"US, go home !" : et si les Américains rentraient vraiment chez eux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jamais depuis la fin de la guerre du Vietnam, en 1975, les Américains n'ont été aussi fatigués de leurs engagements extérieurs.
Jamais depuis la fin de la guerre du Vietnam, en 1975, les Américains n'ont été aussi fatigués de leurs engagements extérieurs.
©Reuters

Trans-Amérique Express

A quoi ressemblerait le monde sans le policier américain ? La question pourrait se poser rapidement : l'Amérique est fatiguée de jouer au sheriff et doit faire des économies. Notamment sur son budget de défense.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Souvenons-nous c’était le vœu de tous les gauchistes et pacifistes occidentaux : "US, go home !" ("Américains, rentrez chez vous !"). Longtemps ce ne fut qu’un slogan, une pancarte sur l’écran du JT du 20h. Mais dans les années à venir ce vœu pourrait se voir exaucé.

Jamais depuis la fin de la guerre du Vietnam, en 1975, les Américains n’ont été aussi fatigués de leurs engagements extérieurs. Jamais non plus leurs difficultés économiques n’ont été aussi profondes. Leur croissance est anémique et ils sont couverts de dettes. Au point d’en être réduits à des économies de bouts de chandelle. Depuis le 1er mars et le déclenchement du "sequester", ces coupes budgétaires automatiques mandatées par la loi, les services publics sont réduits, des bureaux du gouvernement ferment leurs portes, des guichets tombent la fenêtre plus tôt. La grogne monte. Une grogne mêlée d’incompréhension. Car tandis que les Américains sont ainsi mis au régime forcé, le gouvernement continue de dépenser de l’argent à l’étranger pour défendre des gens qui ne sont ni Américains, ni même bienveillants à l’égard des Etats-Unis.

Washington pourrait faire des économies colossales, simplement en rapatriant les dizaines de milliers de GI’s toujours déployés à travers le monde et en fermant les centaines de bases militaires installées sur les cinq continents. La plupart remontent à 1945, date à laquelle l’architecture de défense américaine fut mise en place. Une architecture adaptée au contexte de la Seconde Guerre mondiale. Pas à celui de 2013…

Les Etats-Unis disposent de 1 375 000 soldats en service actif. Parmi eux, 175 000 environ sont déployés à l’étranger, répartis sur 150 pays. 70 000 autres se trouvent toujours en Afghanistan. Leur retrait progressif, entamé en 2011 se poursuit  et sera achevé au 31 décembre 2014.

Ou peut-être avant si la Maison Blanche décide d’accélérer un mouvement désormais perçu comme irréversible. Car maintenir ces hommes, et le matériel qui va avec, sur place coûte deux milliards de dollars par jour. Or dans le cadre du "sequester" le gouvernement américain doit économiser 85 milliards de dollars, rien qu’en 2013. L’équivalent de 43 jours de présence en Afghanistan. Puis il faudra trouver 1 000 milliards sur dix ans, dont 500 milliards pris sur le budget du Pentagone. Gagner six mois sur le retrait d’Afghanistan c’est économiser 360 milliards de dollars… Sans parler des vies humaines américaines sauvées. 18 Américains ont déjà été tués sur place en 2013, dont sept le lundi 11 mars, portant à 2187 le nombre d’Américains tombés en Afghanistan depuis 2001.

Dans le cadre de sa récente tournée internationale, le secrétaire d’Etat John Kerry,  a annoncé une contribution de 250 millions de dollars à l’Egypte, actuellement dirigée par Mohammed Morsi et les Frères Musulmans. En plus des deux milliards de dollars annuels déjà versés par Washington.

L’annonce a fait grincer des dents. D’une part parce que jusqu’à 2011 les Etats-Unis combattaient les Frères Musulmans ! Beaucoup d’Américains ne voient guère de différence entre le terrorisme islamique et un mouvement islamique qui jure avoir renoncé au terrorisme… D’autre part, parce que les Américains sont fatigués de payer pour les autres. Qu’il s’agisse de financer le développement économique, ou la défense de ses alliés.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale les deux principales puissances de l’Axe, l’Allemagne et le Japon, étaient détruites. Il s’agissait à la fois de les reconstruire et de s’assurer que jamais à l’avenir elles ne puissent menacer le monde. Elles furent désarmées et leur défense assurée par les Etats-Unis et l’Otan.

Washington déploya plus de 50 000 GIs au Japon, répartis sur une dizaine de bases militaires, dont deux, tout au sud de l’archipel, face à Taïwan. Ces soldats sont toujours sur place. Washington dispose également de 30 000 hommes en Corée du sud, pour défendre ce pays contre son frère jumeaux du nord.

Depuis 1945, il existe 21 bases américaines en Allemagne où évoluent 45 000 soldats. Les GI’s sont 11 000 en Italie, 10 000 au Royaume Uni, 2 000 en Espagne, 1 500 en Turquie, 1 200 en Belgique, etc.

Depuis 1999 les Etats-Unis disposent aussi de Camp Bondsteel, leur base du Kosovo, pouvant abriter 7 000 soldats. Pour l’heure Camp Bondsteel rentre dans le dispositif de la KFOR, qui maintient 5 000 soldats dans ce recoin des Balkans.

Le dispositif américain au Moyen Orient est celui qui a le plus évolué, au gré des nombreux conflits régionaux. Les GIs ont quitté l’Irak fin 2011. Ils avaient précédemment déménagé leurs bases d’Arabie Saoudite vers le Koweit, où les GIs  sont encore 15 000. Il y en a 3 000 à Bahrein, un millier au Qatar. Les Etats-Unis disposent aussi désormais d’une base à Djibouti, Camp Lemonnier. 3 000 soldats y sont déployés dans le cadre de la guerre contre le terrorisme et contre la piraterie dans le Golfe d’Aden. En comparaison il n’y a plus que 1 400 soldats français sur place.

Les Américains sont très peu présents en Amérique latine. La seule base d’importance est celle de Guantanamo Bay, à Cuba qui abrite 1 000 hommes et un certain camp de détention !

A ce dispositif terrestre, il convient d’ajouter les six flottes américaines qui patrouillent les routes maritimes du monde, de la Méditerranée à la mer de Chine et qui assurent à la fois la sécurité du commerce, et la surveillance de zones…

A la base de ce vaste dispositif on trouve la doctrine des "deux fronts" développés par le Pentagone après la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait pour les Etats-Unis d’être capable de mener deux guerres en même temps, l’une sur terre en Europe, l’autre en mer dans le Pacifique. C’était les deux fronts de la Seconde Guerre mondiale ! Pour beaucoup cette doctrine est périmée. Et inadaptée. Aussi bien à la menace de prolifération nucléaire, qu’à la guerre asymétrique contre Al Qaida et consorts.

Ce schéma ne correspond plus à la défense des "intérêts vitaux des Etats-Unis" dit entre autre Elizabeth Cobbs Hoffman, professeur de relations internationales, dans un livre récent "Le sheriff américain". Et les demandes de révision se multiplient également au sein du monde politique. A gauche comme à droite. Certes l’édifice ne pourrait être démantelé de jour au lendemain. Ces bases servent de relais pour le ravitaillement et les secours. Les soldats blessés en Afghanistan, ou en Irak, ont été soignés dans les hôpitaux militaires derniers cris des bases américaines en Allemagne.

Mais pour les Européens qui depuis 1945 ont confié leur défense à l’Oncle Sam l’heure du réveil pourrait finir par sonner. "Attention à ce qu’on souhaite jeune, disait Goethe, on l’obtient une fois parvenu à l’âge adulte."

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