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Vladimir Poutine a donné aux Russes des raisons d’être mais doit maintenant leur donner les moyens de vivre
©Yuri KADOBNOV / POOL / AFP

Et maintenant ?

La Russie vient de confirmer Vladimir Poutine au pouvoir, bien parti pour égaler le record de longévité de Staline. Mais pour quoi faire ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La Russie inquiète les occidentaux, intrigue les dirigeants politiques et intéressent les milieux d’affaires.

Les opinions publiques suspectent la Russie d’avoir des projets hégémoniques en Europe. Mais en réalité, si elles s’inquiètent autant de la Russie, c’est parce qu’elles ne savent pas comment le pays fonctionne précisément.

Les dirigeants politiques aussi sont méfiants à l’égard de ce pouvoir élu selon des procédures démocratiques, mais dont la pratique quotidienne dans l’exercice du pouvoir est assez éloignée de la culture occidentale.

Quant aux milieux d’affaires occidentaux, ils n’attendent qu’une chose, de pouvoir développer des courants d’affaires pour satisfaire un immense marché où les consommateurs ont soif de consommer et de s’équiper.

Vladimir Poutine est au Kremlin depuis 2000, 14 ans de présidence et 4 ans en tant que Premier ministre, il s’engage donc dans un mandat qui le fera égaler en longévité celui de Joseph Staline.

Vu de loin et de l’extérieur, on a l’impression que la gouvernance russe n’a pour seule activité que de maintenir ou de retrouver la grandeur de la Russie sur l’échiquier international. Et c’est vrai que l’information qui passe la frontière concerne principalement les actions internationales du Kremlin, que ce soit au Moyen-Orient, en Afrique ou en Europe via la Grande Bretagne et ses mésaventures dans l’espionnage local. Or, c’est compliqué, la planète est en train de se partager en deux. Les Etats-Unis d’un coté, la Chine de l’autre. Déjà que l‘Union européenne est coincée entre les deux blocs. Que dire de la Russie qui cherche encore où habiter ?

Ce prisme-là est très important parce qu’il a permis au peuple de Russie de retrouver sa fierté nationale et pour cette raison-là, essentiellement, il vient de réélire Poutine avec une majorité qu‘aucune démocratie européenne n’aurait imaginée et même souhaitée pour elle-même. La démocratie est passée, très bien, mais la majorité du gagnant est telle qu‘elle apparaitra à beaucoup d’observateurs comme suspecte.

Poutine est très aimé par la majorité des Russes, mais beaucoup moins  par le reste du monde. Sauf que maintenant, le peuple russe va exprimer d’autres demandes, d’autres exigences auxquels poutine va avoir plus de mal a répondre. 

Contrairement à ce que beaucoup d’analystes expliquent, la première préoccupation du peuple russe est de trouver les conditions pour que la situation quotidienne s’améliore et trace des perspectives qui offrent un avenir à la prochaine génération.

Aussi surprenant que ça puisse paraître de l‘extérieur, l’ambition première de Poutine est que le peuple de Russie soit content et satisfait de sa vie en Russie.

C’est très machiavélique comme démarche, mais chez Poutine comme dans n’importe quelle gouvernance politique, comme dit le vieil adage, un maitre mot : « n’oublie jamais qui t’a fait roi ».

Sans reprendre les chiffres, l’économie russe a plus que dérapé pendant la crise mondiale, mais disons qu‘elle a remonté la pente en 2016 et surtout 2017.

Sauf qu’on voit que l’économie est suspendue à des inconnues. L’avenir de la Russie dépend :

1. D’abord, de l’inconnue du prix du pétrole. Le secteur des hydrocarbures et de l’énergie, le pétrole et le gaz, représente déjà la moitié du budget, jouant encore et toujours la locomotive du pays.

2. La démographie, la Coface vient de nous alerter sur le vieillissement de la population en âge de travailler, le taux de fécondité a tendance à baisser, le taux de mortalité, lui, a tendance à augmenter. La Russie va donc faire un appel accru à l’immigration mais c’est aussi compliqué à gérer qu’en Europe.

A partir de ce diagnostic, il faut donc urgemment accélérer la diversification de l’activité vers les nouvelles technologies notamment le digital, mais pour cela il faut attirer les compétences et les capitaux extérieurs.

Pour accroitre l’attractivité, il faut régler les problèmes d’organisation politique et administrative et de corruption. Actuellement, le système n’est pas attractif et pas sécurisé. Or, les investisseurs ont besoin de stabilité et de sécurité.

Vladimir Poutine n’a pas le choix. Il doit faire repartir la machine russe et répondre à cet objectif très pragmatique. Ni de droite, ni de gauche.

L’offre politique présente des alternatives qui tournent toutes autour de ce diagnostic et de ses prescriptions.

Poutine pourra donc très bien puiser dans l’offre libérale défendue par Alexei Koudrine, pressenti par certains pour être le futur Premier ministre du pays et qui plaide pour un libéralisme et une politique de rigueur, mais qui considère que la Russie ne fera pas de progrès tant que le système administratif et politique ne sera pas réformé.

Poutine peut aussi maintenir une partie de l’offre conservatrice avec Sergei Glaye, qui souhaite bloquer la valeur du rouble et relancer la demande par la hausse des salaires. Bref, une médecine très keynésienne.

Mais le président peut plus surement choisir une offre centriste avec Boris Titov, le dirigeant du Club Stolypine qui réunit des entrepreneurs du pays. Lui voudrait baisser le cout du crédit et déverser des liquidités parce que l’économie a besoin d’investir.

Le programme présidentiel était d’ailleurs clair :

. Augmenter le niveau de vie

. Diversifier l’activité et s’affranchir un peu des hydro carbures

. Se brancher sur les nouvelles technologies

Tout cela est possible. Le verrou, c’est la corruption. Et le poids des oligarchies et des corps intermédiaires. La Russie ne pourra s’ouvrir aux capitaux internationaux que si elle se réorganise. Si l’objectif est d’augmenter le niveau de vie, les questions européennes et géostratégiques viendront après.  

Ni de droite, ni de gauche, c’est la raison pour laquelle l’Occident ne cesse pas de s’interroger sur la réalité de ce régime qui a redonné au peuple une raison d’être, mais pas encore les moyens de bien vivre. 

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