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Week-end de solidarité : ces autres causes médicales moins médiatiques que ne devraient pas nous faire oublier le Téléthon ou le Sidaction
©Reuters

Dons

Dans un contexte de chute des dons des Français, la concurrence entre les causes est rude. Opposer les unes aux autres ne rend service à personne mais alors que les Français sont sensibilisés ce week-end aux enjeux financiers de la recherche, voilà des maladies affectant de très nombreux d’entre nous et qui ont aussi besoin de soutien.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Téléthon et Sidaction sont parvenus à attirer l'attention du grand public sur des maladies méconnues et ayant un impact lourd sur la vie des personnes. Au-delà des deux maladies ici considérées, quelles sont les maladies qui mériteraient beaucoup plus d'attention de la part du public, mais également de la part des autorités, afin de permettre un appel aux dons, et un développement de la recherche ?

Stéphane Gayet : L'infection par le virus VIH est une maladie emblématique, parce qu'elle est due à un virus transmissible et porteur de dégradation et même de déchéance corporelle ainsi que de mort. C'est aussi lié au fait que toute personne ayant une activité sexuelle peut plus ou moins s'identifier à une personne sidéenne. C'est encore à rapprocher des cibles favorites de l'infection, particulièrement des communautés d'hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. De nombreuses personnes médiatiques, parmi lesquelles des artistes célèbres et autres sujets talentueux et fort admirés, ont été frappées par l'infection à VIH. Par ailleurs, les associations militantes sont pugnaces et efficaces.

Avec le Téléthon, ce sont principalement les maladies neuromusculaires très invalidantes et d'origine génétique comme la myopathie qui sont bénéficiaires de la médiatisation et des dons. Ce mouvement de grande ampleur relève d'une solidarité massive et généreuse liée à la perception de l'injustice choquante que représentent les victimes de ces maladies. Plusieurs personnes atteintes de myopathie ont été médiatisées et le spectacle de leur déchéance physique, s'accompagnant d'un psychisme d'autant mieux conservé qu'il s'agit de sujets jeunes, a ému et émeut beaucoup de téléspectateurs. On a connu des artistes très appréciés et touchants qui en sont morts.

Du côté des maladies infectieuses, le paludisme, la tuberculose, la lèpre et la maladie de Lyme mériteraient indéniablement plus d'attention de la part du public et des autorités, afin de permettre un appel aux dons et un développement de la recherche. Le paludisme est la maladie infectieuse la plus grave et la plus meurtrière à l'échelle mondiale. Mais cette maladie touche des régions pauvres du monde et les populations des pays industrialisés ont du mal à s'identifier aux Africains qui en sont victimes tous les jours. La tuberculose est encore considérée comme une maladie honteuse, une maladie de l'indigence, de la grande promiscuité et de l'insalubrité. C'est encore plus vrai pour la lèpre qui est une maladie épouvantable qui mutile, défigure et ostracise. Quant à la maladie de Lyme qui diminue, handicape et fait souffrir des millions de personnes, c'est encore une maladie que l'on ne veut pas voir. Or, pour ces quatre maladies, la science et la médecine pourraient faire beaucoup mieux et sans dépenser des sommes astronomiques comme pour d'autres affections. Le plus révoltant est que l'Organisation mondiale de la santé offre le traitement curatif à tous les lépreux, mais ils ne le savent pas le plus souvent.

Du côté des maladies génétiques, le cas de la drépanocytose est révoltant. Il est à rapprocher du cas de maladies infectieuses et non génétiques comme le paludisme et la lèpre. L'obésité génétiquement déterminée est une maladie complexe pour laquelle la recherche pourrait sans doute faire beaucoup mieux. Le diabète de type 2 est fortement lié à cette maladie.

À côté des maladies connues comme infectieuses ou génétiques, il y a toute une kyrielle d'affections chroniques et invalidantes qui frappent et font souffrir des milliers de personnes en silence. Parmi elles, l'endométriose est dramatique. Elle est facteur de souffrances cataméniales parfois violentes et d'infertilité. Mais elle a le tort de n'atteindre que les femmes qui sont pourtant des millions à en être atteintes. La sclérose en plaques, particulièrement dans sa forme évolutive, touche des personnes jeunes et dans trois quarts des cas des femmes. On perçoit avec le cas de l'endométriose et celui de la sclérose en plaques que les femmes n'ont pas les mêmes chances que les hommes. C'est encore le cas de maladies invalidantes comme la polyarthrite rhumatoïde, l'anxiété chronique, la dépression, l'insomnie et la migraine. C'est toujours le cas avec l'ostéoporose qui touche beaucoup plus souvent la femme que l'homme. Il y a une inégalité de prise en compte entre les maladies touchant plus les hommes que les femmes et celles touchant plus les femmes que les hommes. On a appris aux femmes qu'elles devaient souffrir en silence, qu'il était "normal" de souffrir pendant les règles, ce qui n'est pas la vérité. La méconnaissance de l'endométriose y compris par le corps médical est révoltante.

