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Vers la fin du secret des origines ? Comment Internet et les tests génétiques à domicile remettent en cause le don de gamètes anonyme
©Reuters

Recherche parent biologique

Alors que de nouvelles techniques de tests génétiques de plus en plus accessibles facilitent la découverte de parents biologiques pour les enfants adoptés ou issus de PMA, ces progrès ne sont pas sans poser un certain nombre de questions.

Ariane Giacobino

Ariane Giacobino

Ariane Giacobino est agrégée de la Faculté de Médecine de Genève. Elle est médecin et généticienne aux Hôpitaux Universitaires de Genève et membre des sociétés suisse, européenne et américaine de génétique humaine. 

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Virginie Ricaud Murat

Virginie Ricaud Murat

Virginie Ricaud Murat est avocate depuis 1999, spécialisée en droit de la famille et droit des enfants. Dans le cadre de son mandat de conseiller d'arrondissement entre 2001 et 2008, elle a organisé des conférences sur des problématiques de la famille, séparation et enfants. Elle écrit également les chroniques juridiques du droit de la famille de Terrafemina.

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Atlantico : Une étude publiée dans la revue Human Reproduction révèle que de nouvelles techniques de tests génétiques accessibles sans aide médicale facilitent la découverte de l'identité du parent biologique des enfants adoptés ou issus de PMA. Quelles sont ces techniques et à quel point sont-elles aujourd'hui accessibles ? Comment peuvent-elles permettre d'identifier un donneur de gamètes ?

Ariane Giacobino : Les tests d’analyse génétique permettant d’analyser son origine ethnique, son appartenance à un groupe de population (recherches généalogiques par exemple), la paternité, la maternité, la filiation, les prédispositions à des maladies, et cela à partir de très peu de matériel biologique, sont largement diffusées sur Internet. Leur utilisation est simple et leur coût modeste. 

Lors de l’utilisation d’un sperme ou d’ovocytes de donneurs (problème de fertilité ou maladie génétique dont le parent veut éviter la transmission), cet article rapporte que la majorité des couples ne donnent pas l’information du mode de conception (don de gamètes) à l’enfant. Ce choix revient aux parents. Avec les analyses génétiques d’accès facile, les bases de données généalogiques et autres mises en commun d’informations génétiques (certaines des firmes proposant ces tests ont analysé déjà plus d’un million de personnes !), il devient possible de définir que le père ou la mère biologiques sont autres, voire de retrouver son parent biologique ; c’est du moins ce que cet article met en avant. Ainsi, l’anonymat des donneurs peut être contourné, et cet article met en garde contre le contournement de l’anonymat.

Virginie Ricaud : En France, le don de gamètes est anonyme. Le Code civil, le code de la santé publique et les lois sur la bioéthique consacrent ce principe. Des propositions de modification des lois de bioéthique sur la levée de l'anonymat n'ont pas abouti. L'anonymat est préservé pour permettre son existence. A défaut, nous devrions déplorer une pénurie de donneurs. C'est un argument purement pragmatique mais bien réel. L'anonymat permet également de pouvoir communiquer plus librement sur la conception qui pourrait parfaitement rester secrète.

Pour s'adapter aux nouvelles technologies et/ou permettre de connaître le lien biologique (qui ne permettrait pas d'établir un lien de filiation), il faut changer la loi sur la levée de l'anonymat qui a été déjà rejetée. Lever cet anonymat est invoqué pour permettre aux enfants issus de cette conception de connaître leur histoire génétique. Il n'y a pas aujourd'hui de lien juridique automatique possible entre la découverte du donneur et l'enfant.

C'est seulement dans des cas très particuliers que la levée de l'anonymat peut être accordée. Il n'y a cependant aucun risque d'établissement de lien juridique ou de patenté. 

Les biologistes de l'étude concluent en affirmant : "Toutes les parties doivent être au courant que, en 2016, l'anonymat n'existe pas". Est-ce réellement le cas ? Dans quelle mesure cette technique est-elle susceptible de décourager les dons de gamètes ?

Ariane Giacobino : Ça n’est pas encore chose courante de retrouver un donneur par des tests génétiques via Internet, mais c’est arrivé, comme le signale cet article, et plus les utilisateurs des tests génétiques diffuseront ou exposeront leurs données génétiques individuelles, plus ce risque augmentera.  En Suisse et en Suède, par exemple, le don anonyme n’est plus possible. Cela peut décourager les donneurs, effectivement.

Virginie Ricaud : Les nouvelles technologies ne sont pas encadrées. Il faut s'assurer de la crédibilité des réponses. Si elles permettent de retrouver ses origines, elles ne permettront pas à l'enfant d avoir des droits (pension et succession, notamment). La loi actuelle pourrait évoluer, l'intérêt des enfants étant de connaître leurs origines génétiques. Cela permettrait de se rapprocher des nouvelles technologies. Il n'est pas nécessaire cependant de modifier les dispositions sur la filiation. Il faudrait permettre la levée de l'anonymat sans autres conséquences. Permettre d'établir un lien de filiation remettrait en cause les principes de la filiation, établie notamment par le lien juridique du mariage. 

Finalement, le lien de filiation biologique semble d'autant plus recherché qu'il est caché (GPA/PMA). Faut-il libéraliser ces techniques au risque d'encourager à violer la loi qui protège l'anonymat des donneurs ? Où en est le débat éthique sur ces sujets brûlants ?

Ariane Giacobino : Il y a eu de tout temps des non-paternités certainement jamais mises en évidence. Par la génétique, on peut désormais dévoiler certains des secrets de conception. Le mieux serait sans doute l’absence de secret autour de la conception d’un enfant. La question de savoir "d’où l’on vient" est centrale. Cet article propose d’informer les donneurs de gamètes du risque de rupture de l’anonymat, avec la diffusion des analyses génétiques libres.

Virginie Ricaud : Aujourd'hui, pour faire reconnaître un lien de filiation, il faut engager une action en reconnaissance de paternité, une expertise. Une fois ce lien reconnu, il serait possible d'agir pour obtenir des droits en qualité d'enfant (pension, succession) et en qualité de père (droit de visite et d'hébergement, autorité parentale). Les donneurs acceptent cette démarche parce qu'elle est anonyme et que la loi garantit l'absence de responsabilités à l'égard des enfants. Si un lien de patenté peut être établi, il y aura peu de donneurs...

Propos recueillis par Clémence Houdiakova

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