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Le vrai fantôme de la Guerre froide n’est pas tant dans le harcèlement, la répression ou l’agacement bilatéral, et encore moins dans la situation en Biélorussie : ce sont les bombes nucléaires. Et la Russie possède des armes thermonucléaires...
Le vrai fantôme de la Guerre froide n’est pas tant dans le harcèlement, la répression ou l’agacement bilatéral, et encore moins dans la situation en Biélorussie : ce sont les bombes nucléaires. Et la Russie possède des armes thermonucléaires...
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THE DAILY BEAST

Derrière les rumeurs de drogues versées dans les verres des diplomates se cachent des affaires plus graves : par exemple, des tonnes de plutonium et une possible course à l’arme nucléaire. La nouvelle Guerre froide devient chaque jour plus glaciale entre la Russie et les États-Unis.

Anna Nemtsova

Anna Nemtsova

Anna Nemtsova est reporter pour The Daily Beast. Elle est basée à Moscou.

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The Daily Beast - Anna Nemtsova

MOSCOU – Dans les années 1990, nombre de visiteurs occidentaux et d’expatriés vivant à Saint-Pétersbourg rapportaient des histoires de boissons empoisonnées dans les bistrots de la ville. Cette magnifique métropole, célèbre pour l’élégance de son architecture du 18ème siècle, était devenue le Grand Ouest sauvage russe. Les bandits locaux se tiraient dessus dans les rues. Les expatriés qui travaillaient comme traducteurs, assistants d'hommes d’affaires occidentaux ou encore journalistes, comme moi-même, recevaient souvent des appels d’urgence de leurs amis étrangers appelant au secours à des heures indues.

"Quelqu’un m’a drogué !" criait l’étranger dans le combiné. C'était l'oeuvre d'une prostituée ou d'un compagnon de beuverie. Et la victime croyait être sur le point de mourir. La drogue était parfois exotique, mais il s'agissait le plus souvent de banals collyres versés dans la boisson, rarement suffisamment pour tuer quelqu’un, mais largement assez pour vous assommer et laisser le temps à une tentatrice ou un voleur d'extraire votre portefeuille de votre poche.

C’est donc avec une certaine ironie, voire même avec scepticisme, que les vétérans des correspondants en Russie ont accueilli l'enquête à sensation sur les diplomates américains drogués publiée par Radio Free Europe/Radio Liberty, radio financée par le Congrès américain.

Selon cette enquête, deux fonctionnaires d’Etat américains de rang subalterne, en visite à Saint-Pétersbourg pour une conférence l’an dernier, ont été drogués au bar d’un hôtel de luxe, qui n’est pas nommé. L’effet du poison a été si violent que l’un des visiteurs a dû être hospitalisé, selon les informations recueillies par RFE/RL auprès d’un fonctionnaire d’Etat américain. Quand la victime a été transférée dans une clinique indépendante, une coupure de courant aurait empêché les médecins de réaliser des prélèvements en vue d’analyses.

L’article resitue ces évènements dans un contexte général de harcèlement digne d’un film d'espionnage : les diplomates américains sont victimes d’une multiplication d’incidents surréalistes qui donnent la chair de poule. En ouvrant la porte de leur appartement de retour chez eux, ils découvrent régulièrement des robinets inexplicablement ouverts, une cigarette encore fumante, ou des excréments humains au sol.

En 2013 déjà, alors que les relations entre Moscou et Washington restaient relativement cordiales, l'inspecteur général du département d’Etat s’était plaint de "la pression accrue de la part des services de sécurité russes" subie par les fonctionnaires américains en Russie, "à un niveau inédit depuis la Guerre froide". Mais, à l’époque, Washington n’en faisait pas grand bruit. Le fait que cette enquête paraisse aujourd’hui est un signal de plus que les relations ne sont plus cordiales du tout. Cette semaine, les invectives entre Moscou et Washington sonnaient plus que jamais comme une nouvelle Guerre froide.

Mardi, un document officiel rendu public par le ministère des Affaires étrangères russe déclarait que Washington avait "fait un pacte avec le diable" en épaulant certains rebelles combattant le régime de Bachar el-Assad en Syrie, qui est soutenu par la Russie. Et cela n’a pas du tout surpris les experts russes en relations internationales.

"Ecoutez, quand les Américains ont bombardé et tué des dizaines de militaires syriens, cela a rendu Poutine vraiment furieux", a commenté Igor Bounine, directeur et fondateur du Centre des technologies politiques.

Juste avant, Washington avait annoncé avoir perdu patience envers la Russie et avait prévenu qu’il arrêtait toute négociation avec Moscou sur la guerre en Syrie. Le président russe Vladimir Poutine a riposté en lançant un ultimatum à Washington en début de semaine.

Poutine a menacé de rompre l’accord signé par la Russie en 2000 sur la limitation des stocks de plutonium, à moins que Washington n’annule ses sanctions économiques contre la Russie (imposées pour la plupart après l’annexion de la Crimée) et ne dédommage les Russes pour les dégâts causés par les sanctions. Si le monde veut la stabilité nucléaire, Vladimir Poutine suggère aussi dans son ultimatum que Washington annule la loi Magnitski, qui a gelé les avoirs d’une longue liste de responsables russes qui ont enfreint les droits de l’Homme.

En Biélorussie (un Etat souvent considéré comme étant "la dernière dictature d’Europe" et le plus proche allié de la Russie) en 2012, le président Alexandre Loukachenko a expulsé l’ambassadeur de l’UE à Minsk en représailles face aux sanctions économiques européennes et a rappelé l’ambassadeur biélorusse à Bruxelles. Depuis 2008, les tensions entre Washington et Minsk autour des problèmes de droits de l’Homme et les sanctions économiques ont pris tellement d’ampleur que 11 diplomates américains ont dû quitter le pays. Tout ce qui vient d’Occident, y compris McDonald, est considéré comme suspect par la police d’Etat biélorusse, soutenue par la Russie.

Mais le vrai fantôme de la Guerre froide n’est pas tant dans le harcèlement, la répression, ou l’agacement bilatéral, et encore moins dans la situation en Biélorussie : ce sont les bombes nucléaires.

La Russie possède des armes thermonucléaires, en grande quantité. Les gouvernements américains successifs ont tenté de conclure des accords visant à limiter les arsenaux des deux anciens superpouvoirs, qui datent de l’époque des scénarios apocalyptiques. Et jusqu’à cette semaine, la Russie s’était engagée à détruire 34 tonnes de plutonium dans le cadre d’une entente réciproque, selon l’accord signé avec les Etats-Unis. Maintenant, ce n’est plus si sûr.

Pour le moment, des dizaines de diplomates américains sont toujours en poste en Russie et les entreprises américaines concluent encore des contrats à plusieurs milliards de dollars à travers le pays. Sputnik News, média adossé au Kremlin, se vantait en mai du contexte économique favorable en Russie, rappelant que les entreprises américaines profitaient de grandes opportunités en Russie malgré les tensions politiques.

"Washington devrait voir la réaction du Kremlin comme on regarde un hooligan tirant une fille par sa queue de cheval, ou écrivant un juron sur la fenêtre de votre Mercedes", a déclaré au Daily Beast Gennady Gudkov, ancien officier du KGB et actuel leader de l’opposition. Et puisque la réaction des Etats-Unis a été molle, "à partir de maintenant, le hooligan va traiter les Américains de plus en plus mal".

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