Politique énergétique : Bernard Doroszczuk, président de l’Autorité de sûreté nucléaire, s’interroge sur les défis à venir et sur le bien-fondé de la fermeture des réacteurs nucléaires<!-- --> | Atlantico.fr
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Cette photo d'archive prise le 6 avril 2012 montre la centrale nucléaire de Penly, dans l'ouest de la France.
Cette photo d'archive prise le 6 avril 2012 montre la centrale nucléaire de Penly, dans l'ouest de la France.
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Energie de demain

Bernard Doroszczuk, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, a accordé un entretien à la rédaction du Monde et s’est confié sur les enjeux majeurs de la politique énergétique. L'Autorité de sûreté nucléaire plaide pour une meilleure anticipation des défis à venir de la part des décideurs politiques et des acteurs du nucléaire. La filière devra recruter 4.000 ingénieurs par an pour réaliser les nouveaux projets nucléaires.

Alors qu’Emmanuel Macron souhaite intégrer « la protection de l'environnement » dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la place du nucléaire dans la politique énergétique de la France est au cœur des enjeux d’avenir. Bernard Doroszczuk, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a accordé un entretien à la rédaction du Monde.

Malgré les difficultés liées à la crise sanitaire, « le niveau de sûreté nucléaire et de radioprotection a été tout à fait satisfaisant en 2021. Notamment la conduite des quatrièmes visites décennales des réacteurs les plus anciens », d'après le président de l'ASN.

Le « gendarme » du nucléaire français a tenu à mettre en garde contre « une double fragilité inédite » : pour les réacteurs et pour les installations qui fabriquent, retraitent ou valorisent le combustible.

En 2022, EDF s’attend à produire de l’électricité nucléaire à un niveau historiquement bas depuis près de trente ans. Les travaux du grand carénage et les visites décennales ont entraîné des mises à l’arrêt plus longues de certains réacteurs. La crise sanitaire a eu des répercussions sur le calendrier des arrêts. Depuis décembre 2021, quatre réacteurs supplémentaires sont indisponibles à Penly (en Seine-Maritime), après la découverte d’un aléa de corrosion sur un circuit important pour la sûreté.

Selon Bernard Doroszczuk, « il ne faudrait pas que, faute d’une anticipation suffisante, la poursuite de fonctionnement des réacteurs résulte d’une décision subie au regard des besoins électriques, ou hasardeuse en matière de sûreté. La prolongation d’exploitation ne doit pas être la variable d’ajustement d’une politique énergétique qui aurait été mal calibrée ».

Compte tenu du développement des usages électriques dans les années à venir, « il faut se réinterroger sur la mise à l’arrêt programmée de ces 12 réacteurs. En regard des besoins de production électrique. Et en raison de la nécessité de conserver des marges dans le système électrique. (…) Parallèlement dans les cinq ans qui viennent, EDF devra questionner et justifier individuellement la capacité des réacteurs les plus anciens à poursuivre leur fonctionnement au-delà de 50 ans ».

Les projets de relance du nucléaire vont nécessiter des mesures fortes et une nécessaire anticipation pour le dilemme des déchets :

« Faire le choix du nucléaire pendant encore soixante ans, voire quatre-vingts ans, doit s’accompagner d’une politique exemplaire en matière de gestion des déchets. Aujourd’hui, un certain nombre de solutions permettant de gérer les déchets nucléaires sont sur la table, mais elles n’ont pas encore fait l’objet de décisions. Il ne faut pas procrastiner, il est temps de prendre des décisions. Autoriser la création du centre d’enfouissement de Cigéo à Bure [Meuse], cela demande une décision politique. Sinon, dans les quinze à vingt ans qui viennent, il n’y aura aucune solution de gestion pérenne ».

Bernard Doroszczuk, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, a aussi été interrogé sur l’EPR de Flamanville et l’avancée des travaux :

« Le chantier est complexe et EDF prend énormément de précautions ; nous constatons d’ailleurs plutôt un niveau de qualité très élevé sur ce qui a été refait. Mais il y a beaucoup plus de soudures à reprendre que ce qu’EDF imaginait au début : sur une centaine à réparer, seule une vingtaine ont été totalement refaites. L’objectif de terminer d’ici au mois d’avril n’était pas réaliste. Et il n’y a pas que les soudures ! D’autres sujets n’ont pas encore été résolus, alors qu’ils sont sur la table depuis des années : le fonctionnement des soupapes ou encore le colmatage des filtres du réservoir d’eau interne en cas d’accident ».

La filière devra recruter 4.000 ingénieurs par an pour réaliser les nouveaux projets nucléaires, selon les révélations de Bernard Doroszczuk :

« Les nouvelles perspectives de politique énergétique, notamment si elles s’appuient sur une composante nucléaire, supposeront un effort industriel considérable. Pour faire face aux nouveaux projets, aux opérations de démantèlement et aux travaux sur le parc actuel, les entreprises de la filière estiment qu’elles auront besoin de renforcer les compétences d’exécution dans de nombreux domaines. Elles prévoient le recrutement de l’ordre de 4 000 ingénieurs par an ».

Le Monde

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