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L'étrange guerre de la mairie de Paris contre les voitures
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Berges barges

La municipalité de Paris souhaite poursuivre la piétonisation des voies sur berges. Et cela malgré la lettre du Premier ministre, François Fillon informant que l'Etat s'opposerait au réaménagement des quais rive gauche.

Pascal Salin

Pascal Salin

Pascal Salin est Professeur émérite à l'Université Paris - Dauphine. Il est docteur et agrégé de sciences économiques, licencié de sociologie et lauréat de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.

Ses ouvrages les plus récents sont  La tyrannie fiscale (2014), Concurrence et liberté des échanges (2014), Competition, Coordination and Diversity – From the Firm to Economic Integration (Edward Elgar, 2015).

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Le premier ministre, François Fillon, a fort heureusement suspendu les études et travaux relatifs à la transformation d'une partie de la voie sur berge de la rive gauche de Paris. Comme on le sait, la municipalité souhaite supprimer la circulation automobile sur une portion de cette voie et installer un "espace ludique" composé d'un escalier monumental, d'îles flottantes et de diverses installations destinées aux piétons.

Il est clair que ce projet relève purement et simplement d'une approche idéologique destinée à faire plaisir aux écologistes membres de la majorité municipale. Ceux-ci vouent une véritable haine à la voiture, tout au moins à la voiture privée, sans doute parce qu'elle est signe d'individualisme, contrairement à ce qu'ils chérissent, les transports collectifs. Bien entendu, une apparence de rationalité est donnée à cet ensemble de sentiments vagues par référence au mot d'ordre à la mode : "sauver la planète". En rendant la circulation des voitures plus difficile, on découragerait un certain nombre de conducteurs d'utiliser leur véhicule privé et on réduirait donc la pollution atmosphérique.

Mais si l'on veut rationaliser les décisions – ce qui est évidemment souhaitable – il convient d'en faire une analyse économique rigoureuse, c'est-à-dire une analyse tenant compte des besoins de ceux qui sont concernés. Ces besoins étant complexes et divers, il n'est pas suffisant de se rallier au mot d'ordre "guerre aux voitures". Mais il est une caractéristique commune à tous les individus, à savoir qu'ils disposent d'un bien rare par excellence, le temps.

Et le souci de chacun consiste à utiliser au mieux le temps disponible, par exemple pour se distraire ou pour circuler afin de se rendre vers des activités de travail ou de loisir. C'est précisément parce que le temps est rare que la voiture a été inventée. Elle est, de ce point de vue, un extraordinaire instrument de maîtrise du temps, mais aussi un instrument de liberté, permettant à chacun de se rendre le plus facilement possible d'un point à un autre. Vouloir créer des obstacles à la circulation automobile par rapport à ce qui existe (la voie sur berge), c'est donc empêcher un nombre considérable d'individus de satisfaire au mieux leurs besoins.

Précisément parce que les besoins de chacun sont divers, on peut souligner que les milliers d'automobilistes qui utilisent chaque jour la voie sur berge bénéficient aussi du grand plaisir de contempler un merveilleux paysage urbain. Pourquoi les en priver afin de le réserver aux quelques individus (ou même aux quelques bandes…) qui fréquenteraient ces lieux ?

Ceci serait d'autant plus absurde qu'il serait évidemment possible de trouver des solutions techniques pour pouvoir, à la fois, préserver l'espace de circulation des véhicules et pour bâtir en terrasse au-dessus des voitures, ou sur la Seine, les fameux espaces ludiques. Mais, précisément, si la Mairie de Paris n'a pas voulu chercher une solution susceptible de satisfaire aussi bien les uns que les autres, c'est bien évidemment parce que son souci primordial n'est pas d'offrir aux parisiens un nouvel "espace ludique", mais parce qu'elle veut surtout punir les méchants automobilistes et qu'il fallait bien trouver un prétexte pour cela.

Or, ceci est d'autant plus absurde qu'il y a fort à parier que la suppression d'une partie de la voie sur berge ne réduirait en rien le niveau de pollution atmosphérique, bien au contraire. En effet, parce que l'usage d'une automobile privée apporte des gains très appréciés (gain de temps, adaptabilité des parcours aux besoins), il est très probable que peu d'automobilistes renonceraient à utiliser leur véhicule du fait de la suppression d'une portion de voie sur berge. Ils seraient donc obligés de supporter le gaspillage de leur précieux temps, qui leur serait ainsi imposé, en se reportant sur d'autres voies. Mais ces dernières seraient évidemment encombrées et il est très probable que la suppression de la voie sur berge se traduirait par d'importants embouteillages sur une grande partie de la rive gauche de Paris (comme on peut d'ailleurs le constater les jours où la voie sur berge est fermée à la circulation).

Or, ces embouteillages sont évidemment une grande source de pollution. Et si l'on veut vraiment lutter contre la pollution il y a bien d'autres méthodes, plus efficaces et moins nuisibles. C'est dire que le projet de la mairie de Paris aurait essentiellement des conséquences négatives, en-dehors de la satisfaction éventuelle des quelques oisifs qui fréquenteraient l'espace ludique. Il faut donc souhaiter qu'il soit non seulement suspendu, mais annulé définitivement.

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