Guerre en Ukraine
Voilà pourquoi la probabilité d’une révolution populaire est très faible en Russie malgré les erreurs de Poutine en Ukraine
Malgré les conséquences fâcheuses de la guerre en Ukraine sur la société russe, un soulèvement populaire demeure très improbable en Russie
Atlantico : Alors que l'Ukraine semble avoir lancé une contre-offensive dont l'issue reste incertaine, de plus en plus de voix commencent à exprimer leur mécontentement en Russie. Pensez-vous qu'un "soulèvement populaire" soit possible au sein de la société russe ?
Viatcheslav Avioutskii : Il est très peu probable qu'un tel soulèvement se produise, en raison de plusieurs facteurs, qu'ils soient économiques, historiques ou culturels.
Sur le plan politique, il n'y a plus d'opposition politique libérale pro-occidentale en Russie. De nombreux leaders ont fui à l'étranger ou ont été emprisonnés. À l'heure actuelle, il n'y a personne pour organiser un tel soulèvement. En effet, un changement de régime par le biais d'une révolution populaire nécessiterait une opposition structurée. Sans cela, un semblant de soulèvement pourrait se transformer en guerre civile, ce qui est fortement redouté en Occident, étant donné les risques qu'un pays détenteur de l'arme nucléaire s'engage dans un conflit interne.
Il faut également noter qu'une grande partie de la population russe est très passive et désintéressée par la politique et la guerre en Ukraine. Les Russes, qui ont besoin d'un leader pour s'organiser, ont choisi de vivre comme si de rien n'était. Je ne vois pas des millions de personnes descendre dans les rues. Lorsque le décret controversé sur la diffamation des actions de l'armée a été publié, seulement environ 20 000 personnes sont sorties dans les rues, et l'opposition a rapidement été réprimée.
Enfin, il convient de souligner que Poutine est à l'opposé de Gorbatchev et de sa politique de Perestroïka. Alors que la Russie s'est progressivement ouverte, Poutine tente de mettre en place le processus inverse. Cependant, ce que les Russes ont du mal à comprendre, c'est que la richesse que nous connaissons en Occident découle de notre liberté. La liberté de pensée, d’entreprendre, de concurrence…
Si le peuple ne peut renverser Vladimir Poutine, est-il envisageable qu'un coup d'État émanant des "Siloviks", c'est-à-dire des représentants de l'État, tels que les services de renseignement ou les forces de l'ordre, se produise ?
Si l'on regarde l'histoire russe, en particulier à partir du XIVe siècle, on distingue deux types d'événements. D'une part, des soulèvements populaires marqués par une grande violence et un début de guerre civile réelle. Par exemple, le Temps des Troubles, au début XVIIe siècle, reste ancré dans la mémoire russe.
D'autre part, il y a eu des coups d'État plus ou moins pacifiques tout au long de l'histoire. Le plus récent est le renversement de Nikita Khrouchtchev en 1964, qui a été rendu possible par une division au sein de l'élite. Le rapport de force a penché en faveur de ceux qui ont renversé Khrouchtchev. Cette expérience est la plus proche d'un changement de pouvoir pacifique. Or, je ne vois pas aujourd'hui beaucoup de divisions au sein de l'élite russe. Nous sommes en période de guerre, avec un patriotisme poussé à l'extrême et de nos jours, les élites russes sont très solidaires autour de Poutine. Ce dernier fait tout son possible pour éviter une mobilisation et préserver la cohésion de la population. Cependant, il ne serait renversé que si la Russie perdait rapidement et de manière humiliante la guerre.
Actuellement, qui serait le meilleur candidat pour succéder à Poutine ? Est-il possible que la Russie change réellement de nature et devienne plus démocratique, indépendamment de la personne au pouvoir ?
À l'heure actuelle, je ne vois absolument pas qui pourrait prendre le pouvoir après le départ de Vladimir Poutine. Ce qui est sûr, c'est qu'à l'âge de 70 ans, il peut espérer rester au pouvoir encore quelques années. Lorsque son départ surviendra, en cas de soulèvement populaire, la personne qui accédera à la tête de la Fédération de Russie sera obligée de modifier le fonctionnement du pouvoir pour conserver les frontières héritées de l'Union soviétique en 1991. Je pense qu'il faut éviter un scénario catastrophe, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle Emmanuel Macron parle de ne pas « humilier » la Russie. Si la Russie souhaite préserver son fonctionnement et prospérer, elle doit s'insérer dans l'économie mondiale, en particulier dans le segment occidental, tout en tenant compte des intérêts de l'Ukraine et en reconnaissant les frontières telles qu'elles étaient avant 2014.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !