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Hillary contre Donald ou la réponse de la bergère au berger. La guerre (pas très propre) ne fait que commencer
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Rhétorico-laser

Hillary Clinton a fait un discours brillantissime à la Convention démocrate ; mais l’on reste vraiment sur sa faim quant au fond. Chez les deux candidats les attaques personnelles ont remplacé l’argumentation.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Le discours d’Hillary Clinton à la convention démocrate était très attendu. Comment allait elle répliquer à l’artillerie lourde de son adversaire républicain qui l’avait accusée rien moins que de crimes la semaine précédente. Comment allait elle contrer les tentatives de séduction de Trump à l’égard de son propre électorat femmes, latinos, noirs, LGBT ? Et surtout comment allait elle offrir une autre image, positive et convaincante, d’une Amérique peinte en noir par Trump ? 

La réponse est venue dans un discours brillantissime, où l’excellence de speechwriters démocrates a encore fait merveille et où Hillary elle-même a su surmonter ses faiblesses oratoires. Habillée dans un tailleur-pantalon blanc proclamant à la fois son leadership et son innocence, la tête droite et le regard inspiré, la voix bien posée, les pauses bien marquées, la gestuelle ouverte et inclusive, la candidate démocrate a fait un sans-faute dans l’attitude : digne mais non arrogante, ferme mais non cassante, résolue mais non butée.

Les thèmes du discours ont eux aussi été bien choisis : pour rétablir une image très négative dans l’opinion, Hillary a longuement développé son ethos, sa personnalité et ses valeurs, à travers un long storytelling personnel. Celle que l’on présente comme le symbole de l’establishment a rappelé ses origines très modestes et son parcours typique de la méritocratie à l’américaine conjuguée au féminin. Celle que l’on qualifie de dure et d’indifférente, a rappelé son engagement précoce en faveur de l’enfance handicapée et multiplié les témoignages d’empathie. L’éthos et le pathos ont d’ailleurs été les registres dominants, à travers l’appel aux valeurs américaines d’égalité des chances de courage et de solidarité : le vivre ensemble et le faire ensemble ont été les leitmotivs de son message avec le martèlement de together

Et, par un recours systématique à l’antithèse, la charge contre Trump toute trouvée et déployée avec gourmandise au prix d’une grosse mauvaise foi : brodant sur la fameuse phrase de son adversaire, I alone can fix it, (« c’est moi seul qui peut régler le problème »), Hillary force la syntaxe et lui fait dire « je peux régler le problème tout seul » (I can fix it alone). Le procédé annonce une offensive tous azimuths contre la crédibilité du candidat républicain :  incompétent dans les affaires, ignorant les réalités du monde, incapable de se maîtriser ; et plus encore cynique doublé d’un menteur qui fait fabriquer ses produits en Chine (et au Mexique !) tout en pleurant sur les ruines de l’industrie américaine. Rien de plus efficace que de souligner les contradictions de l’adversaire pour le disqualifier. Le tout servi par un arsenal impressionnant d’images, d’allitérations, de questions rhétoriques et de formules tirées au cordeau : there is no other Donald Trump. This is it.

Le contraste était net avec la prestation de son adversaire bien moins réussie techniquement. Et quand celui-ci qualifie le discours d’Hillary de « hurlement très moyen » (so average scream), il n’est pas fair play et risque fort d’aggraver son propre cas. On comprend la satisfaction du camp démocrate et des médias « libéraux », y compris chez la plupart des commentateurs français, très pro-Hillary.  

Mais l’insatisfaction demeure quant au fond de ce discours, d’une légèreté inquiétante. Quasiment aucun chiffre et passage bien rapide sur les faits, surtout ceux qui fâchent (criminalité, immigration illégale, menaces extérieures). L’Amérique qu’elle décrit est un monde de Bisounours où la bonne volonté congénitale d’un peuple d’exception suffira à résoudre tous les problèmes. Le wishful thinking d’un beau rêve bipartisan remplace l’analyse politique. Les propositions concrètes restent aussi vagues que coûteuses : grand plan d’investissement, large exonération des droits universitaires, hausse des salaires etc. Avec en face pour toute solution, « faire payer les riches ». On connaît la chanson, notamment en France. Et on mesure le poids du ralliement de Bernie Sanders... 

Certes, Hillary a retenu les impératifs de tout discours politique gagnant : être aussi inclusif que possible et opposer l’espoir et l’unité à la peur et à la division. Encore faut-il que deux conditions soient réunies pour que le message soit crédible : une solide argumentation qui fasse honnêtement la part des difficultés ; et la conformité du réel au discours. Tant que l’économie américaine va bien, la candidate démocrate pourra bénéficier de la loi édictée par son mari : it’s the economy stupid (« ce qui compte, c’est l’économie, idiot ! »). Mais au moindre fléchissement de la conjoncture d’ici les élections, la version sombre peinte par Trump gagnera en crédibilité. Surtout si des faits divers tragiques et plus encore des attentats viennent encore alourdir le climat de la campagne.

Dans tous les cas, le registre de l’attaque personnelle dans laquelle celle-ci s’est installée n’augure rien de bon, ouvrant la triste perspective d’un choix final entre le moins détesté des deux candidats. 

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