Vers des restrictions de circulation en France en raison d’un nuage de particules en provenance d’Allemagne ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le pic de pollution devrait avoir lieu fin novembre ou début décembre
Le pic de pollution devrait avoir lieu fin novembre ou début décembre
©JOEL SAGET / AFP

Pollution importée

La remise en service de centrales à charbon, allemandes notamment, devrait provoquer un important pic de pollution en France à partir de fin novembre ou début décembre

Olivier Blond

Olivier Blond

Olivier Blond est conseiller régional, délégué spécial à la santé environnementale et à la lutte contre la pollution de l'air et Président de Bruitparif.

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Atlantico : Selon un graphique du service de surveillance de l’atmosphère Copernicus (CAMS), la France va connaître fin novembre, début décembre, un pic important de pollution. Quelles sont les causes de ce pic ? D’où viennent ces particules ?

Olivier Blond : La remise en service de centrales à charbon ou leur fonctionnement accru partout en Europe, pour faire face à la crise énergétique, produit des quantités importantes de pollution atmosphérique. C’est le cas en France avec le redémarrage de la centrale de Saint Avold en Moselle ce lundi 28 novembre. Au Royaume-Uni, la centrale de Drax, la plus polluante du pays, se remet à brûler du charbon comme jamais. En Allemagne, en Belgique, en Italie, en Pologne, le charbon revient de plus en plus fort. Avec les vents, cette pollution liée au charbon peut se déplacer sur des milliers de kilomètres. Tout dépend donc de la météo. Les simulations de Copernicus font venir la pollution de l’Europe de l’Est vers la France. 

La hauteur de ce pic pourrait-elle amener à des restrictions de circulation, à Paris ou ailleurs ?

Aujourd’hui, les niveaux sont très bas. Et il faudra aviser le moment venu, car les prévisions à plus de 24 heures sont un art difficile. Mais il y a tous les hivers des pics de pollution en France. Le vent joue un rôle complexe. Si le vent se lève (et si c’est un vent d’Est) il peut apporter une pollution transfrontalière ; mais en même temps, un vent intense disperse la pollution en renouvelant l’air et l’empêche de s’accumuler… A l’inverse, s’il n’y a pas de vent, la pollution est-européenne ne vient pas jusqu’à nous ; mais celle qui est produite localement en France peut s’accumuler. Le premier cas correspond à des pics de pollution de 2016 et le deuxième cas à des pics de 2017, pour les plus importants des dix dernières années.

Quelles décisions peuvent-être prises face à ce pic ?

S’il y a dépassement des seuils définis par la loi, la préfecture peut décider des restrictions de la circulation, de l’usage des cheminées, des activités industrielles ou agricoles. Mais si un pic de pollution survient, et qu’il est d’origine importée, diminuer les émissions locales sera de peu d’effet. A l’opposé, rejeter la responsabilité sur l’étranger pour justifier l’inaction localement serait trompeur, car il existe une pollution locale importante et en général majoritaire, qui provient en hiver du chauffage urbain (cheminées, petites ou grandes chaufferies), et de la circulation automobile. Il faut peser finement la situation et se méfier des effets d’annonce. Parfois, les logiques de communication l’emportent malheureusement sur celles de l’efficacité.

Ces particules de charbon allemand représentent-elles un risque pour les Français ? Pourquoi ?

Les particules n’ont pas de nationalité. Ce n’est pas leur origine qui fait leur toxicité mais leur composition chimique et leur quantité. La pollution de l’air cause tout un ensemble de problèmes sanitaires, en particulier aux niveaux respiratoires et cardio-vasculaires. Une étude menée en 2017 par plusieurs associations écologistes, dont WWF et Réseau Action Climat, avait estimé que les centrales à charbon européennes causaient la mort de 1380 Français par an. Mais ce n’était pas seulement l’Allemagne qui était responsable. L’étude identifiait comme premier responsable en Europe, la Pologne (4 690 décès prématurés au-delà de ses frontières), puis l’Allemagne (2 490), la Roumanie (1 660), la Bulgarie (1 390) et le Royaume-Uni (1 350). A tout cela s’ajoute l’impact de la pollution de l’air sur la Covid : il est désormais accepté que la première aggrave la seconde, et la pollution allemande pourrait, d’une certaine mesure, contribuer à un éventuel redémarrage de l’épidémie en France.

https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2017-09/16_rapport_europe_dark_cloud.pdf

La France est-elle contrainte de subir cette pollution importée ?

Tout comme le nuage de Tchernobyl ne s’était pas arrêté à nos frontières, les nuages de pollution des centrales thermiques ne s’arrêtent pas sur des lignes Maginot imaginaires. Mais il n’y a pas grand-chose à faire à court terme. La seule action efficace se construit dans le long terme au niveau européen. Mais on voit que les politiques énergétiques divergent, entre l’Allemagne qui est de plus en plus dépendante du charbon, malgré son soutien aux énergies renouvelables, et la France, qui veut s’appuyer sur l’énergie nucléaire, malgré les défaillances actuelles de son parc. Pour l’instant, l’amitié franco-allemande est à sens unique : nous respirons le charbon allemand. Il faudrait un changement politique majeur en France pour que le vent politique tourne – et peut-être celui de la pollution.

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