Vers un effondrement rapide des forces russes en Ukraine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des soldats ukrainiens sur des véhicules blindés à l'extérieur de la ville d'Izioum, le 24 septembre 2022.
Des soldats ukrainiens sur des véhicules blindés à l'extérieur de la ville d'Izioum, le 24 septembre 2022.
©Anatolii STEPANOV / AFP

Reconquête de Lyman

Après la reconquête de la ville de Lyman, les troupes ukrainiennes se rapprochent de Kherson. Selon Francis Fukuyama, "un effondrement russe beaucoup plus important se produira dans les jours à venir".

Anton Barbashin

Anton Barbashin

Anton Barbashin est Directeur de la rédaction de Riddle et analyste politique.

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Jérôme Pellistrandi

Jérôme Pellistrandi

Le Général Jérôme Pellistrandi est Rédacteur en chef de la Revue Défense nationale.

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Atlantico : Après le succès à Lyman, les troupes ukrainiennes semblent se rapprocher de Kherson. Une reconquête de la ville est-elle possible dans les prochains jours ? Quelles seraient les conséquences d'une défaite russe dans la région ?

Jérôme Pellistrandi : L’objectif de l’offensive menée au Sud depuis la fin août est de reprendre l’intégralité de la rive droite du Dniepr. Actuellement, les forces ukrainiennes avancent au nord de cette zone, se rapprochant de Kherson. In fine, l’objectif est d’encercler les forces russes présentes dans la région afin de les obliger à quitter la ville. En privilégiant l’encerclement et l’épuisement des forces russes, il serait possible d’éviter des destructions majeures et les soldats russes seraient obligés de franchir le Dniepr pour se replier vers le Sud et la Crimée. 

Une défaite à Kherson serait un coup dur pour Moscou, mais la guerre ne serait pas terminée pour autant. Même si l’Ukraine remporte la bataille de Kherson, une partie non négligeable du pays resterait occupée. Par exemple, la perspective de reprendre Marioupol n’est pas encore envisageable. L’armée ukrainienne devra avancer étapes par étapes et ces combats urbains peuvent durer un certain temps. 

Anton Barbashin : Je ne suis pas un expert militaire. Je ne sais pas s'il est possible de prendre Kherson dans un avenir proche, mais il est clair que les troupes ukrainiennes ont beaucoup de succès, et il semble que l'armée russe ait des difficultés à obtenir suffisamment de personnes pour défendre les positions de manière appropriée. Nous voyons clairement que les personnes nouvellement mobilisées commencent à arriver, mais le temps qu'elles ont eu pour s'entraîner est insuffisant pour les rendre viables dans ces conditions. Il y a beaucoup de chaos. Mais encore une fois, on ne sait pas combien de temps il faudra aux Ukrainiens pour reprendre Kherson. Mais globalement, la dynamique est mauvaise pour la Russie. Poutine a annoncé l'annexion de certains territoires, de sorte qu'à ses yeux, les Ukrainiens conquièrent une partie du territoire russe. On ne voit pas bien ce que Moscou peut changer à sa stratégie. Bien sûr, il y a l'utilisation des armes nucléaires. Mais le choix de la mobilisation m'indique qu'ils ne veulent pas l'utiliser.

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Que nous indique la récente reprise de Lyman par les forces ukrainiennes ?

Jérôme Pellistrandi : La reprise de Lyman indique que la dynamique offensive est clairement du côté ukrainien. Les forces russes souffrent d’une faille du commandement, d’un manque de souplesse et d’une très grande désorganisation. Mais encore une fois, il faut rester prudent. Les Russes possèdent encore des capacités non négligeables et même si les avancées ukrainiennes sont conséquentes, Moscou contrôle encore une bonne partie des quatre Oblast annexés vendredi 30 septembre. De plus, le retrait de la ville de Lyman était un retrait tactique. Pour le moment, il n’y a pas de départ des forces russes vers l’Est du Donbass ou la Russie. 

Francis Fukuyama a estimé qu'"un effondrement russe beaucoup plus important se produira dans les jours à venir". Un effondrement rapide de la Russie est-il crédible ?

