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Le mandat d'Emmanuel Macron aura été marqué par de nombreuses crises.
Le mandat d'Emmanuel Macron aura été marqué par de nombreuses crises.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Président-candidat

Le mandat d’Emmanuel Macron qui s’achève a été tellement associé aux crises successives que l’on peut se demander ce que serait un second mandat sans les crises.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Nous voici donc parvenus (presque) à la fin ! La fin du mandat d’Emmanuel Macron débuté en 2017, la fin de la campagne électorale 2022 et peut-être la fin de parcours politique pour plusieurs des candidats qui seront les grands perdants de cette campagne à nulle autre pareille… Tout au long des cinq années passées, nous avons analysé, commenté, scruté le destin d’Emmanuel Macron dans l’opinion publique. Nous avons souvent commenté les verbatims d’une question ouverte posée par BVA à propos de ce que les Français pensaient de leur jeune chef d’Etat et de son style ou de son action.

BRÈVE LUNE DE MIEL ENTRE EMMANUEL MACRON ET L’OPINION

Dès le début du mandat d’Emmanuel Macron, sitôt passée la brève « lune de miel » avec l’opinion dans la foulée de l’élection, nous avons identifié dans l’électorat un profond clivage lié à l’image du chef de l’Etat. Si une partie des Français disaient qu’il fallait laisser sa chance au jeune homme de 39 ans fraîchement élu, deux blocs antagonistes s’affrontaient néanmoins. D’un côté, ceux (rapidement minoritaires dans l’opinion) qui soutenaient Emmanuel Macron, son socle inébranlable aux yeux de qui le chef de l’Etat faisait preuve de courage, de talent et d’ambition pour réformer « un pays impossible à réformer » selon leurs mots. Sa jeunesse, son dynamisme, son charisme et sa capacité à incarner la fonction suprême exerçaient sur cette frange de l’électorat un pouvoir de séduction et d’attraction considérable. D’un autre côté (rapidement majoritaire dans l’opinion), ceux qui ne voyaient en Emmanuel Macron qu’un « président des riches », trop « imbu de sa personne », « narcissique » et « arrogant » pour reprendre des termes omniprésents dans les verbatims des opinions exprimées. Pour ces électeurs, la jeunesse et le parcours du Président le rendaient structurellement incapable de comprendre les problèmes que vivaient les Français. Il était parfois comparé à un monarque autoritaire, voire à un « dictateur ».

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GILETS JAUNES : FORT RECUL DE LA POPULARITÉ D’EMMANUEL MACRON

Ce clivage d’opinion, « dur comme de la pierre » avions-nous dit, a connu son apogée au moment de la crise des Gilets jaunes, certainement la plus grave crise sociale et politique qu’ait connu un pays européen au cours des dernières décennies. Cette crise s’était traduite par un effondrement de la confiance des Français dans la qualité du système démocratique et par un fort recul de la popularité du chef de l’Etat. Il fallut la longue séquence du Grand débat national, puis l’entrée dans la pandémie pour qu’Emmanuel Macron remonte la pente, sans jamais retrouver la popularité du début. On constate des fluctuations régulières de sa popularité, ancrée dans un socle de départ assez solide, lorsqu’on considère la période post-Gilets jaunes.

