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Comment le vin est devenu l'objet d'une culture élitiste
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Beaujolais nouveau

Ce jeudi le Beaujolais nouveau fête ses 60 ans. En dix ans, les ventes ont baissé de moitié : si en 1997, 11,2 millions de litres s'écoulaient, en 2010 seulement 5,5 millions ont été vendus. Mais, selon Olivier Thiénot, Directeur de l’École du Vin de France, si "nous buvons de moins en moins de vin, jamais nous n’avons pris autant d’informations sur lui".

Olivier Thiénot

Olivier Thiénot

Olivier Thiénot est diplômé du Wine and Spirit Education Trust de Londres (WSET).

Il dirige l'Ecole du Vin de France. Animateur de dégustations de vins, de conférences et de séminaires en France et à l'étranger, il cumule 15 années d'expérience dans le domaine du vin.

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La France comme ses voisins latins est constituée de buveurs de vins, cet élixir tiré d’un fruit, le raisin et qui prend le nom de cépage lorsqu’il sert à faire du vin. Il y a une cinquantaine d’années le vin était encore un complément alimentaire, il donnait de la force et du courage aux nombreux travailleurs manuels que comptait la France. Un gaillard normalement constitué et travaillant dans une mine, une usine ou autre n’hésitait pas à consommer 200 litres de vin par an… minimum.

Et aujourd’hui au XXIe siècle, on sent bien que les Français boudent un peu la sortie du Beaujolais Nouveau, toujours le troisième jeudi du mois de novembre, nous ne consommons plus que 40 litres de vin par an, le vin nous intéresse encore mais peut-on dire que nous avons perdu la Culture du vin ?

Oui et non, car le vin était-il un objet de culture ? Mon ouvrier agricole avait-il l’impression de se cultiver en buvant ses 200 litres ? Pas vraiment, le vin plus qu’un objet de culture était une boisson familière, quotidienne faisant partie de notre culture alimentaire. L’histoire du vin était source de culture aussi, il est pour beaucoup le sang du Christ et le calendrier était jalonné de dates qui donnaient l’occasion de fêter cette boisson donnant de la force et de la joie. Pour la bourgeoisie il est un signe distinctif, on ne ne boit pas la même chose que les ouvriers, les crus viennent de régions précises : la Champagne, le Bordelais, la Bourgogne et la vallée du Rhône Nord, d’ailleurs la bourgeoisie Lyonnaise tourne le dos au Beaujolais, vin populaire. Le vin fait partie d’une culture du savoir vivre, il est de tous les banquets, toutes les célébrations.

Dirigeant l’École du Vin de France et donnant des conférences partout en France mais aussi en Asie, je remarque avec délice que nos salles ne désemplissent pas. Est-ce un signe, comme je dois interpréter cette contradiction, nous buvons de moins en moins de vin mais jamais nous n’avons pris autant d’informations sur lui. Livres, magazines, films (comme Mondovino , Sideways ou Tu seras mon fils), reportages - malgré la censure officielle qui nous interdit de parler de dégustation - bandes dessinées, mangas, clubs de dégustations, concours, les salles de ventes aux enchères ….. Le vin envahit tous les espaces et la culture le réclame, alors non, nous ne perdons pas la culture du vin mais celle-ci, signe des temps, change, devenant plus élitiste, plus codifiée, signe de distinction.

La France en quelques années est devenue une nation urbaine, ses habitants vivent dans des grandes villes, le travail de force aussi nous est de plus en plus étranger et ces changements ont modifié notre rapport avec le vin. Le vin n’est plus un complément alimentaire, il est une boisson comme une autre, en ville la vigne ne pousse pas et la familiarité avec ce produit s’est peu à peu distendue. Notre envie de mieux vivre, en meilleure santé désigne aussi le vin comme une boisson presque dangereuse, les sodas ne sont vraiment fustigés que maintenant, plus de 20 ans après le vin.

Alors oui, le vin comme objet de culture populaire se perd, mais nous voulons tous garder un lien avec la nature et le vin est un média exceptionnel. Fruit de l’histoire, du terroir, de la volonté de l’homme, il est à visage multiple. Le vin devient donc un objet de culture plus élitiste, on s’intéresse à toutes ses facettes, à son univers et on en consomme moins !

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