Anton Barbashin : Rapide, c'est la question clé. Que signifie "les prochains jours" ? Que signifie "bientôt" ? Cela ne semble pas bon pour l'armée russe. Ils n'atteindront pas leur objectif initial, c'est assez clair. On ne sait pas dans quelle mesure ils resteront maîtres des territoires qu'ils occupent avant que l'hiver ne s'installe. L'effondrement de la Russie a fait l'objet d'assez nombreuses discussions par le passé. Nous ne savons pas exactement comment les choses se présentent à Moscou, mais rien n'indique pour l'instant que Poutine ait perdu le soutien des acteurs clés du paysage politique russe. Il est possible que Poutine puisse encore conserver son pouvoir tout en perdant la guerre, par une oppression accrue, par la rhétorique de la Russie contre l'Occident, mais ce ne sont que des spéculations à ce stade. Chaque tentative de protestation a jusqu'à présent été domptée par l'État. Dans les régions reculées, cela dure plus longtemps, mais dans les grandes villes, la police est bien équipée pour y faire face. Pour que quelque chose se passe, il faut qu'il y ait une division entre les élites. Et nous n'en sommes pas encore là. Il y a tellement de variables en jeu. Je peux comprendre l'objectif de Fukuyama et il est possible que Poutine fasse tomber le système qu'il a construit, mais cela ne se produira pas au cours des prochaines semaines.

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Jérôme Pellistrandi : Sur la rive droite du Dniepr, l’effondrement russe est probable. Mais cette rivière constitue une ligne très difficile à franchir et elle servira de ligne d’appui pour les forces russes. On peut donc assister à des défaites tactiques russes, mais parler d’un effondrement de l’armée russe sur l’ensemble du territoire est encore un peu prématuré. 

La présidente de RT, Margarita Simonyan, a déclaré : "Nous sommes terriblement inquiets, terriblement bouleversés, je ne voulais même pas venir ici, parce que pleurer et paniquer reviendrait à aider l'ennemi, à travailler indirectement au succès de la CIA collective, qui depuis des décennies travaille - et continue de travailler - à la destruction de notre pays". Les plus fervents propagandistes de Poutine sont-ils obligés de reconnaître leur défaite ?

Anton Barbashin : Il est tout à fait évident que les actions militaires ne se déroulent pas comme elles le devraient pour le Kremlin, même aux yeux de la Russie pro-guerre. Il est impossible de le cacher complètement. Ce n'est pas l'Union soviétique. Ils doivent l'aborder avec des explications soit "rationnelles", soit émotionnelles. Elle apporte un sentiment émotionnel de chagrin que les personnes les plus belliqueuses pourraient ressentir. Dans l'ensemble, ils essaient d'y répondre et ils maintiendront leur soutien tant que le régime sera en place. Ce sont des professionnels, des gens très bien payés. Ils ont changé d'avis à plusieurs reprises, car c'est leur travail. Je ne prendrais pas tout ce qu'elle dit pour argent comptant.

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Jérôme Pellistrandi : Du côté russe, il y a une dramatisation volontaire pour justifier la mobilisation et également pour créer une sorte de cohésion nationale face à ce que les Russes considèrent comme une agression de l’OTAN. Nous assistons donc à un discours très ambigu, à une inversion du narratif. Plutôt que de pointer les échecs du commandement russe, Margarita Simonyan préfère affirmer que l’OTAN se ligue contre son peuple et souhaite sa destruction. 

A quel point le régime est-il ébranlé ou non ?

Anton Barbashin : C'est, de loin, le plus grand défi auquel il ait jamais été confronté. Il est énormément ébranlé, mais si ébranlé signifie qu'il va tomber bientôt, je n'irais pas jusque-là. Nous savons, grâce aux sciences politiques et au passé, que vous pouvez perdre une guerre et rester au pouvoir. Ils pourraient maintenir leur contrôle sur les choses en disant que c'est un combat contre l'Occident dans son ensemble.

Qu’est-ce que cela laisse présager pour la Russie dans les prochains jours/semaines ?

Jérôme Pellistrandi : Les hommes qui ont quitté le territoire russe ont fui pour ne pas être mobilisés. Certes, il y a eu quelques manifestations mais cela ne se traduit pas par une opposition politique majeure. Ce sont simplement des sommes de comportements individuels. L’opinion publique russe ne critique pas uniquement Poutine, mais aussi le monde occidental. Le peuple n’a jamais provoqué de révolution, cela a toujours été le fait de certaines élites.

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