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Chute record dans les sondages : petit comparatif de popularité des présidents en début de mandat (et de ceux qui sont parvenus à inverser la tendance...)
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Parallèle

Selon les chiffres fournis par l'IFOP, Emmanuel Macron a subi la plus forte chute de l'histoire de la Ve République pour un Président au pouvoir depuis quelques mois (-10 points depuis son élection), le ramenant à un chiffre plus faible que François Hollande. Qu'en est-il des autres ?

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Comment comparer les différentes évolutions de la popularité des Présidents de la Vème République pour un début de quinquennat ?

Bruno Cautrès : Si l’on remonte jusqu’à la première présidentielle au suffrage universel direct, celle de 1965 où le Général De Gaulle était élu, on peut distinguer trois cas de figure : la très faible popularité après trois mois de présidence, c’est le cas unique et exceptionnel de Jacques Chirac en 1995 avec 39% seulement (selon l’IFOP en août 1995) ; la popularité tiède : c’est le cas de François Mitterrand en 1981, Georges Pompidou en 1969, Valéry Giscard d’Estaing en 1974 (tous crédités de 47% de popularité après trois mois de présidence selon l’IFOP) ou encore de François Mitterrand en 1988 (49%) ; la popularité majoritaire : avec en tête Nicolas Sarkozy en 2007 qui ne subit aucune baisse de popularité pendant son premier trimestre et se maintient à un niveau élevé (66%), suivi de François Hollande en 2012 et du Général De Gaulle en 1966 qui perdent cinq points en trois mois (56% de popularité alors) et enfin Emanuel Macron en 2017 et Jacques Chirac en 2002 qui se retrouvent presque à égalité avec 54% et 53% de popularité après trois mois. Ce comparatif nous montre également que seuls deux présidents nouvellement élus ont subi une baisse de popularité supérieure ou égale à 10 points : Jacques Chirac en 1995 (-15 points) et Emmanuel Macron (-10 points).

A la différence de ses prédécesseurs, François Hollande n'est jamais parvenu à redresser la barre de sa popularité, période post attentats exceptée, comment expliquer cette situation, notamment par rapport à Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy, et que peut-on en apprendre concernant Emmanuel Macron ?

La popularité de François Hollande a été fortement impactée par un ensemble de facteurs : non seulement le fait que François Holland avait voulu incarner un « président normal », un rôle décalé par rapport au rôle présidentiel en France, mais aussi la crise économique, les nombreux « couacs » du gouvernement Ayrault, les augmentations des impôts et le sentiment d’une présidence cherchant son cap et modifiant celui-ci en cours de route. Il semble évident qu’Emmanuel Macron veut s’inscrire en faux par rapport à cette expérience qu’il a vécue aux premières loges. Ce que l’on peut apprendre de la spirale d’impopularité de François Hollande c’est d’abord et avant tout que le « job » de chef de l’exécutif aujourd’hui comporte nécessairement une part importante d’impopularité potentielle. La France souffre d’une profonde crise démocratique et l’élection d’Emmanuel Macron en a été un symptôme : les français ont voulu exprimer leur extrême lassitude vis-à-vis des forces politiques « classiques » et ce sentiment s’est également exprimé à travers les scores de Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon. Mais cette élection ne règle rien par elle-même : on voit que dès que le doute s’installe sur ce que veut vraiment faire Emmanuel Macron, avec les cafouillages qui ont marqué le mois de Juillet, le spectre de l’impopularité réapparait. La décision de réduire le montant des APL est l’exemple même d’une décision absurde : elle envoie un message incompréhensible car si la France est vraiment à l’agonie au plan budgétaire au point qu’il faut prendre cette décision, on se demande pourquoi exonérer de la taxe d’habitation et réformer à la baisse l’ISF. La communication qui s’ensuit par l’Elysée est très maladroite: si les ministres, le Premier ministre et le Président se sont « fait avoir » par Bercy, alors on se demande ce qu’ils font de leur journées….Sérieusement, qui peut croire que la Direction générale de finances publiques et tout l’état-major de Bercy aient pu vouloir orienter cette décision sans que le Premier ministre et le Président n’aient donné leur aval ? Voilà le type même de décision et d’épisode qui ne peut qu’avoir des effets négatifs sur la popularité. Il aurait mieux valu qu’Emmanuel Macron assume pleinement cette décision, la motive et lui donne du sens.

Emmanuel Macron a pu suivre l'expérience douloureuse de François Hollande, voyant sa popularité s'effriter lourdement dès le début de son mandat. Quelles leçons peut-il en tirer pour cette rentrée annoncée sous le signe de la loi travail ? 

Il est malheureux de constater que notre pays ne fait souvent que retomber dans les mêmes ornières. Nous avons un problème démocratique de base : l’élection au scrutin majoritaire à deux tours fait reposer la victoire de celui qui l’emporte sur un trompe-l’œil. Fort de sa victoire au second tour, le vainqueur est persuadé d’avoir un mandat pour appliquer son programme….de premier tour…..Or, seuls 24% des français ont voté pour Emmanuel Macron au premier tour. Si les citoyens accordent bien sûr au vainqueur du second tour la légitimité qui lui revient, cela ne veut pas dire qu’ils acceptent ou consentent à ses réformes. Dans les périodes de croissance économique, ce système peut fonctionner parce qu’il y du « grain à moudre » ; mais dans les périodes de crise ou de chômage de masse comme aujourd’hui, cela provoque mécaniquement des tensions, des incompréhensions, des ratés. Tout ceci devrait conduire nos dirigeants vers deux grandes réformes seulement : a) une grande réforme du mode de décision, de conduite des politiques publiques et de fabrication de celles-ci. Des outils démocratiques existent et ont été développées dans d’autres pays afin que les réformes fassent l’objet d’une co-production avec la société. Or, dans notre pays, on vit sur l’illusion que l’élection présidentielle tranche le débat sur le choix social majoritaire du pays et qu’ensuite le pouvoir dispose de tous les pouvoirs pour dérouler son programme ; b) une réforme encore plus importante : un très grand effort de modestie de nos leaders et dirigeants politiques. Le fait d’annoncer tous les 5 ans que le monde va changer, que nos vies vont changer, que la politique va changer (tout ça moins de 5 ans…), que l’on a rien fait et rien vu avant, que l’on va passer de l’ombre à la lumière, que Napoléon est sur son cheval au pont d’Arcole, que Jupiter est descendu vers nous, engendre mécaniquement des espoirs que ne peuvent qu’être déçus. La parole politique, devrait être moins flamboyante et plus en modestie. Lorsque François Hollande, pourtant d’un naturel qui n’est pas caractérisé par l’hypertrophie de l’égo, annonça « le changement c’est maintenant », cela ne pouvait que donner ensuite le sentiment des espoirs trahis et déçus. Il faudrait plutôt faire baisser de plusieurs crans les attentes dans ce domaines, que la communication de nos dirigeants cesse de jouer selon les cas le festival de Cannes, l’étoffe des héros, les dieux de l’Olympe ou Napoléon et renforcer la démocratie par le bas et la « capabilité » des citoyens. C’est là tout le paradoxe qui attend Emmanuel Macron et la République en Marche : une dynamique qui est partie de ces constats et qui peut, éventuellement, leur tourner le dos…..A voir, à suivre et en lui laissant le temps de faire ses preuves… 

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