Vivendi, Alstom... le gouvernement montre une fois de plus qu’il n’a aucune politique industrielle<!-- --> | Atlantico.fr
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La vente de SFR à Numéricable a été un véritable camouflet pour Arnaud Montebourg.
La vente de SFR à Numéricable a été un véritable camouflet pour Arnaud Montebourg.
©Reuters

A l'aveuglette

Le gouvernement accumule les revers sur sa stratégie industrielle. Sa position, constamment décrédibilisée par les acteurs majeurs de l'économie française, fait plus penser à de l'amateurisme politique qu'à la capacité de définir une ligne claire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Hallucinant. Le détail des coulisses  de ce qui s’est passé, chez Vivendi au lendemain de la vente de SFR et chez Alstom qui se  prépare un mariage avec GE l’américain. Dans les deux cas le gouvernement français a administré la preuve qu’il n’avait aucune stratégie industrielle. Le ministre de l’Economie parle et vitupère mais les trains passent. Ce qui s’est passe cette fin de semaine est hallucinante. Le gouvernement a reçu au moins deux  camouflets, violents.   

Le premier camouflet est venu de chez  Vivendi. Jean René Fourtou, le PDG, a fait  les comptes de la vente de l’opérateur  SFR à Numéricable. Avant même que l’opération soit clôturée, Vivendi va se retrouver avec un chèque de 17 milliards d’euros dont 13 milliards en cash que va lui verser Numéricable et sa holding Alice. Vivendi sait que, quoi qu’il arrive l’argent existe. Patrick Drahi dont on brocardait la légèreté a emprunté sur les marches en 24 heures et à des taux très attractifs (5% en moyenne). Il n’était pas obligé de le faire tout de suite, il aurait pu attendre la fin de l’année au moment du closing et l’issue des formalités imposées par la direction de la concurrence mais il a voulu profiter de la conjoncture et montrer à ses partenaires qu’il n’avait aucun problème de crédibilité.

Huit jours avant, il subissait les critiques du ministre de l’Economie française qui pensait que Patrick Drahi ne trouverait pas l’argent et que de toute façon cette opération n’était pas cohérente avec une stratégie solide. La confiance des marchés lui ont administré la preuve contraire. Pour Arnaud Montebourg qui avait travaillé pour que l’opérateur soit repris par Bouygues, c’est un camouflet.

Au passage, Vivendi annonce publiquement l’arrivée de Vincent Bolloré à la présidence de Vivendi avec l’ambition de concentrer l’essentiel des ressources du groupe à la constitution d’un groupe de presse et d’information. Bref un groupe d’influence et de pouvoir autour des chaines du groupe Canal plus. Vivendi qui a vendu SFR, se retrouve avec beaucoup d’argent. Sur les 13 milliards qu’il reçoit en cash, Vivendi va en redistribuer 5 aux actionnaires pour les remercier de leur patience et de leur fidélité. Il lui restera donc une force de frappe de 8 milliards d’euros, sans compte le levier possible. Avec les 8 milliards, Vivendi peut très facilement obtenir immédiatement un prêt de 8 ou 10 milliards minimum. Ce qui double sa force d’intervention.

Vincent Bolloré pourra commencer à dégainer au début de l’année prochaine. Il a six mois pour choisir ses cibles.  Pour le gouvernement c’est évidemment une mauvaise nouvelle. Il a travaillé contre ce scenario et il a perdu. Mais plus grave, en perdant la partie, Arnaud Montebourg  laisse échapper dans la nature un industriel indépendant capable et doué d’influence.

Le deuxième camouflet infligé au ministre de la économie et d’ailleurs a l’ensemble de la gouvernance française aura été inflige par Alstom. Alors que tous les milieux financiers de Paris à New-York spéculent  sur un éventuel rachat d’Alstom par General Electric, Alstom dément, mollement, mais les dirigeants de GE seront à Paris dimanche après-midi.

Pendant que tout s’agite autour de lui,  le ministre de l’Economie annonce fièrement qu’il travaille à d’autres solutions. « Nous serons vigilant !»

