Ces stations de ski qui stockent de la neige pendant l’été pour pouvoir rouvrir à l’automne <!-- --> | Atlantico.fr
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De plus en plus de stations de ski stockent de la neige pendant l’été afin de pouvoir rouvrir lors de la période de l’automne.
De plus en plus de stations de ski stockent de la neige pendant l’été afin de pouvoir rouvrir lors de la période de l’automne.
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Atlantico Green

De plus en plus de stations de ski stockent de la neige pendant l’été afin de pouvoir rouvrir lors de la période de l’automne.

Rémy Knafou

Rémy Knafou

Rémy Knafou est professeur émérite à l'université Paris 1 – Panthéon Sorbonne. Auteur de Réinventer (vraiment) le tourisme. En finir avec les hypocrisies du tourisme durable, éditions du faubourg (2023).

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Atlantico : De plus en plus de stations de ski stockent de la neige pendant l’été afin de pouvoir rouvrir lors de la période de l’automne. Comment les équipes des stations parviennent techniquement à réaliser cette étape et à stocker la neige ? Toutes les stations sont-elles susceptibles de pouvoir utiliser cette méthode ?

Rémy Knafou : La technique dite du « snow farming », venue de Scandinavie, consiste à stocker, en fin de saison froide, tout l’été et l’automne, dans des lieux ombragés, une certaine quantité de neige (naturelle ou artificielle) protégée par une couche isolante, de copeaux de bois ou de sciure. Il est à noter qu’il existait, jusqu’au 19ème siècle, en Méditerranée (en particulier en Corse), des techniques destinées à conserver en été la neige tombée en hiver, dans des trous ou des constructions (névières, glacières, etc.), alimentant un actif commerce (pour rafraîchir des boissons en été, faire de la glace ou des sorbets, etc.).

Ce n’est que récemment que cette technique de conservation estivale de la neige a été importée dans les Alpes, d’abord en Suisse, à Davos (1560 m), en 2008, puis, en France, à Bessans (Savoie, 1800 m), au Plateau des Glières (Haute-Savoie, vers 1400 m) ou aux Saisies (Savoie, 1650 m), chaque fois dans des domaines de ski nordique. Il s’agit d’un emploi de complément, destiné à avancer le début de la saison du ski (de fond), au moment où, de plus en plus souvent, désormais, les températures ne sont pas assez basses pour pouvoir produire de la neige artificielle (les exploitants des domaines skiables préfèrent parler de « neige de culture »). Au Grand-Bornand (Haute-Savoie), elle sert à sécuriser une épreuve internationale de biathlon qui se déroule à une altitude (1000 m) et à un moment (3ème semaine de décembre) où l’enneigement naturel est de moins en moins au rendez-vous : on stocke à 1400 m  plusieurs dizaines de milliers de m3 de neige principalement produits par deux enneigeurs, la neige étant ensuite transportée en camions jusqu’au stade accueillant la compétition, comme ce fut le cas en décembre 2023…

Le « snow farming » a aussi alimenté une opération de communication à grand spectacle aux Saisies, lors du passage du Tour de France, le 22 juillet 2016, l’hélicoptère de la télévision ayant ainsi pu montrer des skieurs en action en bordure de la route empruntée par les coureurs. 

Cette technique s’inscrit donc dans une logique nouvelle, celle d’une ressource en neige de moins en moins renouvelable. Au départ, l’économie des sports d’hiver est née de l’exploitation d’un enneigement naturel sur des pentes, synonyme d’une richesse nouvelle pour de nombreuses vallées. Le réchauffement climatique, qui est plus fort en montagne qu’en plaine, remet en cause cette exploitation d’une ressource naturelle considérée comme renouvelable : d’où la production croissante de neige artificielle, d’abord pour assurer les retours à ski à la station puis, ultérieurement, pour garantir plus largement la skiabilité de domaines skiables d’altitude, où l’immobilier se vend de plus en plus souvent au-dessus de 15 000 € le m2.

Le fait de stocker la neige pendant l’été est-il un atout sur le plan de l’environnement ? Cela est-il moins néfaste que le recours à la neige artificielle ?

C’est ce qu’on essaie de nous faire croire. Certes, cette technique a un faible impact au total (parce qu’elle ne porte que sur un faible nombre de sites, parce qu’elle nécessite peu d’énergie en comparaison avec les consommations d’une station de sports d’hiver, parce que son effet sur le cycle de l’eau est très secondaire), mais lorsqu’elle est associée à la production de neige de culture, elle cumule les effets négatifs.

Cette méthode peut-elle améliorer l’empreinte carbone du ski ? Cela est-il moins consommateur d’énergie contrairement aux étapes de production de neige lors des journées les plus chaudes de l'automne ?

Cette méthode n’améliore en rien l’empreinte carbone du ski, laquelle dépend de l’utilisation massive de l’automobile pour se rendre en station, du chauffage des logements, du fonctionnement des remontées mécaniques et de la production de neige artificielle : d’abord, parce qu’elle est très peu employée ; ensuite, parce qu’elle nécessite tout de même de l’énergie, ne serait-ce que pour transporter la couche isolante, puis pour l’enlever et la stocker (et ce, dans l’hypothèse où ce n’est pas de la neige artificielle qui est stockée). Quant aux journées d’automne, si elles sont chaudes, de toutes façons, on ne peut pas produire de la neige de culture (une température négative est nécessaire ; généralement, on commence à partir de -2° ou -3° car, sinon autour de 0°, la productivité est faible pour une dépense d’énergie élevée).

Cette solution est-elle l’atout clé pour les stations de ski face au réchauffement climatique et face à la pénurie de neige ?

L’atout clé, certainement pas. C’est seulement une méthode très marginale qui concourt à retarder l’échéance fatale et permet de communiquer sur une technique présentée de manière excessive comme « durable » ou « vertueuse ». De plus, on l’a vu, elle est très peu adaptée aux stations trop basses (en-dessous de 1400/1500 m dans les Alpes du nord). Il serait beaucoup plus raisonnable de ne pas continuer à vouloir conserver à tout prix une économie de la neige sans enneigement naturel (notamment, en faisant du Grand-Bornand le lieu des épreuves de Biathlon des JO de 2030 !) et de mieux exploiter la neige qui tombe encore du ciel, davantage au printemps qu’en début d’hiver ; autrement dit, pour les quelques décennies restantes d’économie du ski dans les stations hautes, de mieux caler la saison sur l’enneigement naturel au lieu de systématiquement développer l’enneigement artificiel aux impacts calamiteux.

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