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Valerie Boyer : « Nous devons empêcher que le financement du terrorisme low-cost se fasse par un noircissement d’argent public »
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Terrorisme

La députée des Républicains avec sa collègue LREM Sonia Krimi ont présenté hier les conclusions de leur rapport d'information sur "la lutte contre le financement du terrorisme international".

Valérie Boyer

Valérie Boyer

Valérie Boyer est sénatrice LR des Bouches-du-Rhône et conseillère municipale de Marseille.

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Atlantico : Liens avec la criminalité, implantation dans l'économie locale, détournement de flux financiers, facilitateurs financiers... Autant de sources de financement du terrorisme que vous citez dans votre rapport d'information. Face à cette multitude de moyens et d'échelles existe-t-il vraiment une solution pour assécher les sources de financement ?

Valérie Boyer : Une solution, non, mais un faisceau de solutions techniques ainsi qu’une volonté politique oui ! Cette dernière doit se traduire par une diplomatie courageuse et lucide, que ce soit du point de vue du réarmement moral qu’il est indispensable d’avoir en France comme en Europe et à l’international. Nous avons axé notre rapport et nos solutions à ces trois échelons. Pour la France, nous ferons des propositions dans différents textes de loi pour renforcer la sécurité des Français, et renforcer notre vigilance sur certains secteurs et certains outils. Il s’agira par exemple assujettir les cagnottes en ligne aux mêmes objectifs de vigilance, au même titre que les plateformes de financement participatif ; ou d’adopter une réglementation plus prudente dans la régulation des crypto-actifs ; ou de renforcer le contrôle des associations (tout en respectant bien entendu la liberté associative) car on sait parfaitement que nombre d’associations sportives, culturelles, etc. ont été des lieux de radicalisation. Sur le plan des flux financiers, il est vrai qu’en France et en Europe, le terrorisme « low cost » par un certain nombre de points. Le premier, c’est le lien entre la petite délinquance ou la délinquance et le terrorisme - comme dans le cas des frères Kouachi qui participaient à un trafic de contrefaçons. Ensuite, il faut voir le peu de moyens nécessaires pour monter un tel attentat. Celui de Nice a demandé 2500 euros pour une location de camion et l’achat d’une arme, pour un bilan morbide particulièrement élevé. Néanmoins, je n’aime pas beaucoup cette expression de terrorisme low-cost, car ce dernier repose aussi sur des flux financiers énormes qui ont été déversés pendant des années par des pays tels que le Qatar, l’Arabie Saoudite, le Koweit, l’Iran, la Turquie etc. Toute cette arrivée d’argent acheminée par leurs ministères des Affaires religieuses ou internationales a été décrite par de nombreux auteurs. C’est sur ce terrain-là que fleurit le terrorisme low-cost, et en cela le terme me semble donc inapproprié. Même les moyens sont peu nombreux dans la réalisation de l’acte terroriste, et que l’argent n’est pas directement versé aux terroristes, leur action repose sur des années et des années d’investissement très dense dans la propagande que ce soit par les Frères musulmans ou les salafistes. Enfin, nous faisons le constat que l’argent du terrorisme est bien souvent du noircissement d’argent, plutôt que du blanchiment. Par exemple, les familles Klein et Merah ont utilisé l’argent de la sécurité sociale ou de Pôle emploi pour pouvoir financer des départs en Irak et en Syrie. Tout cela s’est fait en grande partie avec l’argent des pouvoirs publics et de la solidarité. 
Ce noircissement doit être combattu. Une partie des solutions en la matière repose sur la vérification de l’identité, et sur le fait qu’identités physiques et numériques puissent être rapprochés via de documents d’identité plus sûrs. 

Quels acteurs, publics ou privés ne "jouent pas le jeu" de la lutte contre le financement du terrorisme ?

Je pense que tout le monde joue un petit peu le jeu, mais que notre système est complexe, et que le terrorisme est à la fois opportuniste et pragmatique. Il arrive à profiter de toutes les failles. Par exemple, les shebabs qui étaient connus pour le trafic d’ivoire, de bois précieux et aussi parfois d’êtres humains - rançons, enlèvements, etc - ont financé leurs actions terroristes par ces biais. Les terroristes n’inventent pas de mafias, mais se greffent sur celles-ci. On a aussi évoqué les liens entre le terrorisme et le Sentier Lumineux. Et bien entendu, il y a les liens entre l’argent des passeurs, du trafic d’êtres humains et le terrorisme. Cette partie n’est pas en exergue de notre rapport mais se trouvera dans la seconde partie de notre travail à laquelle nous allons nous atteler. En revanche, nous nous penchons sur le rôle de certaines ONG, nous analysons les travaux de Christian Chesnot et Georges Malbrunot sur ce sujet. Nous rappelons comment des organismes tel que Qatar Charity ont clairement servi à la propagation de la doctrine des Frères musulmans - et le Qatar ne s’en cache même pas. Nous avons aussi mis en exergue dans notre rapport que l’argent de la « zakât » - l’aumône - ou du pèlerinage de la Mecque par exemple ont servi par exemple à financer, via une ONG, l’attentat de l’hôtel Mariott à Bali. L’enquête sur les attentats du 11 septembre a montré que plus de 360 ONG étaient impliqués dans les attentats. Ces ramifications sont extrêmement nombreuses et importantes. Elles ont permis de réaliser de nombreuses opérations terroristes.

Une des recommandations faites dans ce rapport est le renforcement de la coopération internationale avec les pays touchés par les conflits armés et le djihadisme. Mais concrètement comment faire si des relations diplomatiques ont été rompues, si la gouvernance est disputée entre plusieurs groupes ou même si les leaders de ces pays touchés agissent comme des pompiers pyromanes ?

C’est un vrai sujet, que nous avons mis en pratique sans réellement l’aborder dans cette première partie du rapport, mais qui doit l’être dans la seconde. Quand Emmanuel Macron se rend au Qatar, assiste à toute la rencontre et déclare à la fin au Cheikh Al Thani qu’il faut qu’il y ait un partenariat stratégique entre la France et le Qatar, mais qu’en contrepartie, la France soit avertie quand le Qatar investit chez elle. Le Cheikh a dit oui, mais on sait très bien que cela ne se passe pas comme ça… C’est tout l’art de la diplomatie, il va nous falloir parler à nos ennemis. 
Maintenant, on a les moyens - peut-être pas encore tous - de savoir et d’agir. Quand on a un ministre de l’Intérieur qui, pour faire un coup politique, parle enfin du lien entre ONG et trafic d’êtres humains, on n'a pas la même réaction que quand nous le dénonçons au sein des Républicains. On s’était alors fait traiter de tous les noms. Christophe Castaner a pourtant repris mot pour mot ce que nous disions. Quand les passeurs ont le numéro des ONG et leur signale l’arrivée d’un bateau, ce n’est pas possible, mais nous savons qu’il existe ces liens - pour de bonnes et de mauvaises raisons, certes, mais ils existent. Mais on n’a pas le courage de le dire, et il faut le dénoncer pour commencer. Puis, trouver des solutions.

L'intégralité du rapport est à retrouver ICI

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