REMONTÉE ET STABILISATION DE LA POPULARITÉ D’EMMANUEL MACRON

Incontestablement, la popularité du chef de l’Etat est rentrée dans une logique nouvelle tout au long de la crise pandémique. Après des débuts marqués par une évaluation de sa gestion de l’épidémie moins favorable que les exécutifs de plusieurs autres pays européens, le « quoi qu’il en coûte » et le choix de « la vie avec le virus » grâce à la vaccination de masse lui ont ramené un surcroît de popularité dans plusieurs segments de l’électorat, notamment de centre gauche et de centre-droit. Le printemps/été 2020 marque à cet égard le début d’une lente et irrégulière remontée de popularité, un capital précieux à la veille de l’élection. La guerre en Ukraine et les images dramatiques qui nous en viennent ont stabilisé la popularité d’Emmanuel Macron a un niveau assez haut mais sans être exceptionnel. Ce sont aujourd’hui 46% des Français interrogés par BVA qui considèrent qu’Emmanuel Macron est un « bon président », un score très honorable et bien meilleur que ses deux derniers prédécesseurs. Les seniors, les retraités, les sympathisants LR et dans une moindre mesure les sympathisants PS ont largement contribué à cette tendance à la hausse de la popularité présidentielle ces derniers mois.

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BILAN D’IMAGE RICHE D’ENSEIGNEMENTS

Est-ce à dire qu’Emmanuel Macon aborde l’échéance du 10 avril en dominant de la tête et des épaules un scrutin « joué d’avance » ? Pour répondre à cette question, on peut s’appuyer sur le bilan d’image que vient d’effectuer BVA et qui complète très utilement la seule lecture des intentions de vote. L’enquête conduite par BVA au mois de mars, pour Orange et RTL, réalise un exceptionnel bilan d’image au terme du mandat présidentiel. La richesse et la pluralité des indicateurs présentés dans cette enquête en font l’une des enquêtes de référence pour comprendre ce qui va se jouer les 10 et 24 avril prochains. On ne peut résumer toutes les données ici tellement elles sont riches et passionnantes !

EMMANUEL MACRON : « PASSABLE, PEUT MIEUX FAIRE »

D’abord, le chef de l’Etat n’obtient qu’une note de 8,2 lorsqu’on demande aux personnes interrogées de le noter, comme à l’école, sur une échelle de 0 à 20… Passable, peut mieux faire diraient les profs….. ! On est donc loin d’une fin de mandat en apothéose dans l’opinion publique…. En revanche, tous les indicateurs d’image du chef de l’Etat sont à la hausse si on les compare à l’an dernier : ce sont surtout les dimensions du « chef de guerre en temps de crise » qui s’affirment : sa « compétence », sa « capacité à prendre les décisions qui s’imposent » et plus important encore sa capacité à « savoir où il va ». En revanche, même atténués par rapport à l’an dernier, les défauts prêtés au chef de l’Etat continuent d’être ses points faibles : sa capacité à « rassembler », à être « proche des gens » ou à montrer des « convictions profondes » est un peu mieux appréciée mais pas autant que pour ses dimensions de « chef de guerre en temps de crise ».

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BILAN D’IMAGE LOIN DE L’APOTHÉOSE

Nous avons également voulu comprendre l’image d’Emmanuel Macron auprès des Français en dynamique. Nous leur avons demandé s’ils avaient toujours eu la même image du chef de l’Etat ou s’ils en avaient changé. 35% des personnes interrogées déclarent avoir toujours trouvé qu’il était « un bon président », 23% avoir toujours trouvé qu’il était un « mauvais président », 24% ont changé d’avis en négatif et 17% en positif à son propos. Le solde des opinions positives est donc légèrement favorable au chef de l’Etat. Mais on est, là encore, loin d’un bilan d’image en apothéose… !

VIVIER STRATÉGIQUE DES ÉLECTEURS DE CENTRE-DROIT ET CENTRE-GAUCHE

Le groupe des « changeurs en positif » est intéressant à détailler car il pourrait se révéler très stratégique pour Emmanuel Macron dans sa capacité à sortir en tête du premier tour et à créer les conditions d’une victoire le 24 avril. Ni l’âge, ni le statut socio-économique, ni la profession ne caractérisent spécifiquement ce groupe. En revanche, la logique politique s’exprime bien dans ce groupe d’électeurs qui ont positivement évolué à propos d’Emmanuel Macron. Parmi eux, on compte 12% de sympathisants LR et  8% de sympathisants PS alors que ces deux catégories ne pèsent respectivement que 9% et 5% dans l’ensemble de l’échantillon. C’est bien parmi le vivier des électorats du centre-droit et du centre-gauche qu’Emmanuel Macron a « redressé la barre » de son image en cours de mandat.

