Vers un choc d’offre sur le logement ? Les douces illusions et sérieux angles morts de Gabriel Attal <!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier ministre a récemment annoncé un “choc d’offre” sur la question du logement.
Le Premier ministre a récemment annoncé un “choc d’offre” sur la question du logement.
©Flickr/unicellular

Prise de conscience

Le Premier ministre a récemment annoncé un “choc d’offre” sur la question du logement.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Atlantico : Le Premier ministre a récemment annoncé un “choc d’offre” sur la question du logement. Parmi les déclarations de Gabriel Attal figurent notamment la volonté de défendre le pavillon individuel, jugé appartenant au “rêve français”, ainsi que la nécessité de construire davantage. Que dire de cette annonce ? Cela sera-t-il suffisant pour provoquer le résultat escompté… si tant est qu’une telle annonce soit suivie d’actes concrets ?

Marc de Basquiat : Entendre le Premier ministre expliquer qu’on va « se battre centimètre par centimètre », qu’on va « aller chercher tous les logements possibles avec les dents » donne la tonalité de cette prise de parole : il s’agit plus d’un discours de mobilisation des acteurs de terrain que de l’annonce d’une inflexion dans les règles gouvernant ce domaine critique des politiques publiques. Un message est martelé : on va accélérer les procédures, simplifier, injecter de l’argent public pour sortir de terre de nouveaux logements.

Le premier principe évoqué consiste à construire « à la verticale », en ajoutant des étages aux immeubles urbains. Le deuxième principe est légèrement en contradiction, invitant à agrandir (à l’horizontale) les pavillons pour que ces logements individuels accueillent plus d’habitants (enfants majeurs ou parents dépendants). Le troisième axe est la transformation d’immeubles de bureaux en logements. La quatrième mesure favorise la construction « hors site », avec un double bénéfice : contribuer à la réindustrialisation et raccourcir drastiquement la construction finale.

Tout ceci est très bien, appelle à la mobilisation des acteurs. Si j’ose un parallèle avec une entreprise, la posture adoptée par notre premier ministre ressemble à celle d’un directeur commercial, qui identifie quatre segments de marchés et motive ses équipes de vendeurs pour atteindre leurs objectifs. Je n’y vois aucun choix stratégique structurant mais une décharge d’énergie – toujours bienvenue – sans changement notable dans l’équation économique du logement dans notre pays.

Il a également été question de donner “la main aux maires sans changer le Plan local d’urbanisme” ainsi que la volonté de surélever les immeubles moins hauts que les autres comme cela peut-être le cas à Nice. Dans le même temps, Gabriel Attal a rappelé qu’il n’entendait pas procéder à de la bétonisation, de l’artificialisation ou de la destruction. Faut-il y voir un choix pertinent ou le Premier ministre se met-il d’entrée de jeu des obstacles ?

Cette assertion forte est un bel exemple du « en même temps » : les maires ont le pouvoir, mais dans le cadre du PLU (souvent intercommunal) et du SCoT (~500 schémas de cohérence territoriale couvrent la France). On se demande comment cette injonction pourra se traduire dans le concret. Je ne vois pas comment le « en même temps » pourrait déboucher sur une simplification.

De même, réaliser un objectif de densification urbaine en ajoutant massivement des étages aux immeubles existant semble présenter toutes les vertus, mais qu’en est-il de la faisabilité ? Les réseaux de transports sont-ils adaptés ? La qualité de vie des habitants n’en est-elle pas trop dégradée ? Cette politique est-elle compatible avec un objectif également souhaitable d’une plus grande mixité sociale ?

On sent bien qu’un chemin ardu sépare ces orientations générales louables et la mise en œuvre concrète dans nos cités.

Dans quelle mesure peut-on dire de la fiscalité qu’elle constitue l’angle mort du gouvernement, en l’état actuel de ses déclarations ?

Alors que la Cour des comptes a publié le 18 décembre un rapport clairvoyant sur les inconvénients majeurs de la fiscalité actuelle du logement, on attend toujours que le gouvernement annonce les réformes fiscales d’ampleur qui pourraient redynamiser ce marché dramatiquement anémié. Assainir cette fiscalité modifierait considérablement la dynamique du marché immobilier.

1-    Supprimer les droits de mutation (frais de notaire) permettrait une accélération salutaire du flux des transactions, l’achat et la vente d’un bien immobilier répondant à la pure logique d’acteurs économiques maximisant l’intérêt de chacun.

2-    Supprimer la fiscalisation des loyers motiverait de nombreux propriétaires des 3 millions de logements vacants ainsi que ceux sous-utilisés à les mettre sur le marché locatif, augmentant l’offre sans aucun effort de construction.

3-    Supprimer les frais sur les donations inciterait les plus âgés à céder plus tôt leurs logements devenus trop grands aux générations suivantes.

4-    Aligner le taux de la taxe foncière annuelle sur le niveau observé en Seine-Saint-Denis (93), soit environ 0,6% de la valeur vénale des biens immobiliers, apporterait les ressources budgétaires supprimées aux points précédents, sans incidence négative sur le fonctionnement du marché du logement. Pourquoi s’en priver ?

Arrivé au pouvoir en 2017, le président Macron a rapidement décidé de supprimer la taxe d’habitation, sans approfondir en amont les conséquences budgétaires. Ce gouvernement pourrait aujourd’hui reprendre l’offensive sur le plan fiscal pour assainir un marché dysfonctionnel.

Quelles sont, selon-vous, les conditions réelles pour procéder à un véritable choc de l’offre ?

Lorsque le premier ministre évoque les dizaines de millions d’euros que le gouvernement va déverser pour accompagner les démarches de dynamisation de l’offre qu’il décrit, on frémit en pensant aux milliards dépensés par ailleurs pour solvabiliser la demande. Allons-nous rester dans ces approches interventionnistes coûteuses et médiocrement efficaces ? Ne serait-il pas plus sage de créer en environnement économique où les acteurs privés identifient rationnellement et réalisent les projets répondant aux attentes du marché ?

La fédération des promoteurs immobiliers décrit une année 2023 désastreuse pour le logement collectif. Lors de sa conférence de presse du 15 février, la FPI a d’abord présenté un graphique témoignant de l’écroulement de l’offre :

Ensuite a été présenté un graphique montrant que la dégradation de la demande est encore plus sévère, de quoi faire douter de la priorité gouvernementale donnée au « choc d’offre ».

Alors que le stock d’invendus dépassait le seuil de 100.000 logements fin 2023, les promoteurs immobiliers manquent évidemment d’allant pour lancer de nouveaux projets.

Caractériser la situation actuelle par un défaut de l’offre ou de la demande est un choix hasardeux. Seule certitude : le marché du logement – achat comme location – est dysfonctionnel dans notre pays. En sortirons-nous avec plus d’Etat, en additionnant des mesures tactiques volontaristes, ou avec moins d’Etat ?

Dans cette dernière option, il s’agit de repenser radicalement une fiscalité obsolète et nocive, de mettre un terme à l’inflation normative et laisser les acteurs de terrain trouver des solutions pragmatiques (comprendre « non idéologiques ») pour optimiser l’équilibre entre confort des habitants et respect de l’environnement.

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