Vote Le Pen : le cordon sanitaire est-il finalement devenu un danger démocratique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen lors de son discours au Pavillon d'Armenonville à Paris, le 24 avril 2022
Marine Le Pen lors de son discours au Pavillon d'Armenonville à Paris, le 24 avril 2022
©THOMAS SAMSON / AFP

Danger démocratique ?

Que le RN ait incontestablement un passé et un passif politique qui lui donnent une position marginale dans le champ de la représentation républicaine justifie-t-il encore que le vote des électeurs de la France dite périphérique soient traité comme un danger pour la République interdisant toute alliance ?

Maxime  Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Que le RN ait un fort passif politique, qui lui donne une position marginale dans le champ de la représentation républicaine, justifie-t-il encore que le vote des électeurs de la France, dite périphérique, soit traité comme un danger pour la République et que ces votants soient considérés comme parias ?

Maxime Tandonnet : On est là face à toute l’ambiguïté d’un mode de fonctionnement du système politique. C’est vrai que les clivages sociologiques ont beaucoup joué dans ce vote. En gros les catégories socio-professionnelles aisées et les retraités ont fortement voté E. Macron considéré comme leur protecteur. Les milieux populaires et en âge d’être actifs se sont plutôt portés vers M. le Pen comme symbole de rejet. Pour autant, le vote le Pen a été fortement conditionné depuis des décennies par le système médiatique et politique. Selon une étude dite Arcadie sur le temps de parole des parlementaires, l’exposition médiatique Mme le Pen entre 2018 à 2020 a écrasé de manière caricaturale tous les autres responsables politiques (trois fois plus que Le leader socialiste Olivier Faure !). On est dans une logique de manipulation : surexposer à outrance Mme le Pen tout en lui conservant un fond de diabolisation lié à l’identité et l’histoire de son parti. Ainsi, le vote populaire est fortement incité, par le matraquage quotidien, à se tourner vers la figure de Mme le Pen. On en arrive dès lors très facilement à disqualifier ce vote populaire, présenté non comme populaire, mais populiste ou extrémiste, puisque lepéniste. En gros, on pousse le peuple à voter le Pen pour mieux disqualifier son vote ensuite. Ce qui permet d’assurer sans difficulté la réélection du favori des milieux bourgeois et conservateurs. 

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Le cordon sanitaire que dressent les partis politiques autour du RN et qui empêche toute possibilité d’alliance a-t-il encore un sens aujourd’hui ? Le danger démocratique ne vient-il pas plus, actuellement, de cette posture que de la possible élection de candidats RN aux législatives ?

La démocratie ou le suffrage universel comme disait Churchill est évidemment le pire des systèmes à l’exception de tous les autres, ce qui revient à dire, le meilleur. Mais à la condition d’être honnête, de respecter les règles d’équité entre les candidats et de ne pas faire l’objet de manipulations systématiques. N’oublions pas que dans l’histoire du XXème siècle, nombre de régimes totalitaires ont été instaurés à l’issue d’élections au suffrage universel. Les élections en France ne se déroulent pas dans des conditions satisfaisantes sur le plan de l’équité entre les forces politiques et les candidats. Pendant 5 ans, de 2017 à 2022, les relais d’influence, experts, politistes, commentateurs, ont joué à fond le jeu de la dédiabolisation d’une Marine le Pen passionnée de ses chats. A son sujet, presque plus personne dans la classe politique ou les médias n’utilisait la formule maudite « extrême droite ». Il s’est même trouvé un ministre pour la juger « molle »… Objectif : s’assurer à coup sûr, avant le premier tour, par la normalisation de Mme le Pen, la reproduction du duel de second tour Macron/le Pen, assurance absolue de la réélection de l’actuel président. Puis, après ce résultat obtenu, la diabolisation à outrance est revenue aussi vite que l’éclair avant le second tour : extrême droite fasciste, raciste, etc. Par ce tour de prestidigitation en deux temps, la réélection de M. Macron à une écrasante majorité s’est imposée comme une évidence… Non par adhésion, mais comme rempart contre « l’extrême droite ». Bien sûr que le même processus va jouer aux législatives afin d’assurer la mainmise complète d’une équipe sur tous les rouages de l’Etat. Et peut être même aux présidentielles de 2027, puisque Mme le Pen ne semble pas décider à raccrocher... Ce ne sera alors, en 2027, que le neuvième échec d’un membre de la famille le Pen. 


Le coût social très fort qui consiste à s'afficher électeur mais surtout candidat RN dans des élections locales n’a-t-il pas tendance à produire une moindre qualité de la représentation politique et à entretenir un phénomène négatif ?

Bien d’accord. Le matraquage médiatique que je viens de décrire – qui est une évidence pour tout observateur de bonne foi – est absolument attentatoire à toutes les valeurs de démocratie et de la République. Par la sublimation d’un personnage proclamé le défenseur attitré des milieux populaires tout en préservant sa diabolisation intrinsèque – prête à ressortir à tout moment opportun – le système politico-médiatique discrédite le vote de toute une partie du pays. On est dans la logique même, non dite, de « la vile multitude » dont parlait Thiers en 1850 et qu’il fallait faire taire à tout prix car dangereuse pour la préservation de l’ordre bourgeois de l’époque. Mais les partis traditionnellement défenseurs des milieux populaires, l’ex-parti gaulliste comme le parti socialiste, tous les deux en plein effondrement, ont aussi une part de responsabilité considérable. En s’alignant sur l’idéologie dominante, les dogmes post frontières, communautaristes et le culte de l’argent roi, le renoncement aux valeurs de solidarité nationale - dont l’occupant de l’Elysée est la figure emblématique - , ils ont donné à la France populaire et travailleuse le sentiment de l’abandonner, ouvrant la voie à la confiscation mortifère du débat entre macronisme et lepénisme.  

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