Vine enterré (et Twitter bien mal en point) : le canari qui annonce la fin de la gratuité dans la mine de l’Internet ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La fermeture de Vine n'illustre pas une difficulté, mais une rationalisation : voilà plus d'un an que les microvidéos sont intégrées de façon native à Twitter, il n'y a donc plus aucun intérêt de proposer et maintenir une application à part.
La fermeture de Vine n'illustre pas une difficulté, mais une rationalisation : voilà plus d'un an que les microvidéos sont intégrées de façon native à Twitter, il n'y a donc plus aucun intérêt de proposer et maintenir une application à part.
©LEON NEAL / AFP

Réseaux sociaux

Alors que le géant américain Twitter a annoncé la fermeture prochaine de son application de micro-vidéos Vine, le secteur des réseaux et son modèle économique pourrait bien évoluer dans les années à venir.

Frédéric Cavazza

Frédéric Cavazza

Frédéric Cavazza est marketing technologist, étudie depuis 20 ans les usages liés au numérique et aide les entreprises à accélérer leur transformation digitale. Retrouvez ses articles sur FredCavazza.net.

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Atlantico : Les difficultés actuelles de Twitter, illustrées entre autres par sa décision de mettre fin à son service de micro-vidéos Vine, posent la question de la gratuité sur Internet. Sur ce thème, quelles distinctions peut-on faire tout d'abord entre les services gratuits qui n'ont pas de revenus et ceux qui n'ont que "l'apparence" de la gratuité (Google, Facebook) ? Pour ces derniers, les utilisateurs ne payent-ils pas indirectement par le biais des données personnelles, qui peuvent générer à terme des revenus ? 

Frédéric Cavazza : Avant toute chose, ne nous laissons pas influencer par les gros titres, Twitter n'est en difficulté que si vous étudiez cette société avec les critères boursiers de la Silicon Valley : pour faire simple, toutes startups ou acteurs du numérique qui n'affiche pas un taux de croissance annuel à deux chiffres est considérée comme "en difficulté". Ce qui est absurde dans la mesure où les arbres ne montent pas au ciel. Certes, le nombre d'utilisateurs actifs de Twitter ne progresse plus depuis plusieurs trimestres d'affilée, mais est-ce une raison pour penser que le service est condamné ? Je pense qu'il est plus sage de dire qu'après 10 ans d'existence, Twitter a trouvé son audience et que celle-ci se stabilise. Diriez-vous du site Atlantico qu'il est condamné parce que son audience ne grossit plus ? De plus, l'important pour des acteurs établis comme Twitter n'est pas de grossir, mais plutôt de stabiliser ses revenus/dépenses pour être à l'équilibre financier. Par comparaison, la croissance de l'audience de Snapchat s'essouffle également de manière significative, alors que l'on nous le présente comme le nouveau Facebook.

La fermeture de Vine n'illustre pas une difficulté, mais une rationalisation : voilà plus d'un an que les microvidéos sont intégrées de façon native à Twitter, il n'y a donc plus aucun intérêt de proposer et maintenir une application à part. D'où la fermeture. Ce qui est vrai pour Vine l'est également pour Periscope qui est également intégré à Twitter. L'application Periscope devrait également disparaître dans les prochains mois pour éviter le gaspillage des ressources.

Je ne pense pas que cette situation pose grandement la question de la gratuité sur Internet. Facebook, YouTube, SnapChat, Skype... sont et resteront des services gratuits. Le modèle n'est pas remis en cause dans la mesure où ces services sont des plateformes : elles hébergent et diffusent des contenus créés par la communauté, mais ne les financent pas.

Aucun service n'est réellement gratuit : soit ils se rémunèrent avec de la publicité, soit ils s'endettent pour financer la croissance de leur audience, mais il n'est pas possible de proposer un service entièrement gratuit. Ce qui est certain, c'est que nous assistons au triomphe du modèle établi par Google au siècle dernier : un service performant et gratuit qui se rémunère en proposant de la publicité native ciblée, le mécanisme de ciblage reposant sur les profils des utilisateurs. Cela se traduit par des résultats de recherches sponsorisés sur Google, des messages sponsorisés sur Facebook, des photos sponsorisées sur Instagram, des tweets sponsorisés sur Twitter, des snaps ou filtres sponsorisés sur SnapChat... Cela fonctionne à très grande échelle, nous en avons maintenant la preuve. Et surtout, il n'y a pas d'apparence de gratuité : ces services sont gratuits, seuls les annonceurs payent, les éditeurs ne cachent pas leurs intentions.

En acceptant les CGU, les utilisateurs autorisent les éditeurs de ces services (Google, Facebook, Twitter, LinkedIn...) à enrichir leur profil de données comportementales (en fonction de ce qu'ils consultent, publient ou relayent), profils qui seront ensuite exploités à des fins de ciblage publicitaire. Dans l'absolu, il n'y a pas de paiement ou d'échange, simplement une collecte de données d'utilisation. Certes, la masse de données collectées est maintenant considérable, surtout chez Google et Facebook, mais ils n'ont forcé personne ! Pour bien se rendre compte de la richesse des profils, je vous recommande de tester la fonction Audience Insight de Facebook, qui est redoutable de précision.

Dans le contexte économique et digital actuel, des réussites "culturelles" mais non monétisées, comme Twitter ou Vine, pourront-elles survivre ?

Twitter ou Vine ne sont pas que des réussites "culturelles", ce sont d'authentiques réussites sociétales (les tweets ont profondément changé la façon de diffuser de l'information, les microvidéos verticales ont profondément changé la façon de raconter une histoire) et économiques (nous parlons ici de milliards de dollars de CA publicitaire). Pour survivre, il suffit à Twitter de stabiliser ses dépenses (ce qu'ils sont en train de faire avec les licenciements) et de se concentrer sur leur coeur de cible (les journalistes, hommes/femmes politiques et professionnels de la communication).

Sommes-nous à un tournant de l'histoire du Web, où même des entreprises devenues des icônes pourront s'effondrer ?

Pas réellement un tournant, mais plutôt un nouveau stade d'évolution. Depuis 20 ans, le Web est passé par différents stades correspondant à des usages et acteurs dominants : l'ère de portails avec Yahoo, MSN et AOL, l'ère des moteurs de recherche avec Google et Bing, l'ère des médias sociaux avec MySpace, Facebook et Twitter. Dernièrement, nous sommes plus dans l'ère des applications de messagerie avec WhatsApp, Instagram, FB Messenger, WeChat... Les usages évoluent tous les 4 à 5 ans et les acteurs dominants évoluent en fonction. Là, nous nous dirigeons tranquillement vers l'ère des assistants personnels avec Siri, Google Assistant, Cortana et Alexa. Dans l'absolu, nous sommes toujours plus ou moins avec les mêmes géants numériques (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Nous ne nous en rendons pas compte, mes ces 5 sociétés ont acquis une place considérable dans notre quotidien. Ils ont également amassé une trésorerie gigantesque qui s'élève à plusieurs dizaines de milliards de dollars, largement de quoi faire une OPA hostile ou amicale sur Twitter...

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