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#BalanceTonPorc et tréfonds de l’opinion : les Français féministes dans l’âme mais pessimistes sur la réalité
©Filckr

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Dans le sillage de l'affaire Weinstein, un hashtag "BalanceTonPorc" est devenu très populaire sur Twitter. Si, dans les sondages d'opinion, les Français se montrent "féministes" et très favorables à la lutte contre la discrimination des femmes, ils sont également plus pessimistes sur les progrès de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Erwan Lestrohan

Erwan Lestrohan

Erwan Lestrohan est directeur d'études à l'Institut BVA.

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Atlantico : Aujourd'hui, comment le féminisme est-il perçu en France? Est-ce que la vision des Français vis-à-vis du féminisme a évolué au cours des dernières années ?  

Erwan Lestrohan : Dans les sondages d’opinion, les Français se montrent plutôt féministes et très favorables à la lutte contre la discrimination des femmes …mais ces bonnes intentions ne se retrouvent pas nécessairement dans la réalité. A titre d’exemple, dans un sondage de 2015, nous mesurions que 94% des Français se déclaraient prêts à élire une femme Président de la République soit 9 points de plus qu’en 2005. Si à l’image de la société, la fonction présidentielle semble donc ici largement décloisonnée sur le plan du genre, nous restons encore en retard en comparaison à de nombreux autres pays concernant l’accès des femmes aux plus hautes responsabilités politiques : en France, seule Edith Cresson a occupé le poste de Premier ministre de 1991 à 1992. Par ailleurs, de très nombreux chantiers demeurent, aussi bien en ce qui concerne la place des femmes dans le monde professionnel que dans leur vie personnelle.

Qu'en est-il de la perception des Français concernant l'égalité femme-homme ? Comment cette perception a-t-elle évolué ?

En consultant les sondages sur la question, il est intéressant d’observer que les Français sont plus pessimistes aujourd’hui qu’il y a 10 ans sur les progrès de l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette évolution est peut-être due à un plus haut degré d’exigence des Français en matière d’égalité hommes-femmes alors que celle-ci est encore loin d’être une réalité. Si la discrimination des femmes reste largement soutenue dans l’opinion et qu’un ministère des droits des femmes de plein exercice a été créé en 2012, l’horizon reste relativement encombré.

Point particulièrement sensible, les femmes restent confrontées à une inégalité domestique. De récentes études nous ont montré que dans une écrasante majorité des couples les tâches ménagères restent très largement accomplies par les femmes. Dans un sondage BVA de 2013, face à 3 tâches ménagères testées (faire le ménage, la cuisine et les courses), l’inégalité entre les sexes était criante : dans 54% des couples, c’était la femme qui accomplissait le plus souvent ces tâches, c’était «aussi souvent l’homme que la femme » dans seulement 35% des couples, et c’était « plus souvent l’homme que la femme » dans seulement 10% des couples. Cette inégalité domestique se retrouve aussi dans la gestion des temps familiaux, l’organisation de la vie de famille et la prise en charge des tâches liées à la responsabilité parentale.

Comment ces évolutions et ces perceptions ont-elles fait évoluer les rapports entre les deux sexes dans le monde du travail ?

Dans le monde du travail, les Français se montrent de plus en plus critiques. En 2015, seulement 41% des Français considéraient que l’égalité hommes-femmes avait progressé dans le domaine professionnel et des salaires au cours des 5 dernières années alors qu’ils étaient 57% à avoir cette opinion en 2005. Les femmes étaient encore nettement moins nombreuses que les hommes à avoir perçu un progrès au cours des 5 dernières années (30% contre 54% pour les hommes). Deux phénomènes sont susceptibles d’avoir accru la visibilité des inégalités par les Français dans le champ professionnel : le renforcement des mesures législatives, susceptible d’avoir accentué la prise de conscience de l’opinion, et l’existence d’un « plafond de verre »: les femmes restent sous-représentées aux plus hauts postes, un domaine dans lequel des évolutions significatives peinent à se faire sentir : la part de femmes au sein des comités de direction des grandes entreprises françaises est de moins de 15% % en 2017.

Enfin, le monde du travail reste marqué par le poids du sexisme dans les relations de travail entre les femmes et les hommes. L’institut BVA a conduit en 2013 et en 2016, en collaboration avec le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP), des consultations sur le sexisme au travail auprès de salariés de grandes entreprises françaises. Il ressortait de l’enquête conduite en 2016 que si l’existence diffuse du sexisme au travail était largement reconnue, son poids restait pour autant particulièrement préoccupant. Autour d’une femme sur deux déclare avoir été confrontée au sexisme au cours de sa carrière, en tant que témoin ou en tant que cible, et ces manifestations du sexisme ont un poids extrêmement important sur les carrières des femmes. Pour ne pas avoir à être confrontées au sexisme, les femmes peuvent voir leur carrière freinée : elles demandent moins de formation ou de promotion, se sentent moins légitimes, adoptent des conduites d’évitement. De même, elles émettent des doutes sur la capacité de leur hiérarchie ou de leur direction des ressources humaines à condamner sans appel les manifestations du sexisme.

Au global, si les avancées sont significatives dans le champ de l’égalité hommes-femmes et que l’arsenal juridique aussi bien que le cadre institutionnel se sont grandement enrichis au cours des dernières années, de fortes inégalités demeurent, indiquant l’ampleur des efforts nécessaires pour parvenir à l’égalité réelle.

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