'Europe manque de briques très importantes, notamment les puces GPU, qui ne sont pas fabriquées par des acteurs européens, ou encore le cloud computing. L'Europe n'est pas présente non plus dans le téléphone portable et dans les operating system, qui sont le principal canal de distribution de l'intelligence artificielle.

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