Ventilation des espaces clos : l’occasion ratée par la France pour lutter contre les maladies respiratoires<!-- --> | Atlantico.fr
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Une salle de classe dans un lycée à Paris lors de la pandémie de Covid-19.
Une salle de classe dans un lycée à Paris lors de la pandémie de Covid-19.
©Thomas Samson / AFP

Défaut de culture scientifique

Le contrôle de la qualité de l’air et son renouvellement fréquent permettent de limiter les contaminations liées aux maladies respiratoires, notamment dans les écoles.

Jérôme Marty

Jérôme Marty

Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.

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Atlantico : Contrôler la qualité de l’air et assurer son renouvellement fréquent doit devenir un pilier de la promotion de la santé et de la lutte contre les maladies respiratoires, en particulier dans les écoles (avis du Covars – Octobre 2022). En quoi ce geste permet-il de lutter contre les maladies respiratoires ?

Jérôme Marty : Plus vous allez respirer dans une pièce où les fenêtres sont fermées, plus le virus est concentré et plus vous favorisez l’infection. Si vous vous mettez dans une pièce avec les mêmes conditions que l’extérieur, la charge virale est moindre et à partir de là, le taux d’infection va diminuer. C’est pour ça que depuis le début de la crise du Covid, on appelait à utiliser des détecteurs de CO2. Ils vont montrer la concentration de dioxyde de carbone dans l’air mais aussi les charges virales si des personnes infectées sont présentes dans la pièce et viennent à excréter le virus. Si le taux de CO2 augmente, cela veut dire que la pièce est mal aérée. Et à partir d’un certain taux, celle-ci devient dangereuse durant les périodes où les virus circulent.

Selon la page du « World ventilate day », la ventilation permettrait : meilleur sommeil, baisse de l'absentéisme, baisse de l'exposition aux polluants, baisse des infections aux virus respiratoires hausse des performances cognitives. Est-ce attesté ?

Les zones les plus polluées sont en intérieur (maisons, écoles, entreprises) et non en extérieur. Pourquoi ? En extérieur, au sens premier, c’est ventilé, l’air circule et donc les pollutions sont en quelque sorte dispersées. Au contraire, en intérieur, dans un espace clos, on va être amenés à respirer les particules des produits aérosols ou bien ménagers. Cela favorise les infections ou maladies respiratoires. Donc il est évident que plus on ventile, moins il y a de polluants intérieurs. Concernant le sommeil, il est logique que nous allons mieux dormir avec un air pur. Les gens ont tendance à penser qu’ils sont en sécurité en étant chez eux mais c’est faux. Si on ne ventile pas, la pollution intérieure est plus importante que celle en extérieur.

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Au Japon, le taux d'infection du virus respiratoire syncytial est semblable ou plus bas que le niveau pré-pandémique. Peut-on attribuer cela à une bonne ventilation ?

Pour moi oui, et les Japonais l’ont bien compris. En France, cela fait plus de deux ans qu’on le demande et pourtant on ne voit rien venir. Dans notre pays, il faudrait une politique de l’air intérieur et cela devrait être une priorité nationale. On le ressent bien dans les écoles, les salles de classe ne sont pas bien aérées, il n’y a pas de véritable plan d’aération avec des aides, il n’y a rien de fait. Notre gouvernement, pendant facilement deux ans, a nié cette voie de contamination en disant que le virus passait par les mains par exemple.

Face à ces recommandations et ces preuves d’efficience, pourquoi le gouvernement ne s’est pas emparé du sujet et a mis des mesures en place pour les appliquer ?

C’est inexplicable. Au début de la pandémie, le gouvernement ne l’a pas fait car s’il le faisait, il aurait dû reconnaître certaines choses. Comme admettre qu’il fallait des masques FFP2 pour les soignants alors qu’il n’en avait pas. Le vrai scandale est là car nous aurions pu éviter des dizaines de milliers de morts. Si on avait véritablement communiqué sur la nécessité de laisser les fenêtres ouvertes, on aurait diminué très probablement les infections.

Une aide exceptionnelle a permis de financer le déploiement de près de 120 000 capteurs de CO2 dans les établissements scolaires pendant l’année scolaire 2021-2022. Est-ce suffisant pour lutter contre les maladies respiratoires ?

Ces capteurs sont suffisants si le geste d’ouvrir la fenêtre est fait lorsque le taux de CO2 atteint un certain seuil dans la pièce. Par exemple, si on arrive à un taux compris entre 900 et 1000 ppm (partie par million), on entre dans une zone un peu dangereuse. Dans ce cas-là, il faut aérer et descendre aux alentours de 400 ppm. Mais cela est possible que si les pièces en question sont aérables. Or, on sait qu’il y a encore beaucoup de classes dans les écoles en France où ce n’est pas le cas. Si on avait une audit qui était faite sur la circulation d’air, on saurait qu’il faut ouvrir une fenêtre plus qu’une autre afin de favoriser le flux d’air et ventiler la pièce en très peu de temps. Mais cela n’a pas été fait. Il n’y a pas eu de purificateurs ni même de VMC suffisamment efficace d’installés dans les écoles. Donc, les capteurs de CO2, c’est un bon début, mais il faut que cela déclenche quelque chose. Si ça permet juste de regarder le taux de dioxyde de carbone augmenter, cela ne sert pas à grand-chose. Mais les professeurs sont au courant de cela, et ils réclament des moyens depuis maintenant trois ans. Le gouvernement a mis trop de temps à prendre conscience de cette réalité. Il aurait dû profiter des grandes vacances pour changer les fenêtres, installer des purificateurs ou des VMC adaptées. Chose qui n’a pas été faite. Globalement, il n’y a pas grand-chose de fait dans les écoles, et le gouvernement a perdu du temps.

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Comment le gouvernement pourrait-il faire plus et mieux ?

Pour le moment, la science est malheureusement absente de la politique. L’expérience du covid, avec le recul, le montre bien. On est dans un pays où la science n’a pas été démocratisée. Pour faire mieux, comme je l’ai dit, le gouvernement devrait prendre en compte une politique de l’air intérieur. Car on ne parle pas seulement du Covid, mais de toutes les pathologies respiratoires. Et c’est un problème qui vient aussi avec le réchauffement climatique. Toute la difficulté est là car il va falloir améliorer l’isolation des maisons mais aussi l’aération. A l’avenir, il faudra prendre en compte la pollution et la ventilation pour adapter les lieux intérieurs. Il faut savoir qu’on va être amenés à passer plus de temps chez soi avec le réchauffement climatique. En été, lorsque les chaleurs ne seront plus vivables, les gens seront obligés de rester dans leur maison. Les filtres seront donc nécessaires pour lutter contre les fines particules et avoir un air propre en intérieur. La crise du Covid a ouvert les yeux sur ce sujet, mais les paupières sont encore très lourdes.

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