Pécresse, Zemmour, Le Pen (et Maréchal…), cette petite finale post présidentielle qui agite la droite et la droite nationale<!-- --> | Atlantico.fr
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Marion Maréchal ne soutiendra pas Marine Le Pen et hésite à rallier Eric Zemmour. Elle aurait également l'intention de participer à la campagne des législatives.
Marion Maréchal ne soutiendra pas Marine Le Pen et hésite à rallier Eric Zemmour. Elle aurait également l'intention de participer à la campagne des législatives.
©Thomas SAMSON, Alberto PIZZOLI / AFP

2022

Marion Maréchal a annoncé son souhait de vouloir refaire de la politique et "pencher" vers Eric Zemmour plutôt que vers Marine Le Pen. Le RN aurait poussé Marion Maréchal à se prononcer sur un éventuel soutien à Eric Zemmour plus tôt qu'elle ne l'aurait souhaité, selon plusieurs sources consultées par Atlantico. Le résultat du premier tour de la présidentielle et l’ordre des différents candidats seront cruciaux pour le futur de la droite post 2022.

Vincent Tournier

Vincent Tournier

Vincent Tournier est maître de conférence de science politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

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Atlantico : Marion Maréchal a annoncé ce vendredi vouloir refaire de la politique et “pencher” vers Eric Zemmour plutôt que vers Marine Le Pen. Selon plusieurs sources consultées par Atlantico, le RN aurait poussé Marion Maréchal à sortir du bois concernant un éventuel soutien à Éric Zemmour plus tôt qu'elle ne l'aurait souhaité. Dans quelle mesure cette opération menée par les deux camps en sous-marin peut rebattre les cartes ? 

Vincent Tournier : Il n’est pas exclu, en effet, que cette annonce ait été brusquée car ce ralliement semble un peu improvisé, ce qui a atténué l’impact médiatique qu’il aurait pu avoir.

Quoiqu’il en soit, c’est effectivement un événement potentiellement important qui risque de mettre en grande difficulté Marine Le Pen. Cette dernière est actuellement au coude-à-coude avec Éric Zemmour. Elle a certes réussi à juguler l’hémorragie de l’automne lorsqu’Éric Zemmour est monté assez haut dans les intentions de vote, mais depuis cette date, elle stagne. Elle ne parvient pas à créer une dynamique en sa faveur. Sa situation est d’autant plus difficile qu’elle ne peut espérer aucun ralliement significatif dans les semaines qui viennent, ce qui n’est pas le cas d’Eric Zemmour, qui a déjà commencé à engranger de nouveaux soutiens, notamment Gilbert Collard.

Par ailleurs, il faut bien voir pourquoi le ralliement de Marion Maréchal, au-delà des querelles personnelles et familiales, constitue une menace importante pour Marine Le Pen. Pour faire face à la candidature d’Éric Zemmour, cette dernière a été contrainte d’adoucir son discours. Elle n’avait pas le choix : pour se démarquer d’Éric Zemmour, qui a totalement phagocyté les thèmes de la droite nationaliste, elle a dû se recentrer, comme on l’a vu encore récemment lorsqu’elle a indiqué qu’elle renonçait à supprimer la double nationalité.

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On aurait pu penser qu’un tel recentrage allait lui être profitable puisque, pour la première fois, le RN n’était plus le candidat la plus extrême de l’échiquier politique, ce qui aurait pu lui permettre de briser son plafond de verre et récupérer une partie des électeurs qui partagent ses idées.

Mais cela ne s’est pas produit. Ce recentrage n’a créé aucune dynamique en faveur de Marine Le Pen, ce qui laisse entendre que les électeurs RN ne sont pas demandeurs d’une telle inflexion. Au contraire : Marine Le Pen semble donner le sentiment qu’elle tourne le dos à ses fondamentaux. Dans ce contexte, le ralliement de Marion Maréchal est lourd de sens : il donne du crédit à ceux qui considèrent que le véritable représentant du camp national, c’est désormais Éric Zemmour. En somme, il ouvre une nouvelle perspective en indiquant que l’avenir du Rassemblement national se joue désormais ailleurs qu’au RN.

Quel impact cela peut-il avoir sur la présidentielle de 2022 ? 

Dans l’immédiat, compte-tenu de ce nouveau paramètre, il est très vraisemblable que, pour éviter une éventuelle baisse dans les sondages, Marine Le Pen soit amenée à prendre des initiatives dans les jours qui viennent.

Pour le reste, il est toujours risqué de faire des pronostics. Mais à ce stade, on peut proposer deux lectures. La première est de se dire que les grandes tendances électorales sont maintenant figées, et que les intentions de vote ne vont pas beaucoup évoluer d’ici le 10 avril, sauf imprévu. C’est une possibilité assez forte parce que le président Emmanuel Macron se tient sagement à l’écart de la campagne électorale, ce qui lui permet d’engranger sur son statut de chef d’Etat, aidé en cela par la crise sanitaire et la crise russo-ukrainienne. Par ailleurs, non seulement les paramètres économiques sont globalement favorables au président sortant, mais le gouvernement a multiplié les annonces et les cadeaux pour déminer une grande partie des contestations possibles. Donc, sauf événement imprévu, on peut penser que les courbes vont rester stables.

