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Les vraies raisons pour lesquelles le Parti socialiste a disqualifié Gérard Filoche de la compétition
©capture LCI

L’édito de Jean-Marc Sylvestre

Le Parti socialiste, si prompt à faire la morale à tout le monde, a eu du mal à disqualifier Gérard Filoche qui a pourtant eu dans la passé des propos immondes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Gérard Filoche a un talent particulier: celui d’être détesté par la majorité des cadres du Parti socialiste, d’avoir tout fait pour être infréquentable, mais il a, paradoxalement, toujours réussi à se maintenir sous les projecteurs. Jusqu'à aujourd’hui, que le PS s’est enfin résolu à l’exclure... Alors pourquoi ?

Gérard Filoche était candidat au premier tour de la primaire socialiste. Il a fait acte de candidature en temps et en heure voulus, il a obtenu les signatures des élus en nombre suffisant, etc. Son dossier, comme celui de tous les autres, a donc été examiné en dernier ressort par la Commission éthique du Parti socialiste, qui devait dire si les candidats à la primaire sont moralement acceptables.

Le cas de Gérard Filoche est celui qui leur a posé le plus de problèmes. Ses propos de tribun d’extrême gauche n’étaient pas en cause. Son hyperactivité dans les medias agace beaucoup mais, a priori, ne présentait pas de cause d’annulation. Gérard Filoche est souvent en bordure de la ligne jaune, mais il a toujours réussi à échapper aux sanctions. Toujours ou presque.

Le jour de l’accident de car dans le Midi, le 13 juillet 2015, qui avait fait quarante-trois victimes dont des enfants, Gérard Filoche s’était permis de s’interroger publiquement sur l’origine et le statut de l’autocar. "N’était-ce pas un car Macron ?", et d’ajouter que les cars Macron étaient dangereux. Ce qui n’avait strictement rien à voir et ce qui, soit dit en passant, est assez immonde de considérer que la loi Macron était responsable désormais de tous les accidents du travail. Au minimum, pas très élégant comme l’a simplement remarqué certains syndicalistes, mais le Parti socialiste lui n’a pas officiellement relevé. Après tout, si Filoche peut taper sur Macron, personne ne s’en plaindrait dans le parti.

Faut dire que déjà, Macron n’était pas défendu par la majorité des élus du PS. On a donc passé l éponge.

En octobre 2014, en revanche, quelques heures après la mort de Christophe de Margerie, le PDG de Total, dans un accident d’avion à Moscou dont les origines n'ont jamais ete élucidées, ce jour-là donc, Gérard Filoche s’était permis un tweet disant : "De Margerie est mort, la famille Taittinger en deuil, les grands féodaux sont touchés, ils sont fragiles. Le successeur nous volerait il moins ?" Et comme si ça ne suffisait pas, il a posté un second tweet qui disait : "rendre hommage à l’homme, oui ! mais au suceur de sang, NON !"

Le jours des obsèques, beaucoup de cadres du PS s’étonnent et s’offusquent d’une "telle saloperie", au point d’intervenir au Parlement. Trop c’est trop. Manuel Valls intervient pour dénoncer "ces propos insoutenables, son auteur ne mérite pas d’appartenir à la grande famille politique qui est la sienne". Manuel Valls demande l’exclusion. Le 12 octobre 2016, jour anniversaire de la mort de Margerie, quelques députés s’interrogent sur les suites qui ont été données à l'encontre de Filoche. "Il en va de l’honneur du Parti socialiste", dit l’un.

En fait, le propos de Valls est resté lettre morte. La seule réponse est venue de Christophe Cambadélis : "Il n’a toujours pas ete sanctionné par la Commission éthique du Parti socialiste, mais la sanction viendra, elle sera très simple. Monsieur Filoche n'obtiendra pas le nombre de soutiens nécessaires pour être candidat à la primaire de la gauche." Faut dire aussi qu'entre Cambadélis et Filoche, ça n'était pas l’amour fou depuis toujours. Depuis qu’ils militaient ensemble dans les mouvement trotskistes, après 1968.

La bonne affaire. Gérard Filoche a présenté le nombre de soutiens nécessaires; restait la Commission éthique, qui a rendu son verdict samedi après-midi et qui devait vérifier deux choses: d’abord, contrôler si le nombre des soutiens est suffisant; ensuite savoir si la qualité des soutiens est irréprochable. 

La Commission éthique est souveraine pour dire, si oui ou non, Gérard Filoche est éligible ...

Au dernier moment, les pressions se sont donc multipliées pour que la Commission éthique refuse Filoche et l’exclut de la compétition. Ce qu’elle a fait en dissuadant certains parrains de continuer à le soutenir.

Du coup, le PS a pu l’écarter faute de soutiens, ce qui l’exonère à justifier sa décision par un jugement moral.  

Depuis que Gérard Filoche s’etait engagé en politique, il semblait intouchable. Les uns confessaient que ses propos, si excessifs soient-ils, s’inscrivent toujours dans une logique de lutte des classes, et la lutte des classes bien marxiste est encore dans les gènes du Parti socialiste. Les autres n’étaient pas loin de penser que Filoche bénéficiait de protections par son appartenance à des syndicats professionnels très engagés ou à des confréries très fermées mais influentes.

Pour la première fois, le Parti socialiste s’inflige à lui même des règles morales qu’il a toujours rappelées aux autres. Mais ça peut aller très loin: tout dépend de la définition, puis de l’application des règles éthiques.

Le cas Filoche ne prête pas à discussion, il devait être disqualifié. Mais que fera-t-on avec le candidat qui ne s’est pas mis à jour de ses cotisations ? Que peut -on faire avec les candidats qui mentent avec la réalité, qui travestissent les faits et les chiffres et même ... allons au bout de la cohérence ?

Un candidat a-t-il le droit de présenter un programme, avec des promesses irréalisables, ou même des promesses qui vont à l’envers de ce qu’il a pratiqué précédemment ?

Quand Manuel Valls en vient à proposer la suppression du 49.3, alors que lui même l’a utilisé sept à huit fois pour faire passer des textes, est-ce crédible ?  Est-ce plausible ? La réponse est non !

Mais est-ce qu’un tel reniement de son ADN politique, qui est aussi un marqueur de son identité, est moral ou parfaitement éthique ? Certainement pas !

C’est même aussi grave, sinon plus que quand Fillon revient sur une promesse d’assainissement parce qu’il se fait conspuer par des gens qui n’ont, sans doute, même pas voté pour lui. 

La Commission éthique s’est réunie. Il n’était pas prévu qu'elle examine la virginité morale des autres candidats. 

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