EMMANUEL MACRON : LE RESSORT DE LA GESTION DE CRISE

Le ressort presque exclusif de l’évolution positive du jugement sur Emmanuel Macron tient dans sa gestion des crises successives. L’analyse des verbatims d’une question ouverte qui a été posée à ces personnes pour expliquer leur changement d’opinion en dit long à cet égard. Le répertoire des mots les plus fréquemment utilisés par les personnes qui ont positivement évolué dans leur jugement sur l’action d’Emmanuel Macron est celui de la gestion de crise : « crise » (utilisé 76 fois), « Covid » (65 fois), « Ukraine » (51 fois), « guerre » (35 fois), « « gestion » (35 fois). Les segments de mots « a su faire face » ou « a su gérer » sont omniprésents dans les verbatims recueillis par BVA parmi ce groupe d’électeurs qui trouvaient qu’Emmanuel Macron était un mauvais président et ont changé d’avis en bout de course.

EMMANUEL MACRON : UNE ÉVALUATION POSITIVE INATTENDUE

On rencontre ce profil d’électeurs de manière très inattendue dans certains segments de l’électorat, même parfois des sympathisants du RN. Il en est ainsi de cette jeune électrice, la trentaine, à la recherche d’un emploi, titulaire du bac, se déclarant sympathisante Gilets jaunes, proche du RN, ayant voté aux deux tours pour Marine Le Pen en 2017, Jordan Bardella aux européennes et RN au régionales. A priori, rien ne prédestine cette électrice à évaluer positivement Emmanuel Macron dont elle juge le mandat dans son ensemble « plutôt mauvais ».  Surprise ! Cette électrice donne la note de 13/20 à Emmanuel Macron ! On ne comprend ce paradoxe qu’en lisant le verbatim de sa réponse à la question ouverte : « il n’a pas eu un mandat facile avec tous les évènements qu’il y a eu et, franchement, ça ne devait pas être facile à gérer » déclare cette électrice que rien ne programmait pourtant à trouver des circonstances atténuantes ou la moindre qualité au chef de l’Etat ! Lorsqu’on détaille les traits d’image que cette électrice accorde à Emmanuel Macron, son opinion est d’ailleurs très clivée. D’un côté, elle le perçoit comme plutôt « solide, ayant de l’autorité », « ayant une stature présidentielle qui valorise la France », « charismatique », « compétent » et « reconnaissant ses erreurs ». D’un autre côté, elle ne le perçoit pas bien comme « capable de prendre les décisions qui s’imposent », « sincère », « rassurant », « sachant où il va », « proche des gens » ou encore « rassembleur » ou ayant des « convictions profondes ».  

FRAGILITÉ DE L’ÉVOLUTION POSITIVE

On perçoit ici toute la fragilité de l’évolution de franges de l’électorat très opposées à Emmanuel Macron au début de son mandat vers une opinion plus positive. Ces électeurs n’ont fini par lui reconnaître des mérites qu’au titre des crises surmontées, une pause temporaire dans leur vision très critique du macronisme. La mémoire du « quoi qu’il en coûte » pourra-t-elle perdurer auprès d’électeurs à qui il en coûte sans aucun doute de reconnaître des mérites à Emmanuel Macron ? S’il devait se succéder à lui-même, Emmanuel Macron saura-t-il transformer en soutien plus solide ce regain de popularité et d’image positive que sa première présidence lui a permis d’engranger en fin de parcours ?

Le mandat d’Emmanuel Macron qui s’achève aura été tellement associé aux crises successives que l’on peut se demander ce que serait un second mandat sans les crises…..

Cet article a été publié initialement sur le site de BVA : cliquez ICI

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