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Une autre interprétation est de se dire que les trois candidats de droite (Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Éric Zemmour) sont actuellement dans un mouchoir de poche, à quelques pourcents près. Or, ils sont également sur des lignes politiques très similaires, ils convoitent des électeurs qui, sans être exactement les mêmes, ont beaucoup de préoccupations en commun. Cela signifie qu’une bascule en faveur de l’un ou de l’autre peut très bien se produire, surtout si les électeurs indécis optent pour un vote utile. Dans ce cas, on pourrait alors assister à une forme de ralliement : l’un des trois prend l’ascendant sur les autres. Ce genre de phénomène peut aller assez vite. Il suffit que les sondages repèrent un frémissement pour que les médias se mettent à en parler, ce qui enclenche alors une spirale au profit d’un candidat et au détriment des autres.

Un tel scénario est d’autant plus crédible que les instituts de sondages testent encore les candidatures de Jean Lassalle et de Nicolas Dupond-Aignan. Ces deux candidats sont bien sûr marginaux mais ils recueillent quand même environ 3% des suffrages, comme le montre le dernièr sondage IPSOS réalisé mi-janvier auprès d’un échantillon très élevé de plus de 12.000 personnes. Imaginons que ces deux candidats décident de se retirer et de rallier Éric Zemmour, cela suffirait pour le faire passer devant Valérie Pécresse et Marine Le Pen, ce qui pourrait alors changer sensiblement la dynamique électorale.

A quel point le résultat du premier tour de la présidentielle, et l’ordre des différents candidats sera important dans le futur de la droite post 2022?

Cela aurait évidemment un impact majeur. Nous sommes en effet dans une période de fortes turbulences politiques, comme on le voit avec l’émergence du macronisme et la quasi-disparition du PS. Les Républicains ont pour l’instant bien résisté mais le phénomène Zemmour montre que rien n’est gagné.

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Toute la question est donc de savoir qui a un avenir politique à droite. Sur le plan personnel, c’est certainement Marine Le Pen qui, en cas de nouvel échec, sera la plus en difficulté car on voit mal comment elle pourrait se maintenir. D’ailleurs, c’est un peu ce qui a été prévu au RN lorsque Jordan Bardella a pris la direction du parti, ce qui est une façon d’annoncer la fin d’un cycle.

Dans le cas d’Éric Zemmour, sous réserve qu’il ait pu obtenir ses parrainages, le niveau de son score indiquera si sa candidature n’est qu’une illusion sondagière ou s’il dispose d’une base électorale consistante à partir de laquelle il peut envisager une place conséquente dans la vie politique, notamment aux législatives.

Quant à la droite républicaine, une nouvelle défaite après celle de Fillon en 2017 pourrait bien d’achever Les Républicains, en tout cas si le résultat de Valérie Pécresse est mauvais. Une grande partie des cadres LR, à commencer sans doute par Valérie Pécresse elle-même, seront certainement tentés de quitter le navire au profit de LREM, ce qui ouvrira encore un peu plus l’espace politique du côté de la droite radicale. On pourrait alors assister à une recomposition de la droite autour du zemmmourisme. L’ensemble de l’échiquier politique se reconstituerait alors autour de trois pôles : le mélenchonisme pour la gauche, le macronisme pour le centre et zemmourisme pour la droite. Si un tel scénario venait à se réaliser, cela en dirait long sur l’ampleur des recompositions qui sont à l’œuvre dans la séquence politique que nous traversons.

L’emballement politique que suscite cette annonce est-il lié en partie à ce que pourraient être les conséquences post élection présidentielle de recomposition de la droite et notamment aux législatives, en particulier avec la volonté de Reconquête de réunir les droites sans cordon sanitaire ?

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Il ne faut pas trop anticiper. Pour l’heure, la principale raison qui fait que l’annonce de Marion Maréchal est importante, c’est qu’elle menace de déstabiliser la candidature de Marine Le Pen, donc de rebattre les cartes à droite.

Par la suite, si ce ralliement de Marion Maréchal produit des effets, notamment si Éric Zemmour voit son score augmenter significativement, il y aura forcément des conséquences importantes, mais il faudra attendre les résultats de la présidentielle pour en savoir davantage. Ce qui est sûr, c’est que les députés de LR sont d’ores et déjà en train de réfléchir à la façon dont ils vont devoir se positionner en fonction de l’issue de la présidentielle. Selon la hiérarchie qui en ressortira entre Valérie Pécresse et Éric Zemmour, la question de la stratégie d’alliance se posera alors avec acuité. Ce sera même une question de survie pour LR puisqu’on se posera alors la question de savoir si ce parti dispose toujours d’un espace politique.  

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