Voilà pourquoi le déclin démographique chinois est un défi pour la planète entière <!-- --> | Atlantico.fr
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Cette photographie de mai 2018 montre une membre du personnel soignant qui s'occupe de nouveau-nés dans un centre médical à Shanghai.
Cette photographie de mai 2018 montre une membre du personnel soignant qui s'occupe de nouveau-nés dans un centre médical à Shanghai.
©AFP

Mutation de la Chine

La Chine connaît un ralentissement de sa croissance démographique. Le pays, véritable usine du monde, va muter et transformer son économie pour s’adapter à ce changement démographique.

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën est professeur émérite d'économie à l'Université PSL-Dauphine. Il est spécialiste d’économie internationale et a publié de nombreux ouvrages et articles sur la mondialisation. Il est également l'auteur d'un récit romancé (en trois tomes) autour de l'économiste J.M. Keynes : "Mr Keynes et les extravagants". Site : www.jean-marcsiroen.dauphine.fr

 

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Atlantico : Après des décennies de croissance démographique, l’Empire du milieu connaît un ralentissement à ce propos. L’économie du pays ne va pas s’effondrer, mais continuer à se développer fortement et les revenus vont eux aussi continuer à grimper. Le pays va cependant muter et transformer son économie pour s’adapter à ce changement démographique. En tant qu’usine du monde, comment la mutation de la Chine va-t-elle influer sur les économies de ses partenaires économiques ?

Jean-Marc Siroën : La croissance démographique se ralentit mais le taux de croissance de la population reste positif. La Chine avait connu un « super » baby-boom dans les années 1960 avec un taux de fécondité dépassant 6. Il est de 1,7 aujourd’hui. Avant même le ralentissement démographique, c’est le vieillissement de la population qui va donc poser un problème. La part des plus de 64 ans était de 10 % en 2000. Elle est de 17 % aujourd’hui et sera de 25 % en 2030. La structure démographique chinoise a ainsi une vingtaine d’années de retard sur celle des pays industriels. Elle change de niveau et se confrontera à des populations croissantes et plus jeunes, tout particulièrement en Afrique.

La croissance chinoise était fondée sur une population active abondante, bon marché prête à rejoindre les grands pôles industriels de la côte Pacifique avec des effets en chaîne : construction de logements, émergence d’une classe moyenne consommatrice, développement d’infrastructures notamment dans les transports, l’éducation, la santé. Ce modèle adapté à la démographie d’un pays post baby-boom, et finalement pas si différent que cela de nos « trente glorieuses », trouve aujourd’hui ses limites.

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La Chine ne cesse d’évoquer la nécessité de faire évoluer son modèle en l’orientant vers des secteurs plus en amont regardant davantage vers les industries d’avenir que vers celles du passé avec plus de « design » que d’assemblage et plus d’ingénieurs que de petites mains. Le plan « Made in China » défini en 2015 vise ainsi les secteurs de l'énergie décarbonée (alors que le pays reste très carboné !), de la robotique ou des technologies de l'information. La Chine ne serait plus, elle ne l’est déjà plus, la terre d’avenir des délocalisations dans les industries de main-d’œuvre. Elle cherchera à étendre sa domination dans certaines industries d’avenir au-delà même des panneaux solaires, des batteries électriques et des réseaux de communication qui demandent moins de main-d’œuvre et plus de savoir, de recherche et de connaissance.

Si la Chine a joué avec succès de sa complémentarité avec l’industrie des vieux pays industriels en s’intégrant là où elle avait les moyens d’être à l’intérieur de la chaîne mondiale de valeur, demain c’est une logique de déconnexion qui risque de prévaloir ce qui impliquera une rivalité plus forte entre les pays en mesure de s’affirmer dans les industries d’avenir : les États-Unis, l’Europe, quelques pays « émergents ».

Le rôle de la Chine dans l’économie mondiale va-t-il passer du statut d’exportateur de déflation à celui d’inflationniste à l’avenir ?

Le défi n’est pas seulement sectoriel mais aussi macroéconomique. Les bas salaires chinois ont jusqu’à maintenant contribué à peser sur les salaires des pays industriels et sur le prix des biens importés (textile, habillement, jouets, outillage, etc.) ce qui a contribué à faire oublier le risque d’inflation même en période d’explosion de la masse monétaire. Cette pression devrait se relâcher même si d’autres pays à bas salaires en Asie du Sud ou en Afrique, pourraient prendre le relais.

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On ne doit pas non plus oublier la colossale épargne des ménages chinois accumulée par les « boomers ». Celle-ci a non seulement permis de financer l’économie du pays (et la formation de l’enfant unique) mais aussi les économies étrangères et, tout particulièrement, les déficits publics des États-Unis. Les ménages chinois ont ainsi contribué à maintenir les taux d’intérêt à un niveau bas, sans même qu’ils s’en doutent (mais le gouvernement chinois, lui, le sait). L’épargne étant liée à la structure démographique, il faut donc aussi s’attendre à des évolutions de ce côté-là qui influeront sur la finance mondiale.

En souhaitant prendre une place plus importante dans le leadership économique mondial, une démographie faible fait-elle partie de l’accord ? N’est-ce donc pas une force plutôt qu’une faiblesse à l’avenir ?

Une population vieillissante et, à terme déclinante, est généralement considérée comme un facteur de déclin. Le Japon, premier pays industriel à connaître un ralentissement démographique, est aussi le premier à s’être effacé comme puissance économique. Certes, le vieillissement peut inciter à davantage de productivité et d’innovations, intensifiant encore la rivalité avec les autres puissances. C’est un pari qui n’est pas gagné d’avance.

La politique nationaliste, voire expansionniste, de Xi Jinping a d’ailleurs rendu la stratégie chinoise encore plus indéchiffrable qu’avant. Si le « Made in China 2025 », qui a tant effrayé Donald Trump, est un genre de plan qu’aurait pu adopter n’importe quel pays (on pourrait regretter que l’Union Européenne ne l’ait pas fait) on est davantage perplexe sur la finalité des « routes de la soie » qui visent à favoriser le transport ferroviaire et maritime entre la Chine et la partie occidentale du continent eurasiatique. En quoi est-ce une réponse aux problèmes démographiques que la Chine devra affronter dans quelques années ?

Les grands projets militaro-économico-industriels de l’URSS ont tellement épuisé le pays qu’il a fini par sombrer. Certes, l’histoire ne se répète pas et se contente de bégayer, mais les projets pharaoniques finissent mal, en général, surtout quand ils reposent sur une population vieillissante.

Jean-Marc Siroën a publié "Mr Keynes et les extravagants Tome 1. Les secrets de Bloomsbury" et "Mr Keynes et les extravagants Tome 2. Cambridge la Rouge" aux éditions Librinova. 

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