Vœux présidentiels : la marche en avant de la refondation<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron lors des voeux aux Français pour l'année 2023.
Emmanuel Macron lors des voeux aux Français pour l'année 2023.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Discours du chef de l'Etat pour 2023

Les vœux pour 2023 présentés par Emmanuel Macron aux Français lui ont permis de retrouver sa double dimension de chef de l’État : rassurant face aux crises immédiates, mais avec une vue prospective à long terme, la « refondation ».

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Nous avons eu hier soir, lorsque le Président a traditionnellement présenté ses vœux aux Français, deux discours au lieu d’un. Le premier d’entre eux, Emmanuel Macron l’a immédiatement placé sous le signe de la protection des Français, citant comme destinataires prioritaires de ses vœux les forces de sécurité intérieure et extérieure, les services de santé ou les agents qui assurent la continuité des services publics. 

Il a ensuite exposé sa vision de la situation actuelle, c’est-à-dire d’un ensemble de crises qu’il a présentées comme découlant toutes de l’attaque de l’Ukraine par la Russie : crise militaire sur le théâtre européen donc, avec menace nucléaire, mais aussi, comme ses conséquences, crise des réfugiés, crise énergétique, crise alimentaire, crise financière enfin avec l’inflation – il n’y a guère eu que la crise climatique, et encore, pour échapper à la responsabilité de Vladimir Poutine. 

Face à ces crises d’origine extérieure et imprévisibles, Emmanuel Macron s’est félicité que la réponse unie de la France et « de l’Europe » (entendre ici l’Union européenne) ait permis de maintenir la croissance, de contenir l’inflation, de diminuer le chômage et de réinvestir dans nos industries - en même temps que l’on mettait en place une meilleure défense de l’environnement. Et il a conclu, luttant ici contre cette idée du « grand déclassement » national qui s’impose dans le discours politique, que 2022 a par ailleurs été une année de rayonnement de la France - artistique, culturel ou sportif - dont nous devons être fier.

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Il reste cependant des inquiétudes pour les prochains jours, et le Président a tenté de les désamorcer : il n’y aura pas ou peu de coupures d’électricité, l’augmentation du prix de l’énergie sera mieux maîtrisée qu’ailleurs, et la nouvelle vague de Covid restera sous contrôle. Il a évoqué aussi ici, ce qui était plus étonnant, la question de la réforme des retraites, mais pour insister une nouvelle fois sur les moyens mis en place pour protéger les Français : la réforme en cours ne viserait selon lui qu’à « consolider les régimes actuels ».

En 2023, il faudra donc continuer, « consolider pas à pas notre indépendance énergétique, économique, sociale, industrielle, financière, stratégique » - et ce en lien bien évidemment avec une Union européenne qui est « le relais » et « le complément » de l’indépendance française. Mais, on sera un peu déçu des réalisations à venir : la reconstruction de Notre-Dame, la préparation des jeux olympiques et de la coupe du monde de rugby, ou les voitures électriques françaises. 

C’est qu’il faut dépasser ce seul horizon des prochains mois, et même celui de l’année 2023, ce qu’Emmanuel Macron a fait dans le second temps de son discours, celui dans lequel il a réinvesti la figure du chef de l’État de la Cinquième république, définissant les objectifs à long terme et laissant au gouvernement le soin de les mettre en œuvre. Après les six premiers mois qui ont suivi son élection, et l’examen des effets de la nouvelle composition de l’Assemblée nationale, le Président a présenté les éléments clés du programme qu’il entend faire appliquer pour le reste de son quinquennat, et qui tournent tous autour de la notion de « refondation ».

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Ce qu’Emmanuel Macron propose aux Français de « refonder », ce sont d’abord les services qui permettent d’assurer notre sécurité extérieure et intérieure - il a ainsi évoqué les défis géopolitiques et les conflits, mais aussi la lutte contre les trafics ou l’immigration illégale. Il s’agit ensuite de refonder notre mode de production, grâce à la « planification écologique », pour tout à la fois produire plus et mieux protéger l’environnement. Il s’agit encore de refonder l’ensemble des services publics - et Emmanuel Macron a rappelé que le Conseil national de la refondation, justement, œuvrait déjà en ce sens -, mais il a très largement insisté sur les secteurs de l’Éducation nationale et de la Santé. 

Mais il faudrait encore refonder rien moins que notre communauté nationale. Refonder avec une vraie justice sociale, par cette égalité entre hommes et femmes qui reste pour lui la grande cause de ses deux quinquennats, mais aussi par la lutte contre « le déterminisme familial, la trop faible mobilité sociale », en améliorant l’orientation scolaire, en ouvrant l’enseignement supérieur, comme en offrant de nouveaux emplois. Il faut encore refonder « une nation de confiance » autour de la laïcité et grâce à la lutte contre les discriminations - la mise en place du service national universel devant elle aussi améliorer cette cohésion nationale Cela s’accompagnera d’ailleurs de mesures de contrôle contre les ingérences extérieures, le Président ayant évoqué la protection des enfants comme celle de l’information « libre et indépendante ». 

Il faudra enfin refonder nos institutions : Emmanuel Macron a appelé « à bâtir un meilleur fonctionnement des pouvoirs et une association plus fréquente de nos concitoyens ». Les réformes institutionnelles prévues dès le début du premier quinquennat vont donc être remises en chantier.  

À tout cela, nous serions échapper : il s’agit de rien de moins que de notre destin. Notre génération, déclarait hier soir le Président, doit affronter un nouveau chapitre de son histoire, et ce dans une « rude époque », et nous serions, collectivement, « cette génération qui a la responsabilité de refonder la France et l’Europe pour les transmettre plus fortes, plus belles, plus justes à nos enfants ». On comprend dès lors que protéger cet « ordre libre et juste qui permet aux citoyens d’être heureux » suppose l’adhésion de tous, le refus de « l’esprit de défaite » comme des « corporatismes » pour retrouver l’union de la nation dans une même « ambition collective ». Notre mission à nous Français - si nous l’acceptons – sera de manifester cette ambition jour après jour « par notre travail et notre engagement », une anaphore qui court tout au long de la partie du discours sur la refondation.

On ne sait si Emmanuel Macron espère réellement faire l’unité des Français derrière lui en agitant d’un côté le spectre des crises et de l’autre la tâche exaltante de la reconstruction. D’une part, le temps des grandes peurs semble passé : les Français en ont compris l’usage, ne reste que la lassitude ou l’agacement. D’autre part, la refondation semblera sans doute n’être pour certains qu’une fuite en avant qui, au lieu de consolider « nombre des piliers de notre nation », les fragilise - quand elle ne les fait pas sauter. L’ambition collective ne se décrète pas, pas plus que l’engagement volontaire. On verra si en 2023 le Président saura les susciter.

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