Comment expliquer que certaines causes bénéficient de davantage d'attention que d'autres ? Le public est-il plus sensible à certaines causes ou sont-elles plus facilement "médiatisables" que d'autres ?

Ces deux types de maladies – infection à VIH et maladies neuromusculaires invalidantes d'origine génétique - sont emblématiques parce que, d'un côté, il s'agit d'une maladie infectieuse liée à un virus bien identifié et largement étudié et que, de l'autre, il s'agit de maladies génétiques. C'est-à-dire que les causes de ces deux types de maladies sont bien connues, ce qui laisse à penser que la recherche devrait réussir à les maîtriser, en d'autres termes que ce ne serait qu'une question de moyens. D'où les élans de générosité des donateurs qui pensent que leur don ne sera pas vain puisque la cible de la recherche est bien identifiée. Dans un cas comme dans l'autre, tout un chacun peut se dire que le succès est à portée de la recherche, connaissant les victoires vis-à-vis de maladies infectieuses meurtrières et les progrès de la science en matière de maladies génétiques.

Le sida comme les maladies neuromusculaires invalidantes d'origine génétique touchent avant tout des personnes jeunes, ce qui favorise le phénomène d'identification d'une grande partie de la population et qui rend ces maladies moins acceptables que si elles frappaient des individus plus âgés. L'identification est également facilitée par le fait que les méthodes de prévention actuelles ne suscitent pas une adhésion pleine et enthousiaste. Pour l'infection à VIH, il s'agit du préservatif et de la fidélité. Pour les maladies neuromusculaires invalidantes d'origine génétique, il s'agit du conseil génétique. Beaucoup de personnes pensent que l'on peut faire beaucoup mieux en matière de prévention et attendent mieux de la recherche.

Quelles sont les causes pour lesquelles les dons et la recherche pourraient apporter une véritable avancée pour le bien-être des patients, ou une véritable avancée médicale ?

Au risque de se répéter, le paludisme pourrait régresser efficacement si l'on s'en donnait les moyens. Concernant l'obésité et le diabète de type 2 qui lui est associé, c'est une question de politique de santé et de politique agroalimentaire. Les aliments les moins coûteux sont plus gras et plus sucrés que les autres, donc beaucoup plus dangereux. La prévention de l'ostéoporose ne soulève pas beaucoup d'enthousiasme, car cette maladie touche les femmes âgées. Pourtant, on pourrait sans doute beaucoup progresser dans ce domaine. Il faut rappeler que l'ostéoporose est un facteur principal de fracture du col du fémur, elle-même facteur de handicap et de décès. L'anxiété chronique, la dépression, l'insomnie et la migraine pourraient elles aussi sans doute bénéficier de progrès scientifiques. Ce sont quatre maladies qui ne se voient pas, qui handicapent et isolent les personnes – souvent des femmes – qui en souffrent. Deux maladies en revanche, également surtout féminines, atteignent de façon visible des millions de personnes : la polyarthrite chronique et la sclérose en plaques.

Mais il y a une maladie chronique très invalidante et sournoise dont nous n'avons pas du tout parlé et qui est pourtant très fréquente : la maladie rénale chronique qui aboutit en quelques années à l'insuffisance rénale terminale conduisant inéluctablement à la dialyse à vie. Cette maladie très fréquente est encore beaucoup trop mal connue. Il y aurait beaucoup à faire aussi de ce côté. On le voit, le Téléthon et le Sidaction ne doivent pas nous faire oublier que des millions de personnes souffrent en silence d'autres maladies parfois tout aussi invalidantes et pour lesquelles la recherche aurait aussi beaucoup à progresser.

Données mondiales estimées et arrondies

Paludisme : 200 millions de malades, 700 000 décès par an

Drépanocytose : plus de 50 millions de personnes atteintes, plus de 300 000 nouveaux-nés chaque année

Données françaises estimées et arrondies

Anxiété chronique maladive : 8 millions de personnes atteintes

Insomnie chronique : 7 millions de personnes atteintes

Dépression : 6 millions de personnes atteintes

Addiction maladive à l'alcool : 3 millions de personnes atteintes

Maladie d'Alzheimer : 500 000 personnes atteintes, 100 000 nouveaux cas par an

Quatre maladies féminines ou à nette prédominance féminine

Endométriose : plus de 4 millions (femmes)

Ostéoporose : plus de 3 millions de femmes

Polyarthrite rhumatoïde : 300 000 personnes atteintes (majorité de femmes)

Sclérose en plaques : 100 000 personnes atteintes

Maladie rénale chronique : 7 millions de personnes atteintes

Asthme bronchique : 5 millions de personnes atteintes

Maladie de Lyme : plus de 100 000 nouveaux cas par an

Epilepsie chronique : 400 000 personnes atteintes

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