Cette situation est grotesque. Les protagonistes ne sont pas des entreprises comme les autres. GE, est un immense conglomérat américain doté de moyens considérables. Alstom est un des champions du monde de la fabrication de matériel ferroviaire (les TGV et le métro) et de bateaux de croisière (chantiers de Saint-Nazaire), ainsi que l’un des trois fournisseurs d’équipement énergétique, notamment dans le nucléaire. Les liens de cette entreprise avec l’état sont très forts et quand l’état vient dire qu’il n’est pas au courant, c’est difficilement crédible ou alors les services de l’Etat sont archi-incompétents, mais pas à ce point-là.

D’autant, et on le sait depuis hier soir, Patrick Kron le PDG d’Alstom aurait rencontré le président de la République, le ministre de l’Economie et le Premier ministre, il y a plus de deux mois, pour les informer qu' il était en panne de stratégie et de perspectives de développement compte tenu des indécisions en matière d’investissement dans le secteur des transports et surtout dans le secteur nucléaire.

Au gouvernement, on lui aurait  simplement laissé entendre qu’on  n’avait pas de solutions sauf à participer à une augmentation de capital si besoin. Promesse curieuse pour un état, qui n’a pas un sou. Ce que l’entreprise espérait, c’était un plan d’investissement industriel dans le ferroviaire et surtout dans l’énergie.

C’est à ce moment-là que l’opération de rapprochement avec General Electric  aurait pris corps grâce à Clara Gaymard qui dirige l’antenne Europe de GE et qui est par ailleurs l’épouse d’Hervé Gaymard, l’ancien ministre de l’Economie sous Jacques Chirac.

Il est certains qu’un rapprochement avec General Electric pourrait permettre à Alstom d’atteindre une taille significative pour rentrer sur les marches mondiaux de l'énergie et du rail alors que la concurrence internationale devient de plus en plus sévère.

Autre facteur d’accélération, le rôle de Martin Bouygues dont le groupe est actionnaire d’Alstom a hauteur de 29,4%. Bouygues avait récupéré cette participation quand l’Etat s’était désengagé. A  l’époque, c’était avant l’arrivée de Sarkozy, Bouygues rêvait de constituer un groupe gigantesque spécialisé dans l’énergie avec Alstom pour les centrales électrique et Areva pour les chaudières nucléaire et qui sait EDF. Nicolas Sarkozy n’a jamais été au bout de cette ambition. Martin Bouygues en a nourri beaucoup d’amertume, disant « qu’on était jamais aussi mal servi que par ses amis politiques ».

Aujourd'hui, il  dément formellement toute opération en cours et se contente de rappeler dans un communiqué que Bouygues a toujours soutenu la stratégie d’Alstom et continuera de la faire.

En, réalité, aucun analyste ne doute que Martin Bouygues verrait d’un très bon œil toute occasion de s’alléger de sa participation Alstom et même, de tout liquider auprès de General Electric. Alstom ne rentre plus dans le cœur de la stratégie de Bouygues et la vente d’Alstom lui rapporterait au minimum 3 milliards de cash de quoi lui permettre de respirer au  lendemain son échec dans la tentative de racheter SFR.

Et le gouvernement dans tout cela ? Et bien il est comme au spectacle et fait semblant d’intervenir dans le scénario. Arnaud Montebourg annonce qu’il va préparer des solutions alternatives mais il n’en a pas. Martin Bouygues qui comptait sur lui pour rafler SFR, se vengerait aujourd'hui en laissant partir Alstom que ça n étonnerait personne ? D’autant que ça l’arrange, il va retrouver du cash. Beaucoup. Or le cash c’est le nerf de la guerre.  

Le gouvernement n’a aucune munition, aucune stratégie industrielle, il se préoccupe a peine de  l’écosystème qui permettrait aux chefs d’entreprise de s’épanouir et de prospérer dans l’hexagone. Donc le monde de l’entreprise a repris sa partie de Monopoly au niveau international. Les ministres des gouvernements n’ont rien d’autre à faire que de  regarder rouler les dés alors que  les jeux sont évidemment faits. Chez vivendi, Alstom ou ailleurs.

Ce qui est curieux, c’est que cette semaine Time Magazine a publié le classement des 100 personnalités les plus influentes dans le monde. Il y beaucoup d’Américains, de Brésiliens, de Chinois, de Russes aussi dont Vladimir Poutine (pour la première fois). Angela Merkel qui avait disparu du classement des personnalités les plus importantes est revenue dans le TOP 10, (au côté de Beyoncé…) Ce qui étonnant dans ce classement des 10 premières personnalités au monde, c’est qu’il n y a plus un seul Français. 

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