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La photo proposée est issue du site de la firme ATK qui est partenaire de la DARPA dans le projet Virtual Soldier.
La photo proposée est issue du site de la firme ATK qui est partenaire de la DARPA dans le projet Virtual Soldier.
©ATK

La minute "Tech"

Très loin des films de guerre et de l’univers des jeux vidéo, le Soldat Virtuel est un environnement médical ambitieux piloté par la DARPA, agence du Pentagone qui est à l’origine d’internet.

Nathalie Joannes

Nathalie Joannes

Nathalie Joannès, 45 ans, formatrice en Informatique Pédagogique à l’Education Nationale : création de sites et blogs sous différentes plates formes ;  recherche de ressources libres autour de l’éducation ;  formation auprès de public d’adultes sur des logiciels, sites ;  élaboration de projets pédagogiques. Passionnée par la veille, les réseaux sociaux, les usages du web.

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The Virtual Soldier Project est une initiative sans précédent en matière d’aide à la décision sur le champ de bataille. Son organisation est, en elle-même, un modèle d’efficience. Outre la DARPA (Agence pour les Projets de Recherche Avancée en matière de Défense), commanditaire et maître d’ouvrage, le projet mobilise sept universités, quatre centres de recherches publics et cinq entreprises privées.

Le projectile et sa trajectoire dans le thorax

Ce système d’information complet associedes bases de données biologiques et physiologiques, des réseaux de télécommunication, de l’imagerie numérique en 3D, de la modélisation et de la simulation, des algorithmes d’analyse prédictive de données. Toutes ces ressources synchronisées doivent permettre de diagnostiquer et d’intervenir sur place. Le système ne concerne, pour l’instant, que le thorax, là où les blessures ouvrent une vaste zone d’incertitudes sur le sort de la personne touchée.

Une équipe de spécialistes militaires de la balistique collecte et classe actuellement des milliers de cas concrets de blessures afin de réaliser une modélisation informatique qui montrera les conséquences des plaies pénétrantes. Sur l’écran de leurs ordinateurs portables, les médecins engagés dans les zones de combats verront les implications les plus plausibles des différents types d’impacts.

Ces urgentistes militaires disposeront, stockées sur des cartes SD de la marque SAN (comme celles que l’on trouve dans le commerce) des données physiologiques personnelles de chaque soldat. Une sorte de dossier médical crypté que les combattants porteront sur eux.

Un compteur d’estimation de survie

Avec ces renseignements et avec les hypothèses déduites des données balistiques, les chirurgiens pourront activer une simulation précise du comportement des tissus affectés par le traumatisme. Par exemple, selon la trajectoire du projectile, comment réagissent des organes comme les poumons, comment se comportent les flux sanguins et même certaines cellules des ventricules cardiaques…Tous les paramètres vitaux du blessé température, pouls, etc…   seront affichés en temps réel.

Des alertes avec délais interviendront parmi les conseils évolutifs prodigués par le système d’information. Les « soignants de l’avant » seront en mesure de continuer à traiter sur place, de décider une évacuation d’urgence vers un centre mieux équipé. Ils seront même comble de l’efficience tenus au courant seconde par seconde des chances de survie du blessé. Le « compteur » montre un polygone rouge sur fond noir. En haut à gauche, le nom du soldat ; à droite l’heure ; au centre, trois lignes: 29 minutes et 7 secondes avant le décès (estimation) ; probabilité de décès : 97,3%.

Au-delà de la Croix-Rouge et de « Mash »

Difficile de ne pas faire de rapprochements entre certaines des caractéristiques du projet Virtual Soldier et la réaction de l’homme d’affaires suisse Henri Dunant quand il a vu, en 1859, le sort des blessés juste après la bataille de Solferino. A défaut de pouvoir empêcher la guerre, améliorer le sort des blessés. L’initiative de la DARPA n’a pas la même dimension émotionnelle et humanitaire que la création de la Croix-Rouge; elle relève plus d’une froide logique de rationalisation des conséquences des combats. Après tout, si la technologie a des potentiels meurtriers très élevés, elle aussi des capacités salvatrices.

Impossible, surtout, de ne pas remarquer à quel point les efforts scientifiques et technologiques générés par la guerre ont des retombées civiles.

La plus évidente de ces retombées est internet. L’actuel réseau mondial découle d’un projet de la DARPA (1), l’agence qui supervise Virtual Soldier. Il s’agissait, pour relever le défi technologique que constituait, en pleine Guerre Froide, la mise en orbite  du premier satellite soviétique le vendredi 4 octobre 1957, d’imaginer un réseau de télécommunication décentralisé afin que, si le Pentagone était détruit, le commandement militaire américain puisse encore donner l’ordre aux B52 du Strategic Air Command d’aller vitrifier Moscou. Les universitaires qui travaillaient à la mise au point du réseau militaire s’empressèrent de le « civiliser ». Sans attendre que ses partenaires universitaires rendent le Soldat Virtuel à la vie civile, la DARPA annonce que les informations collectées pour la mise au point des modélisations de blessures seront mises à la disposition de bases de données publiques et privées aux Etats-Unis et dans le monde entier.

Bien sûr, avec Virtual Soldier, le film « Mash » sur un hôpital de campagne pendant la guerre de Corée prend un méchant « coup de vieux. » Hollywood saura sans doute actualiser la tragi-comédie des carabins déjantés. Après tout, le cinéma a déjà imaginé des ordinateurs qui, atteints de paranoïa, « partent en vrille ».

(1) « Les sorciers du net », Katie Hafner et Matthew Lyon, éditions Calman-Lévy, 1999

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