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Comment le danger pour Hillary Clinton vient bien plus du discours démocrate sur les attentats que sur sa santé
©Reuters

Rhétorico-laser

Plus grave que les cachotteries sur sa santé précaire dont elle pourrait même faire un atout, Hillary risque d’être battue rhétoriquement et politiquement par la reprise des attentats aux Etats-Unis.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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On l’aura lu et entendu partout la semaine passée, y compris dans les colonnes d'Atlantico : les ennuis de santé d’Hillary Clinton peuvent compromettre ses chances aux élections de novembre. Non pas tant en eux-mêmes (sauf maladie sérieuse et durable) que par la « com' » démocrate sur le sujet, tour à tour dans le déni, la minimisation et la mise en scène. Le « culte du secret » d’Hillary, son absence de spontanéité, ses évitements et ses demi-vérités, autrement dit, le discours tenu par elle et son entourage : tout cela pourrait profiter à son rival qui, de fait, la tutoie dans les sondages. Au passage les médias, qui lui sont normalement très favorables, en profitent pour lui faire payer la distance qu’elle a mise entre elle et eux : d’où les titres sur « le tournant de la campagne », «la faute grave de communication » etc.

Peut-être. Mais c’est aller un peu vite en besogne que de la croire déjà condamnée par cette affaire et ignorer une ressource capitale et aussi ancienne que la rhétorique elle-même : à savoir la possibilité de trouver en toute circonstance un contre-discours salvateur ; et plus précisément d’utiliser l’art de retourner les arguments. Cela s’appelle une antilogie.

C’est l’un des grands sophistes et des grands adversaires de Platon, Protagoras, qui dans la tradition grecque en serait à l’origine. Plaidant que « sur toute chose, il existe deux discours opposés », il encourageait ses disciples à plaider successivement le pour et le contre d’une thèse, l’art suprême consistant à utiliser le même argument pour et contre la thèse en question.

Dès l’époque de Protagoras, on en fit grand usage dans la politique athénienne et les antilogies pullulent encore aujourd'hui, y compris chez nous. Exemples : la multiplication des ennuis judiciaires de Nicolas Sarkozy ? Pour les uns, la preuve même de ses méfaits. Pour les autres, la preuve même qu’on le persécute.  De même, « l’identité heureuse » chère à Alain Juppé, est-elle la formule d’un optimisme résolu ou d’un angélisme naïf ? 

Dans le cas des élections américaines, la pneumonie d’Hillary peut ainsi fort bien être retournée comme un argument en sa faveur, en suscitant l’empathie du public (qui lui fait tant défaut), voire en donnant une image plus humaine à une femme décriée pour sa dureté (réelle ou supposée). Ce sera là tout l’art de son équipe, à condition bien sûr d’être assorti d’un certificat médical en béton sur l’état réel de sa santé.

Bien plus dommageable, la réaction du maire démocrate de New York et d’Hillary elle-même au récent attentat dans cette ville. Poussant la political correctness jusqu'à l’absurde, le premier a parlé d’un « acte intentionnel mais non terroriste » ; ce qui est un non-sens absolu : faire exploser une bombe en pleine rue (et en avoir prévu une seconde) est un acte terroriste par sa méthode comme par son but. Ce que Bill de Blasio voulait sans doute éviter, c’est d’accréditer trop tôt l’hypothèse d’une acte terroriste islamiste. Et voilà comme on se prend les pieds dans les mots et tombe sous l’accusation dévastatrice de déni de réalité.

Hillary Clinton a, elle, décidé de jouer le « wait and see » et d’attendre les résultats de l’enquête. Position plus prudente mais qui a de nouveau l’inconvénient de donner à Trump l’avantage tactique de l’offensive. Qu’il s’est empressé de saisir en annonçant qu’il faudra être « très sévère». Position astucieuse, car bien plus claire que celle des démocrates, sans pour autant désigner à ce stade les islamistes. L’homme est plus malin qu’on ne le dit. Et, selon les informations à venir, il pourra, soit en rester là (il faut être « très sévère » avec les poseurs de bombes, quels qu’ils soient), soit monter en puissance sur ses thème favoris de l'anti-immigration et de l'anti-Islam.   

Comme les heures passant, la piste islamiste prend du poids, conforté par le déroulement et la revendication par Daesh de l’agression à l’arme blanche le même jour dans le Minnesota, le camp démocrate est en train de commettre un gros raté rhétorique, qui pourrait lui coûter bien plus cher que le cafouillage autour de la santé d’Hillary. Heureusement le gouverneur de l’Etat de New York, Robert Cuomo, démocrate lui-aussi, est venu rappeler l’évidence première : « une bombe à New York, c’est du terrorisme ». Mais le mal était fait, ajoutant la confusion au déni.

Ce n’est certes pas chez nous que de tels pataquès arriveraient !

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