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Le vote des uns et des autres, estiment certains chercheurs anglo-saxons, pourrait dépendre des souvenirs forgés à l'adolescence, rapporte le New York Times.
Le vote des uns et des autres, estiment certains chercheurs anglo-saxons, pourrait dépendre des souvenirs forgés à l'adolescence, rapporte le New York Times.
©FRÉDÉRIC FLORIN / AFP

Orientation politique

Le vote des uns et des autres, estiment certains chercheurs anglo-saxons, pourrait dépendre des souvenirs forgés à l'adolescence, rapporte le New York Times.

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l'Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.

 

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Atlantico : Le vote des uns et des autres, estiment certains chercheurs anglo-saxons, pourrait dépendre des souvenirs forgés à l'adolescence, rapporte le New York Times. Dans quelle mesure l'enfance et l'adolescence peuvent-elles constituer des périodes cruciales quant à la création de son identité politique ? Est-ce effectivement le fait, selon vous, du contexte alors observé ?

Raul Magni-Berton : L'adolescence est une période très importante pour beaucoup de choses, mais aussi pour les idées politiques. En général, lorsqu'on commence à apprendre quelque chose, chaque information qu'on reçoit, chaque discussion qu'on fait, nous apporte beaucoup. Au fur et à mesure que nos idées se stabilisent, toute nouvelle information a un impact de plus en plus marginal sur notre façon de voir le monde. C'est pourquoi le début est important. Jusqu'ici, il y a un certain consensus. Cela porte même un nom assez générique: la "socialisation", qui fait que la famille, les amis, les lectures et les événements de notre adolescence forgent ce que l'on croit aujourd'hui. L'article auquel vous vous référez soutient quelque chose de plus original que cela, mais aussi moins bien prouvé: que l'un des éléments qui influence nos opinions est qui gouvernait à l'époque de notre jeunesse et comment il a gouverné. Ainsi, par exemple, ceux qui étaient ado à la fin des années 1990 ont vu Jospin gouverner avec une belle popularité. Aujourd'hui, à 40 ans, ils devraient voter gaiement pour Hidalgo. Cet exemple montre aussi que cette théorie n'est pas très stricte. 

Généralement, c'est l'éducation et la socialisation qui sont rendues responsables de la politisation des représentants d'une génération. Quelle différence, exactement, avec l'idée que ce sont en fait les souvenirs de l'adolescence qui contribuent à cette "prise de conscience" ?

Dans l'idée traditionnelle, la politisation se fait par l'apprentissage. Il y a, bien sûr, dans cet apprentissage, une dose d'affectivité.  Une atmosphère lors d'évènements, de manifestations, peut produire sur nous une identification ou une sympathie pour un groupe, et pas pour un autre. Ce ne sont pas seulement des souvenirs, mais plus généralement une marque que les bons moments et les mauvais moments ont laissé sur nous. Jusqu'ici c'est du grand classique. L'originalité de l'étude est que cette affectivité est influencée par le gouvernement lui-même. Passer son adolescence sous Sarkozy ou Hollande, marque à jamais nos attitudes. 

Est-il vraiment judicieux d'opposer souvenirs, éducation et socialisation ? Du reste, quelles sont, selon vous, les limites d'une telle analyse ?

Oui, c'est judicieux de distinguer les choses. Pour autant, je dirais que la principale limite de cette analyse est la suivante. Imaginer que le souvenir des personnes qui gouvernent influencent nos opinions politiques n'est pas invraisemblable. Après tout, un grand nombre de choses que nous avons vécu a influencé nos opinions. Ce qui est plus difficile à dire est l'importance de ce souvenir spécifique sur nos opinions. Autrement dit, au milieu de l'affection ou l'aversion que produisent les souvenirs de nos camarades de classes, nos parents et notre famille, les amis de nos parents, les enseignants, les fêtes et evénements politiques, les grands événements politiques du monde, quelle est l'importance des souvenir qui portent sur le gouvernement du pays? Ce n'est pas flagrant que le souvenir de cet aspect particulier de notre vie soit particulièrement structurant. 

Dans quelle mesure de tels éléments pourraient favoriser la compréhension, par les élus ou ceux qui souhaitent se faire élire, de la sociologie du vote des jeunes générations actuelles, assez désintéressées par la politique "politicienne" actuellement ? Pourrait-on s'en servir pour les ramener au vote ? 

L'une des morales de cette recherche est que les politiciens devraient s'appliquer à bien gouverner non seulement pour gagner les prochaines élections, mais aussi pour gagner de souvenir favorables de tous les adolescents qui ont vécu ce moment, afin qu'ils votent pendant longtemps pour leur parti. Cette morale, pour autant, n'est pas nouvelle. Après tout, si les gouvernement successifs avaient été plus réactifs aux demandes des populations, plus inclusifs dans leur prise de décisions, plus conscient des réformes à faire pour que les citoyens aient plus d'influence sur les décisions qui influencent leur vie, il n'y a aucun doute que les partis politiques et les politiciens n'auraient pas la mauvaise réputation qu'ils ont actuellement, et qui conduit à un niveau d'abstention important. Les souvenirs ne sont de toute façon pas les seules choses qui devraient pousser nos gouvernements à bien gouverner. Mais, hélas, il y a aussi d'autres facteurs qui les poussent à mal gouverner, et le tout donne ce que l'on voit aujourd'hui. 

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