Violences conjugales : les femmes seules victimes, vraiment ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Savons-nous comptabiliser les hommes victimes de violences conjugales ?
Savons-nous comptabiliser les hommes victimes de violences conjugales ?
©Kirill KUDRYAVTSEV / AFP

Suicides forcés

Selon les estimations d’un rapport du Projet européen sur les suicides forcés, 1.136 femmes se sont suicidées dans les 27 Etats membres de l’Union européenne en 2017, dont 209 en France, selon Le Parisien. Ces suicides sont liés aux violences psychologiques dont ces femmes étaient victimes, notamment au sein du couple. Est-ce un phénomène que l’on observe aussi et que l’on sous-estime chez les hommes ?

Pascal Combe

Pascal Combe

Pascal Combe est President de l'association Stop hommes battus.

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Atlantico : Dans quelle mesure savons-nous comptabiliser les hommes victimes de violences conjugales ? Que disent les chiffres ?

Pascal Combe : Les chiffres sont connus depuis environ 15 ans mais on en a peu parlé. L’une des raisons est que cela gêne certaines féministes. Nous avons été invités au Grenelle des violences conjugales mais pour nous faire dire que l’on ne voulait pas de nous. On nous a expliqué que nos luttes n’étaient pas les mêmes. Nous avons porté plainte contre Marlène Schiappa devant la Défenseure des droits mais ça n’a rien donné. Ce qu’on demande ce sont des moyens, des hébergements d’urgence, un numéro d’aide spécifique, etc. Les chiffres français montrent qu’il y a parmi les personnes battues, un quart d’hommes et trois quarts de femmes. Selon l’enquête Cadre de vie, cela représente en moyenne, entre 2011 et 2018, 82 000 hommes par an. A cela il faut rajouter les enfants. On estime environ 160.000 enfants. Dans les pays anglo-saxons notamment, la proportion d'hommes est plus élevée. En France, les victimes ont été cachées. Cela pose un vrai problème démocratique car le tabou est entretenu. Il faudrait que les hommes battus aient les mêmes moyens, en proportion du nombre de cas.

Y-a-t-il des profils spécifiques ?

On sait qu’il y a une sorte de cercle vicieux de la violence conjugale. Les enfants victimes ou témoins développent des pathologies. Certains deviennent eux-mêmes violents, d’autres deviennent victimes, souvent après avoir perdu leur estime d’eux-mêmes. C’est le même processus pour les hommes que pour les femmes. Mais en ne prenant pas en compte les hommes, la France pratique une forme de discrimination. Le gouvernement estime que France Victimes suffit pour les hommes battus. Dans les faits, seulement 3% des hommes battus portent plainte selon l’ONDRP, c’est encore moins que les femmes. Nous alertons les politiques depuis des années. Ils savent mais ne font rien. Notre association est apolitique, nous voulons simplement de la reconnaissance. Il y a du sexisme des deux côtés, et des idées reçues. Il y a des hommes forts et des faibles, et c’est vrai aussi pour les femmes. Le problème est qu’en cachant les hommes battus, on dissimule les femmes maltraitantes. En ne gardant plus que les femmes victimes et les hommes violents, on renforce l’idée que les violences conjugales sont la faute du patriarcat.

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Un rapport vient de souligner que les suicides forcés étaient une forme d’angle mort des violences faites aux femmes. Est-ce aussi un phénomène que l’on observe et que l’on sous-estime chez les hommes ?

Une étude a été faite en France il y a deux ans. Elle déterminait qu’environ 200 se seraient donné la mort lors d’un suicide forcé. En France, 500 suicides sont inexpliqués chez les femmes et environ 1.500 chez les hommes. Nous supposons qu’une partie d’entre eux est un suicide forcé qui vient des violences conjugales. Le fait qu’il y ait plus de suicides inexpliqués chez les hommes montre une désespérance, celle-ci pourrait être liée en partie au manque d’action de l'État. Souvent, être un homme battu est porteur d’une honte supplémentaire car ils n’osent pas dire qu’ils sont battus par des femmes.

La violence est-elle principalement psychologique ?

On distingue cinq types de violences : physique, morale, sexuelle, administrative et financière. On estime que la moitié des hommes battus sont victimes d’une maltraitance psychologique et que l’autre moitié subit une violence psychologique et physique. La violence morale est la plus répandue et la plus dangereuse car elle est souvent quotidienne et permet de maintenir une emprise. C’est valable tant chez les hommes que chez les femmes. La victime n’a que peu de possibilités de s’en sortir, elle se sent honteuse et coupable voire se blâme comme étant responsable de la situation.

Pascal Combe est président de l'association Stop hommes battus

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