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Coup de chaud : le réchauffement des océans est bien plus important que ce que l'on croyait
©Flickr/Jeffpro57

Alerte rouge

Les scientifiques ont découvert que les océans se réchauffent à une vitesse beaucoup plus rapide que ce qu'ils pensaient. Les conséquences sont nombreuses tant pour la faune et la flore que pour les êtres humains.

Nicolas Imbert

Nicolas Imbert

Nicolas Inbert est directeur exécutif de Green Cross France et Territoires.

Co-auteur de l'ouvrage "OCEAN: des clés pour agir " www.desclespouragir.com 

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Atlantico :Selon un article du Washington Post, le réchauffement des océans est beaucoup plus brutal que ce que l'on pensait. Quel constat pouvons-nous réellement faire de la situation ? Comment quantifier concrètement ce phénomène ? 

Nicolas Imbert : Le GIEC, le groupe d'experts qui travaille sur le climat, est en train de réaliser un rapport sur l'océan et la cryosphère, l'océan et les pôles. Ce rapport n'est pas encore définitif, mais ce que l'on observe au travers de certaines fuites issues des universitaires assez prestigieux et des travaux préliminaires, c'est que le niveau de l'océan augmente beaucoup plus rapidement que prévu et les effets liés à son réchauffement (acidification, évolution des espèces géographiquement) est beaucoup plus drastique que prévu. Tout conduit à penser qu'on a une augmentation du dérèglement climatique au niveau de l'océan. 

Aujourd'hui, on a des effets qui sont mal connus et mal cartographiés au niveau de l'Antarctique sur lequel on soupçonne que la fonte des glaces va plus vite que prévu. On sort des modèles linéaires, des évolutions, telles qu'elles étaient cartographiées et anticipées jusqu'à maintenant. On a un deuxième élément qui concerne les zones tropicales et les récifs coralliens sur lesquels on s'aperçoit qu'un grand nombre de récifs sont en train de s'appauvrir ou de mourir. On remarque qu'on a à faire à un changement de biodiversité qui s'opère. Enfin, il y a une inconnue dans les zones tempérées et en Europe. Les phénomènes climatiques s'accélèrent et font plus de dégâts. Les plans de vigilance ont du mal à suivre l'évolution de la situation des océans. 

On est en attente du rapport du Giec afin de pouvoir donner des éléments plus précis qui vont pouvoir nous fournir un consensus scientifique. Les chiffres qui faisaient référence depuis la COP 22 indiquaient que l'on était plus près de la borne haute de 3 degrés plutôt que les 2 degrés annoncés initialement à l'horizon 2050. Les scientifiques tablaient sur une évolution du niveau des mers d'un mètre. Un mètre met déjà en danger de nombreuses îles du Pacifique et y impacterait environ 200 000 habitants, et au Bangladesh un mètre mettrait à risques environ 20 millions d'habitants. Les phénomènes observés sur l'Antarctique et l'Arctique nous laissent à penser que les dommages, tels qu'ils sont opérés, seront plus importants demain que ce qu'indiquaient nos prévisions. 

Quelles sont les conséquences de ce réchauffement bien plus important que prévu des océans, tant d'un point de vue de la faune et de la flore, que d'un point de vue humain pour ce qui est des activités de pêche ? Observe-t-on des effets sur les poissons destinés à la consommation, en termes notamment de quantité des espèces, de leur toxicité, etc. ? 

Pour reprendre de façon très schématique, on a de deux à trois milliards de personnes qui vivent sur les littoraux et pour lesquelles l'impact va être de plus en plus important, à travers notamment des phénomènes climatiques extrêmes. Le Pacifique a été touché par une série d'inondations catastrophiques. Désormais, les eaux vont monter plus régulièrement. On pense à tort que c'est le Pacifique et des zones du Bangladesh qui vont être touchées mais des villes commes New York et Miami seront tout aussi exposées. La seule différence, c'est que ces deux villes ont les moyens d'y répondre, mais dans un premier temps seulement. La dernière série d'impacts concerne également le rôle de régulateur climatique qui est joué par les océans. On ne sait pas du tout si le Golfstream va encore pouvoir continuer à tempérer l'Europe, et ce que cela pourrait changer pour nous. 

Cette question sur la consommation de poisson amène plusieurs réponses. La première, c'est de supposer que même s'il n'y a pas les effets du réchauffement climatique, notre consommation de poisson telle qu'elle est durable ; or ce n'est pas le cas. On assiste à une évolution naturelle depuis quelques dizaines d'années. On mange des poissons comme si on mangeait du lion ou du jaguar mais on n'a pas les moyens de manger aussi haut dans la chaine alimentaire. On va réduire et diversifier notre consommation de poisson pour se recentrer sur des animaux plus bas dans notre chaine alimentaire. Cette partie-là est inéluctable. Cette accélération du dérèglement climatique va porter un coup d'arrêt à notre comportement de chasseurs vis-à-vis des ressources qui sont disponibles. 

Ce phénomène est-il irréversible ? Quels sont les gestes que l'on peut mettre en place pour ralentir ce réchauffement ? Les gouvernements prennent-ils la mesure des observations des scientifiques ? 

La nature a une capacité de résilience mais la fonte des glaces est irréversible et cela va s'accélérer. Toutes les initiatives qui nous font croire qu'on peut avoir une réversibilité et qu'il suffit de construire des digues ou des murs sont des initiatives contraintes à l'échec. En termes d'adaptation et de priorité d'adaptation, les êtres humains ont des enjeux sur l'alimentation, la gestion des villes et la manière de gérer les transports et la biodiversité. En ce qui concerne l'acidification des océans et la disparition des lagons et des coraux, si on laisse la nature sans la dégrader, elle peut se reconstituer dans une certaine mesure dans un horizon de temps qui va de trois à sept ans. Mais est-ce qu'il s'agira d'une biodiversité à l'identique à celle qui aura disparu ? Rien ne nous permet de l'affirmer. Pour les zones polaires, la réversibilité est beaucoup plus compliquée à imaginer. N'oublions pas égalment la présence partout, au niveau de la faune et de la flore, des métaux lourds à cause de catastrophes comme Fukushima. Ces phénomènes n'ont rien à voir avec le réchauffement climatique, mais les effets dévastateurs sont identiques. 

Aujourd'hui, on a besoin de mobilisation. Les gouvernements ont joué un certain rôle dans la prise de conscience des problèmes. Les COP 21 et 22, et maintenant la COP 23 à Bonn, permettent d'avoir des coups de projecteurs sur ces initiatives. Mais ce sont les associations qui jouent le rôle sur le terrain et apportent des solutions. Cependant, on manque de moyens déployés.

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